Dimanche 5 août 2018
La société algérienne doit donner sa chance à sa jeunesse
La violence contre soi ou la violence sociale tout court est presque toujours la conséquence d’une demande de parole ou d’écoute refusée. Cela explique le recours de certains de nos jeunes, ces dernières années, à l’immolation par le feu et au suicide pour exprimer leur mal-être.
Des phénomènes dangereux qui deviennent leurs modes opératoires préférés face à l’autisme et à la surdité des pouvoirs publics à leurs doléances. Il est clair que ce n’est pas un prêt de l’A.N.S.E.J ou l’octroi d’un logement social qui va rendre à ces jeunes-là l’estime de soi, mais c’est l’ouverture d’un canal de communication qui leur permettra de verbaliser, dans une totale liberté, leurs refoulés et leurs ressentiments. D’autant que tout individu possède un potentiel d’agressivité qui, lorsqu’il ne trouve pas d’issue normale s’accumule. Et pour se libérer, l’individu risque de recourir au passage à l’acte violent.
Cette agressivité peut aussi se retourner sur le moi propre, et c’est le suicide. «On ne se tue, écrit un jour André Malraux, que pour exister», c’est-à-dire moins pour se tuer que pour tuer la vie «misérable» qu’on mène. Une sorte de revanche symbolique sur notre précarité matérielle, émotionnelle, existentielle. Comme ne pas voir là des symptômes, des signes d’alerte dans cette société, la nôtre, anxiogène, pathogène et surtout «tabou-gène».
Une société qui n’a pas, de surcroît, apporté des réponses adéquates au défi de la modernité. La complexité de la situation de nos jeunes peut mener à la multiplication dans l’avenir d’actes de désespoir, à défaut de relais à même de combler ce «communication gap» avec la société et absorber leurs frustrations collectives. Celles-ci, si jamais condensées, seraient une onde de choc d’une violence incontrôlable. En tout cas, l’instabilité sociale n’est pas une simple affaire à gérer par la seringue de la démagogie et du dopage rentier, mais par une pédagogie utile de la parole et par la bonne gestion des affaires de la Cité.
Autrement dit, il faut combiner deux méthodes. D’un côté, essayer d’écouter la jeunesse, la comprendre, lui tendre la main, la laisser s’exprimer et agir dans l’autonomie. De l’autre, lui donner l’assurance qu’elle vit dans un Etat de droit où il n’y a pas d’abus et d’impunité pour ceux qui pillent les richesses de son pays.