2 juillet 2024
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La Grande-Bretagne voulait le Brexit, le virus l’a signé

DECRYPTAGE

La Grande-Bretagne voulait le Brexit, le virus l’a signé

L’accord tant attendu depuis quatre ans sur le Brexit vient d’être signé. L’histoire est en général une leçon froide dont la temporalité, en décennies ou en siècles, n’est pas celle de l’actualité. Nous venons pourtant d’assister à une exception, soit une avant-première de ce qui risque d’arriver bientôt à ce pays. L’histoire vient de donner une leçon instantanée en avertissement aux Britanniques.

La Grande-Bretagne était confrontée à un triple problème alors que le monde en subissait deux, déjà deux de trop. À la crise pandémique et au désastre économique qui en découlent, elle en avait crée un autre de sa propre volonté. Le Brexit est douloureux même avec un accord qui limite le désastre pour les deux parties, surtout pour les Britanniques.

Les partisans du « remain » avaient pourtant averti du risque d’une telle décision mais les partisans du Brexit ont gagné, la rupture fut actée démocratiquement. Restait la gigantesque difficulté des formalités et arrangements du divorce qui étaient repoussés de date en date avant d’être signés la veille de Noël, à une semaine de la date limite. 

La fermeture draconienne des frontières pour cause de rebond de la pandémie a fait connaître, comme une répétition grandeur nature, ce qui pourrait être la conséquence dévastatrice du Brexit pour la GB même si le choc est maintenant amorti par l’accord.

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Un réveil brutal

En direct, un correspondant d’une télévision continentale rendait compte de l’inquiétude des Britanniques face à la fermeture du pays : « Ils ont déjà un sentiment d’isolement qui est assez fort, notamment pour les Londoniens qui ont l’habitude d’avoir des liens étroits avec l’Europe ».

Un surprenant constat alors que les supporters du Brexit affirmaient depuis des années l’absolu contraire. L’Europe étant devenue à leurs yeux ce qui freinait le développement et la liberté des Britanniques en toutes choses. Une très ancienne position mais qui, cette fois-ci, avait trouvé lors du référendum une majorité pour l’exprimer.

Et voilà que cette crise pandémique est la parfaite illustration de ce qui arriverait à ce grand pays qui renie son origine européenne. Le Brexit n’était même pas encore signé que le pays avait touché du doigt ce qui pourrait lui arriver et que les partisans du Brexit avaient écarté d’un revers de la main. 

Et tout d’un coup, comme un phénomène d’explosion qui apparaît en laboratoire, le pays commence à comprendre que la grande puissance dont ils ont la nostalgie et qu’ils veulent retrouver en quittant l’Europe ne peut même pas atteindre son autosuffisance alimentaire, surtout en produits frais.

Les routes étaient si encombrées suite à l’impossibilité des camions de pouvoir livrer que le gouvernement avait prévu de gigantesques parkings, y compris dans des pistes d’aéroports désertés. Cette option était dans les plans les plus pessimistes de l’après Brexit. La Grande-Bretagne les avait  finalement mis en application avant même qu’il n’entre en vigueur.  

Les images vues dans le monde entier préfiguraient du chaos dans lequel se serait enfoncée la Grande-Bretagne avec une sortie sans accord. Mais la leçon reste encore d’actualité car l’accord ne résout pas tout, au contraire il est le révélateur des lourds questionnements à venir pour les Britanniques.

Les « achats-panique» font rappeler les mouvements de crainte des périodes de guerre. Ils avaient oublié que leurs produits alimentaires (et pas que cela) étaient presque tous importés d’Europe. Ils étaient dépendants de leur nourriture, ce qui est le comble en considération des mensonges de la campagne des partisans du Brexit.

