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 La religion selon Donald… et ses doubles au Maghreb

Trump

Image par kalhh de Pixabay

On croyait que l’Amérique avait tout inventé : le Coca, Hollywood, le hamburger XXL. Mais non. Elle vient d’inventer mieux : une religion à l’ère du plastique. Pas celle de Jésus, trop vieille. Pas celle de Moïse, trop rabâchée. Celle de Donald. Le prophète orange, le messie en cravate rouge, le gourou qui prêche en 280 caractères.

Le trumpisme n’est plus une simple idéologie, c’est une messe retransmise en direct, avec chœurs évangélistes et casquettes rouges comme hosties. L’Amérique prie, et son Dieu n’a pas de barbe blanche mais une chevelure improbable et un slogan « le MAGA » : Make America Great Again. L’histoire américaine n’a jamais vraiment séparé Dieu et le pouvoir. Les puritains traversaient l’Atlantique persuadés d’être le peuple élu. Trois siècles plus tard, leurs héritiers brandissent Trump comme un nouveau Moïse, prêt à ouvrir les eaux polluées du Potomac pour sauver son peuple.

Le salut promis ressemble étrangement à une croisade. Pas de pardon, pas de justice, mais la vengeance comme programme électoral. Et dans cette religion nouvelle, les martyrs naissent vite. « Le jour où Charlie est mort, les anges, » dit-on, « ont pleuré. Mais ces larmes se sont changées en flammes, en slogans de haine, en appels à la guerre. L’Amérique pleure, mais avec le poing serré. »

Dans ce catéchisme trumpien, les anges ne prient plus : ils tweetent. Les prières sont des hashtags. Le paradis promis est un pays « pur », blanc, chrétien et armé. Pas très loin, finalement, de ce qu’on a déjà entendu sous d’autres cieux. Trump recycle une vieille recette que nous connaissons trop bien au Maghreb. Mélangez une poignée de religieux, ajoutez une cuillère de populisme, secouez le tout avec des foules frustrées… et vous obtenez la soupe amère qui a brûlé nos années 90. Chez nous, ce ne sont pas les casquettes rouges mais les barbes noires. Pas de « MAGA », mais des prêches enflammés. Même logique : instrumentaliser le ciel pour gouverner la terre.

Le plus effrayant, c’est que la jeunesse embarque aussi dans la secte. Aux États-Unis, les « Zoomers » scannent TikTok pour trouver leur messie. Chez nous, les jeunes scrollent Facebook et WhatsApp à la recherche du gourou qui promet de tout régler par miracle. Là-bas, c’est Trump qui distribue des punchlines. Ici, ce sont des « érudits » autoproclamés, plus fidèles à Boukhari et à Malik qu’à la raison vivante, qui offrent des certitudes toutes faites. Résultat : dans les deux cas, on ne débat pas, on croit. On ne réfléchit pas, on répète. On ne construit pas, on suit. La démocratie, déjà fragile, se transforme en messe obligatoire où l’on vote comme on récite un hadith : sans y croire vraiment, mais parce qu’il faut.

Regardons-nous en face : l’Amérique découvre à peine le poison que nous avons déjà goûté. Eux s’étonnent de voir un milliardaire jouer au prophète. Nous avons survécu à des politiciens qui se prenaient pour des imams et à des imams qui se prenaient pour des présidents. En Algérie, on a connu l’époque où l’on confondait bulletin de vote et prêche du vendredi. En Tunisie, le balancier oscille toujours entre urne et minbar. Au Maroc, on a inventé la fusion ultime : quand le pouvoir se fonde déjà sur le religieux, toute contestation devient sacrilège.

Bref, nous avons nos éditions locales du trumpisme, vendues sans sous-titres. La seule différence, c’est l’emballage. Chez eux, c’est le cirque évangéliste en stade couvert. Chez nous, c’est la mosquée du quartier transformée en meeting politique. Eux brandissent la Bible, nous brandissons les paroles d’anciens juristes qui se sont parfois crus plus savants que Dieu lui-même. Mais le résultat est identique : on vote avec les yeux fermés et on s’étonne ensuite de marcher dans le noir.

Le trumpisme n’est pas seulement un danger américain, c’est un avertissement mondial. Il nous rappelle que quand la religion s’empare du politique, la démocratie tousse, la raison s’éteint et le peuple se transforme en foule. Et que ce soit en Alabama ou à Alger, à Phoenix ou à Fès, la mécanique est la même : un leader charismatique, une promesse de salut, un ennemi désigné et des foules qui croient. L’Histoire bégaie. Elle change juste de costume.

Alors, faut-il en rire ou en pleurer ? Peut-être les deux. Rire de voir Trump transformer la politique en télévangélisme, pleurer de voir nos peuples piétiner encore les mêmes pièges. Car la vraie question n’est pas « Trump est-il dangereux ? » mais « Sommes-nous capables de résister à la tentation du prêche politique ? » Si l’Amérique s’apprête à suivre les yeux fermés, qu’elle allume un cierge. Et si le Maghreb continue à confondre mosquée et parlement, qu’il prépare beaucoup d’encens. Là où l’on récite au lieu de penser, la démocratie ne meurt pas : elle s’éteint doucement, comme une bougie au vent.

Zaim Gharnati

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