22 novembre 2024
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La génétique, le beau grand brun, aux yeux verts et intelligent !

SCIENCE

La génétique, le beau grand brun, aux yeux verts et intelligent !

C’était, pour nous rendre jaloux, ce que réclamaient nos copines de lycée à Oran à une époque où la parole était encore libérée sur ce qui était anodin et sain d’esprit. Quarante années plus tard, un biologiste chinois vient d’annoncer qu’il est parvenu à faire naître deux bébés en les modifiant au préalable génétiquement en éprouvette. Avaient-elles ressenti que l’avenir exaucerait un jour leurs rêves mais est-ce vraiment rassurant pour l’humanité ?

Le MIT Technology Review et l’agence Associated Press ont annoncé une nouvelle fracassante le 26 novembre. Deux bébés génétiquement modifiés seraient nés. Tout le monde a cru a un canular mais le chercheur chinois He Jiankui de l’University of Science and Technology de Chenzen a confirmé la nouvelle lors du deuxième sommet international sur l’édition génomique humaine à Honk Kong.

Le chercheur affirme avoir mené une expérience conduisant à la naissance de bébés résistants au virus VIH par modification génétique. Pour cela il avait recruté sept couples infertiles volontaires dont tous les hommes sont atteints du virus VIH et toutes les femmes étant séronégatives.

Chaque couple a permis une fécondation in vitro c’est à dire la rencontre des spermatozoïdes avec une ovule en éprouvette menant à la formation d’un embryon. C’est précisément à cette étape que le chercheur aurait eu recours à la célèbre technique génétique créée en 2012 sous le nom de Crispr-Cas9, dénommée « ciseaux moléculaires », qui permet des modifications très précises.

Toujours selon le chercheur, des embryons auraient été implantés à l’une des participantes et auraient abouti à la naissance de deux jumelles, Lulu et Nana, qui se porteraient très bien.

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Les spermatozoïdes et les ovules étant ceux du couple formé par cette femme et son conjoint. Ils seraient donc les premiers parents au monde d’enfants génétiquement modifiés. Le chercheur annonce que les deux enfants seront suivis jusqu’à 18 ans et que d’autres naissances sont à prévoir.

Tout cela reste extrêmement suspect et son université de rattachement n’aurait été mise au courant de ses recherches secrètes qu’au mois de novembre donc au tout dernier moment. C’est la raison pour laquelle nous employons le temps du conditionnel avec une infinie précaution.

Dès l’annonce stupéfiante, la communauté scientifique internationale s’est insurgée contre ce qu’elle appelle « l’irresponsabilité dangereuse du chercheur ». Sur le plan purement scientifique il est considéré que la technique en question est encore à ces premiers pas pour pouvoir se donner l’objectif d’intervenir pour une procréation humaine. De plus, l’idée d’intervenir sur des embryons sains pour risquer de les infecter alors que d’autres techniques sont aujourd’hui probantes pour le traitement du sida, devenu une maladie chronique, semble une idée folle d’inconscience.

Mais c’est surtout sur le plan éthique qu’elle choque la communauté internationale. Et sur ce terrain, nul besoin d’être un scientifique pour reconnaître l’éternel débat sur les questionnements de l’humanité face à l’avancée des sciences.

Derrière ce cas spécifique du problème de l’infection du sida se cache les craintes de la manipulation génétique pour produire « l’être humain parfait ». Et le spectre du docteur Mengele ou du mythe de Frankenstein reviennent aussitôt hanter l’esprit.

La recherche de « la race pure », de « l’homme parfait », nous savons tous ce que cela veut dire et  induire comme conséquences dramatiques. La question sous-jacente n’est donc pas seulement l’amélioration de la santé et des performances de l’humanité mais celle des désirs monstrueux des couples et des régimes autoritaires.

Ce qui est en cause est le bonheur extraordinaire de l’enfantement qui accueille le nouveau-né tel qu’il est, avec ses propres données génétiques, son apparence et ses qualités.

Rien n’est à priori choquant lorsque le but annoncé est de parvenir à améliorer les conditions de vie humaines. Mais essayer d’assouvir les fantasmes de nos copines d’antan, naïvement exprimées avec humour et tendresse, soit avoir un partenaire pour aboutir au bébé brun, appelé à devenir grand et musclé, aux yeux verts, c’est tout simplement une dérive catastrophique de l’humanité.

Elle a déjà suffisamment à combattre ceux qui veulent s’attaquer aux personnes qui ne répondent pas à la norme qu’il serait dramatique d’ajouter au problème le choix de son bébé dans ses caractéristiques.

Que deviendrait celui qui n’est pas dans les canons physiques hollywoodiens, celui qui présente un handicap ou une insuffisance intellectuelle ? C’est déjà un combat permanent des humanistes de militer pour la non discrimination, nous ne pouvons imaginer ce que serait la situation insurmontable si le grand brun, musclé, intelligent et aux yeux verts était au catalogue du supermarché biologique.

Créer l’être humain à son désir est une vieille idée folle de l’humanité qui a fait traverser la ligne jaune à certains mais qui reste encore contenue dans les limites de la raison et de l’intelligence des lois éthiques. Pour autant, il ne faut jamais s’interdire d’explorer les limites de la science et essayer d’avancer. Il ne faut surtout pas interdire les manipulations génétiques comme certains voudraient qu’on le fasse au nom de doctrines tout autant insensées.

Il faut encore et encore financer la science et laisser cours aux extraordinaires tentatives des chercheurs. L’humanité en a toujours eu peur mais la science a réussi à nous convaincre qu’il fallait la hisser au plus haut rang des objectifs car elle a toujours été libératrice des Hommes.

Le chercheur chinois n’a donc pas fauté en ces expériences mais en allant jusqu’à donner la vie sans que les techniques soient sûres et, surtout, accompagnées de précautions juridiques extrêmement rigoureuses.

Pour conclure, je pense une dernière fois à toutes ces jeunes filles qui nous narguaient avec leurs rêves de grand brun, aux yeux verts et intelligent. Pour l’intelligence, je certifie qu’il y en avait, pour le reste, en cette contrée méditerranéenne, c’était plus rare.

Je suis au final certain qu’elles ont dû avoir les meilleurs maris et les plus honnêtes du monde. En réalité, nous n’avions pas besoin de génétique en ces années 70 pour être heureux de nos seuls rêves.

Ce n’est certainement pas la science qui les a détruits.

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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