27 novembre 2024
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La loi d’airain du général Gaïd Salah ne se discute pas ! 

Echaab : khawa-khawa ! El Djeich : wakha-wakha !

La loi d’airain du général Gaïd Salah ne se discute pas ! 

Réglées sur la cadence du « wahad-thnine » militaire, les interactions Gaïd-Salah-Mouvement populaire se poursuivent sous formes d’exhibitions de forces quantifiables en termes de lois élaborées avec une précision à s’en figer les neurones de contemplation. Ces interactions donnent l’impression de suivre un cycle-limite vicieux, difficile à faire dévier et canaliser selon une trajectoire de compromis, pourtant nécessaire dans l’absolu.

Face à des revendications d’un peuple broyé par des décennies de mépris, on assiste à des excitations périodiques d’un Général des armées qui ne donne nullement l’impression d’avoir compris le sens de cette liberté ardemment réclamée par des millions d’opprimés !

Mais comment espérer d’un Général aussi libre qu’un guerrier céleste sur son cheval ailé de se mettre à la place du persécuté et d’en ressentir les peines et les amertumes endurées ?

Comme tout militaire convaincu de la prééminence des 400.000 soldats de l’ANP sur les 42.000.000 de civils pacifistes que compte le pays, Gaïd Salah a du mal à sortir de ce sentiment de supériorité qui prévaut au sein de l’armée depuis 1962. Ce n’est pas de la provocation mais un constat basé sur du simple vécu que d’affirmer que la majorité de nos soldats n’est pas disposée à sortir de ce moule de formatage qui ferait remettre en question les immenses privilèges dont ils jouissent en toute inconscience, du soldat de troupe au Général major dont le vent et le ventre sont constamment en poupe ! Parlez-moi de conscience, acquise ou innée, d’un guerrier formaté pour dominer, quitte à tuer !

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La logique de supériorité du militaire ; quel Algérien peut prétendre ne pas l’avoir ressentie, à défaut d’y avoir été directement confronté ? Telle logique ne nécessite pas de démonstration élaborée. L’anecdote suivante suffit amplement pour en saisir les aspects.

Retour dans le passé

Nous sommes au début des années 1980. À la fin de nos six mois d’instruction à l’EFOR de Blida, nous étions un bon groupe de sous-officiers de réserve à avoir eu la chance de bénéficier d’une affectation à l’ENITA de Bordj-El-Bahri, pendant que d’autres malchanceux se sont retrouvés à Tindouf et alentours.

Pour nous, algérois de résidence, ce fût une aubaine inespérée, un véritable cadeau du ciel, de bénéficier d’un horaire et d’un rythme d’entrée-sortie de la caserne identiques à ceux du régime administratif civil. Et, par-dessus tout, pouvoir passer la soirée et la nuit avec sa petite famille, après les six mois interminables d’exil à Blida était le privilège dont nous avions rêvé à chacune de nos nuits passées sous les drapeaux.

L’organisation des départements de Physique et de Chimie se faisait suivant le même schéma : le chef de département avait le grade de capitaine, et nous, les instructeurs, étions en majorité sous-lieutenants de réserve et quelques aspirants, en plus des lieutenants et des capitaines de régiment. Ces supérieurs, en termes de grades, nous leur devions respect et salut militaire en permanence. Ça nous a souvent valu quelques sermons quand il nous arrivait d’oublier de nous mettre au garde-à-vous, au passage d’un officier. Bien qu’en termes de grades, ce furent nos supérieurs, en termes de diplômes ils étaient loin de rivaliser avec nous ! Parfois, il nous arrivait de nous faire réprimander par un supérieur qui n’éprouvait aucune gêne à solliciter notre aide, juste après, pour la résolution d’un problème de maths, de physique ou de chimie coriace. Ces situations cocasses se comptent par dizaines.  Mais bon, c’est ça l’armée mais autre chose aussi…

