Dimanche 15 septembre 2019
La justice de l’Etat algérien ou le droit divin (Allah Ghaleb !)
La jeune Samira Messouci et ses camarades porteurs du drapeau amazigh sont accusés de porter atteinte à l’unité nationale. Karim Tabou et Lakhdar Bouregâa, pour avoir émis leurs opinions sur la nature militaire du pouvoir algérien sont accusés d’attenter au moral de l’armée.
Ahurissant ! Incroyable Même dans les procès staliniens de triste mémoire, les actes d’accusation avaient un peu plus de vraisemblance. C’est le ridicule (ou le tragique) poussé au plus haut degré de la bêtise humaine ; le roi Ubu n’aurait pas fait mieux !
La justice algérienne ne cesse de s’enfoncer dans l’opprobre et l’indignité. Cette « justice du téléphone » comme l’affuble la vox populi algérienne n’est pas née en 2019, elle est consubstantielle au régime.
C’est le bras judiciaire des officines de répression. Je me souviens qu’en 1985, quand on nous a présentés devant le juge d’instruction de la Cour de sûreté de l’Etat à Médéa (Mokrane Aït-Larbi, Amar Mokrani, Saïd Sadi et moi), ce juge, du haut de l’autorité qu’il détenait du Dieu-Etat, nous a mis sur le dos, en toute conscience, le crime « atteinte à le sûreté de l’Etat », (art 77 du code pénal qui prévoit la peine de mort).
A l’annonce de cette absurdité, Saïd Sadi s’adressa au juge en ces termes (je cite de mémoire) :
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M. le juge, vous rendez-vous compte de l’énormité de votre décision et de sa conséquence : vous prenez la responsabilité d’envoyer au peloton d’exécution des citoyens algériens pour avoir exprimé leurs opinions politiques dans leur propre pays ?
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Allah Ghaleb ! répondit tête basse et piteusement le juge d’instruction.
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On en finira bien un jour avec la politique du « Allah Ghaleb » et c’est la raison de notre présence dans votre cour, lui rétorqua notre camarade.
Une heure plus tard, nous nous sommes retrouvés dans le pénitencier de Berrouaghia où nous avons rejoint une vingtaine de camarades arrêtés quelques semaines plus tôt, pour les mêmes motifs.
Allah Ghaleb pour Samira Messouci et ses camarades, pour Karim Tabou, Lakhdar Bouregâa, et les autres prisonniers d’opinion, diront encore aujourd’hui certains magistrats aux ordres.