Chose extraordinaire, ce pays ne parle en ce moment que de pénuries de salades, de brocolis et de primeurs dont la Grande-Bretagne est dépendante, surtout en période de fêtes de fin d’année pendant lesquelles les Britanniques raffolent des produits frais. Les rayons sont vides et le représentant du British Retail Consortium, un agglomérat d’entreprises du commerce, avoue la gravité de la pénurie en matière alimentaire. Les grandes enseignes avaient déjà alerté du risque de ruptures de stock en ce domaine vital pour la population.

Les Britanniques ont ainsi perçu de leurs propres yeux ce que pourrait être leur avenir. Pour un pays qui pensait avoir son indépendance de choix et s’envoler vers le grand large comme du temps de sa grandeur coloniale à travers les océans, le réveil est lourd, la gueule de bois assommante.

Les chiffres étaient pourtant évidents

Dans l’euphorie du discours politique, le peuple britannique s’était détourné d’une vérité économique criante. Les échanges entre la Grande-Bretagne et l’UE ont été en moyenne de 330 milliards de sterling depuis 2010 pour atteindre 423 milliards en 2017.

L’Union européenne est de très loin le premier partenaire économique de la Grande-Bretagne. Cette dernière comptabilise 40 % de son chiffre d’affaires avec l’UE alors que l’inverse n’est que de 8 %.

De plus, l’appartenance à l’Union européenne réduisait les coûts commerciaux et permettait l’accès à un très large marché pour les produits et services britanniques.

On s’est même rendu compte que l’épineux dossier de la mer qui faisait trembler l’industrie de la pêche européenne, particulièrement française, qui bénéficiait des eaux territoriales britanniques   beaucoup plus riches en poissons, pourrait être au détriment de la Grande-Bretagne avec le Brexit.

Car, comme pour tous les autres produits alimentaires, les poissons pêchés en eaux britanniques étaient tributaires de l’industrie de transformation située essentiellement en territoire continental. Les Britanniques ne peuvent ni s’alimenter en agrumes ni même en poissons, secteur emblématique de la campagne du Brexit qui ne représente de toute façon que 1 % du PIB britannique. Pour une leçon qui remet le symbolique à sa juste réalité, c’est une dure leçon. Mais d’où vient ce désastre ?            

L’immoralité politique est parfois sanctionnée 

Personne ne conteste aux peuples un droit fondamental et légitime de choisir leur destinée. La Grande -Bretagne est dans son droit à avoir proposé un référendum pour le Brexit.

Mais la soudaine proposition de l’ancien Premier ministre est entachée de deux perversités majeures. La première est que sa position politique originelle n’était pas pour la sortie de l’Union européenne. Ni même d’ailleurs celle de Boris Johnson qui affirmait tout le contraire avant de rejoindre la réalité des mathématiques électorales. 

Le référendum avait donc été proposé pour une toute autre raison, celle de contrer le parti d’extrême droite ainsi que l’aile droite du parti conservateur qui était menacé d’une implosion. Tout cela sous fond d’un risque fort de perdre les alliés unionistes d’Irlande. Une majorité qui risquait ainsi de basculer entre les mains des extrêmes ou du parti travailliste.

La grande idée du Brexit n’était en quelque sorte qu’un écran de fumée. Une manœuvre politicienne qui s’est enrobée d’un projet faussement patriotique et d’avenir radieux pour les Britanniques.     

Puis est venu se rajouter de grands mensonges lors de la campagne électorale, de ceux qui ont pour but de faire peur et de provoquer un vote extrême. Le Brexit était donc bâti sur des fondements de pure hypocrisie et de calculs électoraux, le retour du boomerang est d’autant plus percutant.    

Ce vieux rêve chimérique du large

Nous connaissons ce célèbre discours de Churchill avec son passage toujours rappelé « Entre le choix du grand large et le continent, les Britanniques choisiront toujours le grand large ».

Nous savons que ce vieux rêve chimérique est celui de retrouver la grande puissance maritime et coloniale de la couronne britannique, notamment avec le rapprochement avec les États-Unis et l’extrême Orient.