Nous nous y sommes conformés avec toute la rigueur exigée et nous sommes acquittés d’une dette envers le pays. C’est ainsi qu’on nous présentait les choses. Et, après tout, n’est-ce pas la plus belle preuve de patriotisme que d’offrir deux années de sa vie à l’ANP sans rien demander en contrepartie ? Et dire qu’aujourd’hui, d’aucuns nous collent des étiquettes de harkis, juste parce que nous ne rentrons pas dans le moule du délire d’Arabie ! Si nous avions donné suite aux sollicitations du directeur de l’ENITA quand il s’attelait à nous louer l’option d’une carrière militaire étincelante, nul doute que nous serions aujourd’hui formatés à la logique de nos généraux majors ! Rien que d’y penser, mon Dieu, quelle « horror » !

Après 18 mois d’interactions et de cohabitation bon enfant, nos qualifications compensant leurs grades, des liens de confiance et d’attachement avaient fini par s’installer entre quelques gradés et nous. À la longue, les bars de Aïn-Taya doivent s’en souvenir, nous étions devenus, avec certains, de très bons copains ! Du moins, le croyions nous !

Un jour d’après-quille, nous nous sommes retrouvés à Bab-Ezzouar, dans le petit deux-pièces qu’occupait Abdelmoumen Ould-Kaddour, à l’époque, avant d’expérimenter l’ascension fulgurante et les déboires qu’on lui connait. Dans le groupe de compères réunis pour fêter nos retrouvailles et nous enquérir des projets professionnels des uns et des autres, un ou deux amis capitaines, parmi ceux avec lesquels nous avions lié quelque relation d’amitié dans la caserne.

En cours de soirée, les bières se crochètent, les verres s’entrechoquent, les anecdotes et les souvenirs hilarants fusent de toute part, les débats s’enflamment… jusqu’à atteindre un point de non-retour quand, à court d’arguments, l’un de nos capitaines hausse le ton et adopte une posture de supérieur que l’on écoute et acquiesce sans contredire :

– Mais c’est un raisonnement, ou plutôt un ordre, de militaire, répliquais-je, pour donner suite au ton impérieux de son envolée !

-OUI ! OUI ! OUI ! assène-t-il. Quand on refuse de « comprendre », nous sommes tenus d’imposer nos règles de militaires !

– Ah ok ! désolé, mais je croyais que nous étions rassemblés chez Abdou, le civil, et non pas dans le préau d’une caserne de militaires ! retorquais-je, pour abréger les échanges.

Sur ce, je siffle ma dernière gorgée de bière, je me lève, salue tout le monde et me dirige vers la sortie sans faire attention aux suppliques de mes camarades qui me priaient de rester pour approfondir nos débats.

Un camarade des années de fac (installé depuis en Amérique) me suit pour me calmer, mais pas Abdou ! Chez lui, sous son propre toit, il accepte la loi du plus fort imposée par un petit gradé à court d’arguments. Le concernant, la suite vous la connaissez ! Se mettre aux garde-à-vous devant un militaire pour réussir, autant brûler en enfer !

Presque 40 années plus tard, c’est suivant le même tempo de « moi le militaire, j’ai raison, vous les civils, par milliers ou par millions, avez tous tort » que Gaïd Salah s’emploie à faire plier la populace et régler son destin suivant la même voie que celle de ces 57 années de gouvernance rythmée par une cadence unique imposée par le clan d’Oujda et ses héritiers sur chaque parcelle du pays.

Tout semble malheureusement indiquer que rien, ni personne, ne peut les ramener à la raison. Le Général ne pense pas, il ordonne ! A cet égard, les millions de manifestants ont tort ! C’est ça la loi du plus fort !

Pour réussir leur coup, il leur suffira de trouver le bon stratagème pour diviser la société et faire rallier une partie à leur cause ! quand bien même négligeable minorité !

D’ailleurs, au vu des positions d’un Ali Benflis, lequel s’empresse d’applaudir chaque sortie du vieux Général, et de la récente déclaration de Sofiane Djilali, lequel n’encourage pas moins qu’un dialogue direct avec l’armée, ils arrivent à leur but petit à petit, car la division inféconde a déjà commencé.

