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mercredi 2 juillet 2025
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La main lourde de la justice algérienne

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La condamnation à sept ans de prison par l’État algérien d’un journaliste sportif français s’inscrit dans sa prévention contre les relations franco-algériennes non contrôlées. Il s’agit de proscrire les échanges entre les communautés, les relations entre Français et opposants «au bled», de plomber les signes indépendants en exil destinés aux oppositions bâillonnées vivant au pays. C’était déjà le sens de l’arrestation de Boualem Sansal.

On apprend que le harcèlement du journaliste sportif remonte déjà à mai 2024, assigné à résidence et finalement incarcéré. L’accusation est assurément «ubuesque», puisque sont visées les rencontres entre ce journaliste et le président de l’équipe footballistique de Tizi-Ouzou, capitale historique de la Kabylie. Ce responsable sportif de l’équipe JSK (Jeunesse sportive de Kabylie), emblématique de son sentiment d’appartenance irrédentiste, est par ailleurs membre du Mouvement pour l’indépendance de la Kabylie (MAK). Les attendus de la condamnation seraient la «possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national» et «l’apologie de terrorisme» puisque le MAK est classé comme «organisation terroriste» par le régime d’Alger. 

Cette accusation résonne de façon discriminatoire et infamante dans le contexte algérien où elle indiquait durant la décennie noire les groupes ultra-islamistes se livrant à des tueries récurrentes et des assassinats ciblés. 

Pour la comprendre en France, au-delà de la calomnie contre-accusatoire coutumière aux régimes policiers, il faut rappeler que le MAK, qui ne pratique pas la violence, a été désigné comme «terroriste» par l’État au sortir de la grave crise socio-politique de l’été 2021, consécutive aux incendies gigantesques qui ont ceinturé de nombreux villages de Kabylie.

Le MAK, dans ce drame, a accusé des services – armée, services spéciaux ? – d’avoir provoqué intentionnellement ces incendies pour éprouver et terroriser la Kabylie, région où l’influence du Hirak était encore vivace. 

Le MAK a réuni des faisceaux de présomptions qui en tout cas interrogent : simultanéité de nombreux départs de feux ; traces de poudre blanche en lignes le long de chemins alentours de villages, restes de boîtes métalliques qui auraient contenu des produits inflammables, parmi des traces de campements. On a parlé de phosphore blanc. Le MAK a réuni un dossier présenté à des instances internationales.

L’évidence du caractère artificiel de nombreux incendies cet été-là a semblé en tout cas suffisamment frappante pour que le régime lui-même, au lieu d’invoquer le Mektoub et le réchauffement climatique, déclare hautement, en État soucieux de protéger ses peuples, procéder à une enquête pour identifier les causes et les éventuels responsables de cette catastrophe meurtrière.

Avec sa sagacité légendaire, il a trouvé les responsables : le MAK associé à une association ultra-islamiste infime et quasi inconnue, pour dérouler la technique de l’amalgame calomnieux. C’est alors qu’il les a tous deux déclarés « terroristes », et donc désignés à toutes poursuites répressives. Cela vaut comme légitimation internationale puisque tous les États dénoncent le terrorisme et ne sont pas surpris d’en découvrir parmi des ultra-islamistes.

Il en ressort déjà que l’État algérien reconnaît l’origine artificielle de ces incendies, et qu’il se ridiculise sans souci pour qui connaît un tant soit peu l’histoire récente de la région.

Que le MAK incendie la Kabylie l’en proscrirait à jamais et ne peut être de sa sensibilité. Qu’il s’associe avec des ultra-islamistes est une autre impossibilité : les opposants kabyles s’inscrivent dans les mouvements de la renaissance berbère depuis les années 1980, et critiquent vivement l’islamisation linguistique, culturelle, institutionnelle que patronne l’État algérien pour appuyer son contrôle idéologique. Le récent anniversaire de l’assassinat de Lounès Matoub l’aura rappelé. 

Il importe de distinguer ces contradictions, à défaut de quoi l’État algérien peut raconter n’importe quoi sans contredit, et pousser sa lourdeur jusqu’à policer les échanges et rencontres internationaux, a fortiori franco-algériens. Il est désormais interdit et condamnable de parler avec des Kabyles en Algérie.

Jean-Louis Mohand Paul

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