Etant propriétaire des gisements pétroliers et gaziers, l’Etat a donc le droit de s’approprier la rente qui l’a confortée dans la gestion de l’économie et de la société. Il a conçu la rente comme un instrument d’une modernisation sans mobilisation de la nation.
Pour ce faire, il a été conduit à affecter une part grandissante de la rente en cours de tarissement à la production et la reproduction de la base sociale c’est-à-dire à la consommation soit directement par la distribution de revenus sans contrepartie, soit indirectement par subvention, soit par les deux à la fois. Cette pratique a donné naissance à une véritable débauche des dépenses publiques et à une grande auto-complaisance en matière de politique économique et sociale.
La rente a constitué un soporifique en masquant toutes les insuffisances en matière de production et de gestion. Elle a donné lieu à des problèmes très difficiles à résoudre : le premier de ces problèmes fût posé par des investissements considérables dans les projets inutiles entrepris notamment pour des raisons de prestige ou visant à satisfaire une boulimie de consommation : le second problème résulte des gaspillages des gouvernements en matière de dépenses courantes.
Le troisième problème, le plus épineux, devenus excessivement riches à la faveur d’une embellie financière exceptionnelle, les gouvernements successifs, pris dans le tourbillon de l’argent facile et « assurés ! » de l’impunité, n’ont pas eu la sagesse et la lucidité d’adopter une politique économique saine et rationnelle en matière de dépense, de subvention, de crédit, de change etc.
Ce laxisme dans la gestion n’est pas fortuit. Il est le produit de toutes les frustrations et traumatismes accumulés. C’est l’explosion des dépenses publiques au-delà des besoins réels de la société et des capacités disponibles du pays. C’est ainsi que le train de vie de l’Etat se trouve sans freins et sans aiguillon.
Que faire pour rationaliser les dépenses pour éviter le recours à la planche à billets ou à l’endettement extérieur ? Vivant exclusivement de la rente, l’Etat peut se permettre de ne pas développer une production propre en dehors des hydrocarbures et rien ne l’empêche d’établir des relations clientélistes avec les acteurs économiques et sociaux. Partant du principe sacro-saint que tout problème politique, économique ou social a une solution budgétaire.
Comme le budget est constitué essentiellement de recettes fiscales pétrolières, l’Etat jouit d’une grande autonomie par rapport à la population puisqu’il est capable de fonctionner et de renforcer ses services sans recourir à l’impôt ordinaire.
L’essentiel du jeu économique et sociopolitique consiste donc à capturer une part toujours plus importante de cette rente et à déterminer les groupes qui vont en bénéficier.
Les revenus pétroliers et gaziers génèrent un « faux sentiment de sécurité » qui poussent les autorités à considérer le protectionnisme comme un luxe que le pays peut se permettre de ne pas investir dans le capital humain. La rente pétrolière et gazière agit comme « un chèque à blanc » donné à l’irresponsabilité, au clientélisme et au report des réformes structurelles.
Nous avons de l’argent, de l’énergie, des espaces, une jeunesse, des opportunités, une situation géostratégique en notre faveur. Mais nous manquons de courage, de lucidité et de compétence. Nous sommes ivres de l’argent du pétrole et du gaz.
Nous sommes incapables d’affronter des problèmes sans l’apport d’une expertise étrangère acquise au développement local. Nous nous entêtons à reproduire à l’infini des schémas de pensée qui ont fait la preuve de leur inefficacité. Soyons humbles et modeste, reconnaissons nos erreurs et décidons ensemble de les corriger.
Nous sommes de mauvais élèves, nous n’apprenons pas nos leçons d’histoire. Nous sommes prisonniers d’une bureaucratie tentaculaire dont les origines remontent à l’ère ottomane (« el beylek ») cela ne date pas d’aujourd’hui. Elle a été affinée par la France coloniale, et amplifiée par l’Algérie post coloniale à la faveur d’une manne financière providentielle.
La bureaucratie a toujours servi des intérêts privés sur fonds publics. « On a tort de nommer capitalistes les « propriétaires » des grosses entreprises qui vivent de subventions étatiques, de privilèges et de subventions et qui devraient être appelés « nomenklaturistes ». Les vrais capitalistes sont tous des pauvres qui luttent pour leur survie en déployant des trésors d’imagination pour contourner les obstacles que les pouvoirs en place mettent sur leur chemin » Pascal Salin
Dr A. Boumezrag