Ce n’est pas faire preuve d’une posture d’extrémiste que d’étaler sa méfiance envers des militaires qui se refusent à l’idée d’un pouvoir qui échappe à leur contrôle. Mais comme on le dit si bien chez nous : ma ihess b’eldjemra, gheir li kouatou. Cela fait 57 ans que les militaires consomment et consument le pays. Comment dès lors croire à un changement pourtant nécessaire pour toute société moderne si les militaires ne sont pas disposés à confier le pouvoir aux civils auxquels ils seraient tenus d’obéir ?

Les dinosaures les plus coriaces, ceux qui gravitent autour de Khaled Nezar et Gaid Salah ne l’entendent pas de cette oreille ! Un dinosaure ça ne se suicide pas non plus ! C’est ce qu’ils appréhendent (c’est ainsi qu’ils voient les choses, dans leur référentiel d’analyse) si le pouvoir revenait aux civils.

D’ailleurs, entre nous, je n’aimerais pas être à la place de Bensalah ! A se remémorer ses piètres prestations, on s’aperçoit bien que le pauvre ne fait qu’obéir aux ordres de hadharatouhou, son papounet Salah el-a3la !  

Rien ne dit qu’il n’ait pas envie de démissionner le bougre, et qu’il ne soit pas retenu de force au koursi juste pour maintenir un semblant d’État, en attendant qu’Allah se mêle de nos petits fatras.

Au point où nous en sommes, toutes les supputations sont bonnes pour nos comparses de l’insatiable faune !

Mais si la logique s’invite pour déblayer le cheminement propice pour tous, il appartient aux militaires de démontrer leur bonne volonté ! le peuple en a assez bavé ! Et la bonne volonté des militaires consiste à énoncer clairement l’objectif de retourner dans les casernes et laisser enfin aux civils le soin de construire une société moderne, si tant est qu’en se repliant, ils entrainent toutes ces immondes ramifications de leurs propres FIStons ! Ces responsables de la fitna que tout le monde pointe du doigt.

Mais, nous le savons bien, il faut être naïf que de croire que l’ANP est prête à se faire diriger, elle qui dirige depuis 57 ans, en recrutant des Aek-el-Mali formatés pour vendre leur âme au diable juste pour garder le koursi de la casa d’El-Mouradia ! Sans parler du fait que les discours de Gaïd Salah dénotent un puérilisme religieux déconcertant. Avec ces références en continu à la volonté d’Allah pour trouver la bonne solution, il ne serait pas étonnant qu’on prenne exemple sur le Soudan où l’armée veut s’inspirer de la charia pour gouverner.

Si ça se trouve, le capitaine de l’anecdote précédente a le grade de Général maintenant. Il doit donc faire partie des conseillers de notre chef des armées ! Cela n’inspire rien de bon pour la suite de nos différends ! Allez donc construire quoique que ce soit avec ces hauts gradés qui énoncent leurs discours aux rythmes des croyances des cavernes avec des ordres tonitruants pour nous faire admettre qu’ils ont toujours raison !

Il n’y a qu’à parcourir l’éditorial du journal de l’armée de ce mois de mai pour déduire que les militaires veulent récupérer le Hirak à leur avantage exclusif ! Ils distillent des informations qu’ils sont les seuls à détenir pour se hisser au-dessus de la mêlée et se donner la position de paternel bienveillant sur le p’tit peuple, toujours considéré mineur, avec une phraséologie qui regorge d’énoncés péremptoires !

Espérons néanmoins qu’à la traversée du Ramadan, après les vœux de leilat el-qadr, ils reviendront tous sur de meilleures dispositions !

En ce mois de piété, à tous imposée, que pouvons-nous faire d’autre sinon prier et rêver d’une armée républicaine en phase avec ces espérances trahies par une bande d’affamés ? (*)

K. M.

(*)https://www.lematindz.net/newlmdz/15887-larmee-algerienne-et-lequation-republicaine/

 

Auteur
Kacem Madani

 




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