Ce que peu de personnes ont relevé pendant cette crise du Brexit en faisant référence à cette affirmation de Churchill, c’est qu’il avait été en d’autres temps le premier à proposer l’idée inverse d’une grande Europe des nations. 

La proposition politique d’une construction de l’Europe émane bien, avant même celle des fondateurs, d’une lettre rédigée par Churchill.

Cela démontre, comme pour le Brexit, que l’ambiguïté a toujours été dans l’esprit des Britanniques. Mais, malgré eux, ils resteront à jamais des Européens quoi qu’ils en disent avec force, du moins  une partie de la population. 

Revenons ainsi à une vérité historique (tout en étant réelle pour la période actuelle) afin d’argumenter cette affirmation d’appartenance européenne profonde.

Les Britanniques seront toujours profondément européens

Dire que la Grande-Bretagne n’a jamais tourné son regard vers l’Europe est une contrevérité absolue. La nature insulaire comme argument très souvent mis en avant est une absurdité. Toute l’histoire des îles Britanniques, depuis l’unité à peu près intégrale de cette région, fut une réalité européenne. 

Les romains ont eu beaucoup plus de difficultés à traverser les Alpes que le ridicule obstacle d’une trentaine de kilomètres par la Manche, eux qui avaient conquis tout le bassin méditerranéen.

Il serait trop long de résumer entièrement cette histoire millénaire, choisissons quelques éléments clés. Il y eu les saxons, les romains et les celtes qui ne peuvent vraiment pas être considérés comme étrangers au continent. Le nom de Grande-Bretagne n’est pas non plus un hasard.

Mais la vraie épopée européenne commence en 1066 avec la conquête par le Duc de Normandie, Guillaume 1er, dénommé Guillaume le Conquérant. Dès lors l’Angleterre fut une dépendance d’un grand fief ducal continental. 

Même si le duché de Normandie était bien plus puissant et plus riche que le roi de France, cantonné sur un territoire pas plus grand que l’Île-de-France, il en était le vassal. L’Angleterre appartient désormais au royaume de France.

Puis ce fut autour de la puissante dynastie des Plantagenêt, alliance entre le Duc d’Anjou et les territoires d’Aliénor d’Aquitaine, qui régnèrent sur la moitié du territoire français, dans sa partie ouest, jusqu’au royaume d’Angleterre, et qui étaient également vassaux du roi de France. 

L’Angleterre et la France furent donc des territoires sous une même alliance de mariages et de liens de dépendances et d’échanges économiques. Ce n’est absolument pas paradoxal, au contraire, que des guerres inépuisables furent engagées par les uns contre les autres et inversement. Ce ne furent que des guerres de Palais et de conquêtes territoriales entre les différentes branches d’une racine royale commune.

Puis à son tour, le royaume anglais posséda la moitié du territoire français avant que le roi de France ne s’en accaparât de nouveau. Comme un jeu de famille où les cartes étaient sans cesse redistribuées.

Ce n’est donc pas pour rien que la famille royale anglaise possède toujours une devise en français « Honi soit qui mal y pense » (Honni portant deux n dans la version française de son orthographe). Et également que l’on dénomme la Grande-Bretagne « Les îles anglo-normandes». 

Puis furent les alliances avec l’ancien Saint empire germanique devenu l’Allemagne pour sa plus grande partie territoriale et dont est issu d’ailleurs la famille royale actuelle.

En conclusion, si mille ans de cette histoire commune n’est pas un lien européen, peu d’autres choses le seraient. Tous ces arguments plaident pour un retour, un jour ou l’autre, de la Grande-Bretagne qui est profondément européenne. Le pays des Beatles, du flegme et de la grande littérature ne peut avoir un destin détaché de l’Europe.

Ils reviendront à condition, toute chose étant égale par ailleurs comme on disait sur nos copies universitaires, que l’Europe existera toujours en l’état.
 

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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