Mardi 25 juin 2019
La lutte contre le trafic, un enjeu majeur pour les finances publiques
Sur un continent africain où la hausse de la consommation du tabac est pointée par l’OMS comme un enjeu majeur de santé public, le Maroc fait partie des pays les plus touchés. Sur le reste du continent, l’OMS dénombre « 77 millions de fumeurs et prévoit que, d’ici à 2025, ces chiffres augmenteront de près de 40% par rapport à 2010« .
Pour juguler ce phénomène, le gouvernement marocain a misé sur une politique d’augmentation graduelle des prix. Les consommateurs ont ainsi pu constater au 1er janvier 2019 une nouvelle hausse de 15% des prix des paquets de cigarettes, suite au relèvement de la taxe intérieure de consommation (TIC). Cette politique a fait ses preuves, notamment en France, où les experts s’accordent à voir un impact entre hausse du prix et baisse des ventes, impact que viennent relativiser seulement à la marge les effets de la contrebande.
Une augmentation du prix du tabac qui permet également une hausse des rentrées d’argent pour l’Etat marocain, obtenues par la taxation des cigarettes. Celles-ci sont loin d’être négligeables. La taxe sur le tabac a permis à l’Administration des douanes et impôts directs (ADII) de récolter 9,8 milliards de dirham en 2016 et 10,48 milliards en 2017. Des rentrées fiscales utiles à l’heure où les finances publiques du Royaume sont sous tension, avec un endettement du Trésor désormais supérieur à 70% du PIB et un objectif de déficit limité à 3%. Des rentrées qui pourraient également financer des programmes de lutte contre le chômage et contre les inégalités sociales et les disparités régionales au sein du Maroc.
Par ailleurs, la plupart des pays qui tentent de lutter contre les méfaits du tabac en augmentant les prix sont confrontés au même phénomène : une telle politique peut parfois renforcer l’attrait pour les produits de contrebande. Selon une étude réalisée en 2016 par le cabinet KPMG, une cigarette sur cinq consommée au Maghreb provenait à l’époque du marché noir. Un marché noir qu’il est donc nécessaire d’endiguer parallèlement, avec des outils tecnologiques adaptés.
Encadrement du commerce illicite par les douanes grâce au SAMID
Pour autant, l’activité déployée par les douanes marocaines au cours des dernières années a permis d’éviter l’explosion de la contrebande qu’on a pu constater dans d’autres pays. En 2018, les douanes ont saisi un volume de marchandise de contrebande estimé à 61,6 millions de dollars (593,8 millions de dirhams). Dans le détail de ces saisies, on trouvait 36 millions d’unités de cigarettes contre 22,9 millions d’unités en 2017.
Ces derniers mois, ces saisies se sont illustrées notamment par des coups de filet spectaculaires, comme l’interception par la brigade mobile de l’antenne d’Agadir d’une quantité record de plus de 337 000 cigarettes à bord d’un véhicule. Ces succès, les douanes les doivent notamment au Système automatisé de marquage intégré en douane (SAMID) déployé en 2010. A ce titre, l’action des douanes peut aussi être vue comme un moyen efficace de limiter le manque à gagner par la contrebande. En 2018, l’ensemble des contrôles douaniers au Maroc ont généré 371 millions de dollars (3,58 milliards de dirhams) de revenus additionnels, soit près du double du montant de 2010.
Le travail des douanes et les systèmes de traçabilité indépendants apparaissent aujourd’hui comme les conditions sine qua non pour maîtriser les flux de marchandises et entretenir la bonne santé économique du pays. En effet, le Maroc doit continuer à « tracer » ses produits, depuis l’usine de fabrication jusqu’aux lieux de distribution. Car l’aide du FMI aux pays émergents, dont bénéficie Rabat, est en partie conditionnée par l’existence de systèmes de traçabilité indépendants des lobbies, dans le cadre de la lutte contre les trafics.