Un pays ne peut accéder au monde universel sans que l’évolution de la société ne s’inscrive dans une dynamique démocratique sous forme de cadence à deux mesures, intimement liées, voire symbiotiques, puisque se nourrissant l’une de l’autre : la démocratie politique, qui consiste en un partage du pouvoir, et la démocratie didactique qui consiste en un partage du savoir.
Qu’on le veuille ou non, le monde et la pensée modernes sont façonnés par le savoir ! Ne pas y souscrire ou l’ignorer, c’est se condamner à rester à la traîne d’un Occident qui avance à vive allure, et finir, tôt ou tard, par périr. Est-ce l’unique destin du Maghreb et du Moyen-Orient ?
N’est-il pas temps d’exploiter aussi les avancées de l’Occident en termes de gestion de la cité et ne plus se contenter de consommer du confort sous forme de gadgets électroniques et mécaniques produits par une intelligence non bâillonnée par quelque croyance de masse tyrannique ?
À cet égard, l’exemple de l’Algérie est édifiant, tant il est évident que notre pays est pris en tenailles entre la dictature du système, lequel refuse tout partage du pouvoir politique, et l’absolutisme islamique, lequel empêche tout discours non-conforme à celui qui s’écarte de, et remet en question, certaines « vérités divines ».
La connaissance universelle est souvent, pour ne pas dire toujours, perçue par les gardiens des temples mystico-politiques, pour être en opposition de phase, et donc en contradiction totale, avec le texte religieux et les codes d’interactions civils qui en découlent. Cette connaissance et la création qu’elle véhicule sont, de ce fait, combattues, et leurs porteurs souvent assassinés ; assassinat moral par harcèlement judiciaire, suivi de prison ou via l’exil forcé quand ce n’est pas par élimination physique pure et simple au nom de préceptes politico-religieux plus que douteux.
Ces deux dictatures sont tellement fortes et si bien ancrées dans les sphères politique et religieuse que leurs suppôts n’hésiteraient pas à avoir recours à la violence, quitte à sacrifier, comme ils l’ont fait à maintes reprises par le passé, sans le moindre état d’âme, d’innombrables vies humaines, pour défendre ces citadelles de l’ignorance qui abritent nos dirigeants.
Dans cette folie du meurtre, il n’est donné d’autre choix aux hommes du terroir que celui de « partir et mourir un peu » ou de « rester et mourir beaucoup », pour reprendre la légende d’une caricature d’Ali Dilem qui remonte au début des années de terrorisme aveugle.
Ce terrorisme – il est utile de le rappeler – est à l’origine de la fuite de dizaines de milliers de compatriotes, pour la plupart cadres de haut niveau, obligés de partir pour se démarquer de la bêtise humaine installée par un pouvoir inculte. Bêtise amplifiée par un islamisme nuisible et destructeur que ce même pouvoir a engendré et continue de générer par la bénédiction d’un homme et d’un clan avides de pouvoir.
De jeunes Algériens, lesquels ne souscrivent pas à cette vie d’aliénés, ne se jettent-ils pas à la mer, en désespoir de cause ? Préférant recourir à une « harga » suicidaire et remettre leur destin à une éventuelle bonne étoile plutôt que d’accepter une « hogra » (mépris du pouvoir à l’endroit du citoyen) et une vie de soumission à une gouvernance aussi inepte qu’inapte, et qui ne sait que verser dans l’art d’une primitive impertinence.
Au vu de ces quelques éléments incontournables :
Y a-t-il quelque indicateur, quelque jauge fiable, à même de rendre caduque, ou tout au moins d’apaiser ces questionnements angoissants et permettre ainsi aux universalistes désabusés que nous sommes, de croire aux chances de réussite du wagon Algérie afin qu’il puisse, un jour, s’atteler à la locomotive d’un monde qui avance à une allure vertigineuse ?
Y a-t-il quelconque indice qui nous permettrait de croire qu’il est encore possible de faire avancer ce wagon, rendu immuable par la grâce d’une inertie politico-militaro-religieuse, aussi colossale que monstrueuse, âprement entretenue par le pouvoir et ses multiples entremetteuses ?
Les réponses à ces questions passent inévitablement par trois conditions nécessaires et certainement suffisantes : 1) FLN au musée ; 2) ANP à la caserne ; 3) « Alif-Lla-oua-El-mim » à la mosquée ! En théorie, les choses sont simples ! Quant à la pratique, elle exige une deuxième république !
Tout le reste n’est que tripotage, verbiage, jérémiade et infox, à la sauce islamo-militaro-FLiN-tox.
Kacem Madani