On dit d’une personne ou d’une action de sa part qu’elle est raisonnable. Le mot inspire donc immédiatement une opinion positive envers quiconque en est qualifié.
Mais qu’est-ce que la raison ? De très nombreuses définitions de la raison ont été données, notamment par Descartes et Kant. Il n’est pourtant pas nécessaire d’entrer dans cette érudition en philosophie pour appréhender son sens et son apport à l’humanité.
Pour être simple mais néanmoins juste, la raison est l’inverse de l’instinct, du sentiment et des croyances. La raison provient étymologiquement du mot latin « ratio » qui est la faculté de compter et de raisonner afin de décoder le bien et le risque et d’agir en conséquence.
Mettons de côté la raison des sentiments intimes de l’humain et choisissons une raison beaucoup plus évaluable dans sa vérité. Il s’agit de celle des « sciences dures », notamment physico-mathématiques. Le sentiment et la croyance religieuse se trouvent ainsi totalement exclus du champ de la raison. Ces sciences s’appuient sur de nombreuses attitudes dont la principale est la démarche expérimentale.
Observer, émettre des hypothèses, les tester et répéter l’expérience pour valider un résultat est la démarche de la « raison scientifique».
Mais qu’en est-il pour l’invisible qui n’a pas de matérialité observable ? C’est bien le cas des religions qui nous expliquent que l’invisible existe sans en apporter le moindre début de preuve. Sa démarche est celle d’une secte qui bâtit son raisonnement par la croyance impossible à remettre en cause.
La plus éloquente des paroles à ce sujet est la réflexion d’Ernest Renan « L’Eglise est une secte qui a réussi ».
La science expérimentale impose que la charge de la preuve est à celui qui prétend l’existence d’une chose. Il en est de même pour le droit qui impose à celui qui prétend avoir subi un dommage à le prouver.
Toute ma vie je n’ai cessé avec humour de rappeler aux croyants une démonstration par notre professeur de droit civil. Abordant la partie du cours sur la responsabilité civile, il pointa le doigt sur son bureau de l’amphithéâtre et nous dit « Je vous affirme qu’une vache est sur ce bureau de l’amphithéâtre. Prouvez-moi le contraire, pauvres jeunes innocents que l’instruction n’a pas encore éclairé les esprits pour voir la réalité ».
C’était bien entendu une boutade pour imager la règle de droit. La religion inverse totalement la charge de la preuve et demande aux athées de prouver l’inexistence de l’invisible. En fait ils nous demandent de prouver que la vache n’était pas sur le bureau.
Une aberration qui a fait dire à Charles Baudelaire « Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister ».
Pourtant, les grandes découvertes du XVème et début du XVIe siècle comme celles de Christophe Colomb ou de Magellan nous avaient ouvert la porte à la réalité du monde. Puis, dans cet élan de soif de la connaissance, la révolution copernicienne a surgi pour créer une gigantesque avancée humaine dans sa réflexion rationnelle. Qui peut aujourd’hui remettre en question la forme ronde de la terre et qu’elle tourne autour du soleil alors que la croyance religieuse déclarait le contraire ?
C’est dans cette explosion de la Renaissance qu’est née la méthode expérimentale et donc la raison scientifique. Allait-elle l’emporter définitivement et effacer les nombreux siècles pendant lesquels elle fut menacée, interdite et condamnée par la religion ?
Hélas, il faut se rendre à l’évidence que la bataille contre l’irrationnel religieux est éternelle autant que le fut le rocher de Sisyphe.
Mais si la raison doit toujours se battre contre la religion, elle ne se laissera jamais vaincre car elle est la survie des civilisations humaines et son avancée continuelle et résolue dans la modernité.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant retraité