On ne sait plus ce qui se passe en France ! Le pays marche au ralenti, et aucune ficelle de lumière ne se profile à l’horizon. En moins d’un an, trois gouvernements sont tombés, faute d’avoir l’assentiment de l’Assemblée nationale.
A droite comme à gauche, chacun tire la couverture vers soi, sur fond d’incertitude budgétaire. Face à une rue qui bouillonne, l’élite semble regarder ailleurs. Au premier rang, Bruno Retailleau, le ministre-cavalier, longtemps habité par les glorioles de la fonction suprême, et qui croisait le fer avec le Quai d’Orsay au sujet de ses relations avec l’Algérie. Incapable de faire régner l’ordre dans le gouvernement ni d’imposer sa vision « raciste» sur la question migratoire–le seul dossier, au demeurant, dans lequel il marque des points aux yeux d’une opinion publique épuisée par les politiques d’austérité–, le chef de file des Républicains risque même de perdre la main dans son propre parti.
Devant Laurent Wauquiez, le patron du groupe de la droite à l’Assemblée, il fait profil bas. Ce dernier penche plutôt par une fidélité pragmatique à « la Macronie » pour l’approbation de la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu. Un pavé dans la mare. La bataille de leadership au sein du parti a même fait exploser, par ricochet, et en moins d’une journée le premier exécutif formé par le même Sébastien Lecornu. Un fait inédit, voire rare dans la Ve République !
Les yeux rivés dans l’échéance présidentielle de 2027, Retailleau a accéléré le rythme de ses ambitions démesurées jusqu’au point où il a scellé sa rupture avec la base de son parti. Et dans une sorte d’autodestruction sacrificielle, il appelle son contingent à la rescousse, alors qu’il est au fond du trou. Ne voulant plus lâcher du lest à une équipe gouvernementale qu’il soupçonne être dirigée à distance par la gauche, il ne compte pas renoncer à ses engagements, quitte à abandonner le grand navire en naufrage, ce qui a eu lieu d’ailleurs.
Mais ce qui se cache dans les coulisses se révèle au grand jour à l’occasion des motions de censure déposées par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et le Rassemblement national de Marine Le Pen, deux partis aux antipodes unis dans leur opposition à l’exécutif, mais totalement en divergence sur le plan idéologique. Lecornu qui a cédé sur l’essentiel-la revendication de base, à savoir le retrait de la réforme des retraites posée comme une condition sine qua non par le parti socialiste et les organisations syndicales, peut, a priori, éviter la censure de son gouvernement, mais ne sera plus en mesure de désarmer dans les semaines à venir la protesta contre Macron, au bas de l’échelle dans les sondages d’opinion et dont beaucoup à gauche comme à droite réclament la tête.
Désormais à deux têtes, le parti des républicains qui compte six ministres dans l’actuel exécutif est plus que jamais désuni, tout comme l’hémicycle qui s’assied sur des équilibres fragiles.
La France s’oriente-t-elle à court terme vers une seconde dissolution de l’Assemblée ? Le scénario est possible, d’autant que, même si Lecornu s’en sort indemne cette fois-ci, il n’en reste pas moins que le compromis soit si ténu et si temporaire, à défaut d’une majorité stable dans l’Assemblée et d’accords fondamentaux sur les grands dossiers de l’actualité.
Emmanuel Macron parviendra-t-il à sortir du pouvoir par le haut, à la manière gaullienne, et dans l’art délicat dont seuls les grands leaders maitrisent la recette? Aura-t-il le culot d’affronter la colère populaire, tout en sauvant in extremis son image, tant ternie par une gestion pour le moins « catastrophique » de son pays? Wait and see!
Kamal Guerroua.