La dévaluation systématique de l’individualité opère à travers un mécanisme psychologique complexe qui transforme fondamentalement la perception de soi.
Ce processus s’articule autour de plusieurs dimensions interconnectées qui, ensemble, créent une architecture psychologique cohérente visant à reconfigurer la relation de l’individu à sa propre autonomie.
Au cœur de ce système se trouve la dépréciation systématique de la volonté individuelle, où chaque décision autonome est présentée comme potentiellement dangereuse et chaque désir personnel comme suspect.
Cette méfiance envers le jugement individuel s’installe à travers un rappel constant des erreurs humaines et de la faiblesse inhérente à la nature humaine. Les textes islamiques illustrent particulièrement bien ce mécanisme, comme en témoigne le verset coranique : « Il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose alors qu’elle vous est un bien » (2:216), qui remet fondamentalement en question la capacité de l’individu à discerner son propre intérêt. Cette dépréciation s’accompagne d’une valorisation paradoxale de la soumission comme vertu suprême.
La capacité à abandonner sa volonté propre devient, dans ce contexte, un signe de puissance spirituelle, illustrée notamment par des figures emblématiques comme Ibrahim, dont la disposition à sacrifier son fils sur ordre divin est célébrée comme l’exemple parfait de la soumission (Coran 37:102). Cette redéfinition de la force morale transforme la résistance aux désirs personnels en une manifestation de grandeur d’âme, créant ainsi un nouveau paradigme où la puissance spirituelle se mesure à l’aune de la capacité d’abnégation.
L’aboutissement de ce processus se manifeste dans la transformation de l’obéissance en voie d’accomplissement personnel. L’obéissance n’est plus perçue comme une contrainte mais comme une libération, le renoncement à l’autonomie devenant le chemin privilégié vers la plénitude spirituelle.
Cette inversion psychologique profonde est particulièrement visible dans les textes sacrés qui promettent récompense et accomplissement à ceux qui « se soumettent à Allah et à Son messager » (Coran 24:52). L’installation du désir de soumission devient alors le point culminant de cette architecture psychologique, où l’individu développe une aspiration active à sa propre subordination, comme l’exprime le verset :
« Allah a embelli la foi dans vos cœurs et vous a fait détester la mécréance » (Coran 49:7).
Cette structure crée ainsi un système où l’annihilation de la volonté individuelle (fanâ) devient paradoxalement la condition même de la réalisation spirituelle (baqâ). Ce paradoxe fondamental, où l’accomplissement personnel passe par la négation de l’individualité, constitue le cœur même de cette architecture psychologique. La force de ce système réside dans sa capacité à transformer la servitude volontaire non seulement en un choix acceptable mais en une aspiration désirable, faisant de la soumission une source de satisfaction personnelle et d’épanouissement spirituel.
Cette reconfiguration complète de la relation à soi et à l’autorité religieuse illustre la puissance des mécanismes psychologiques mis en œuvre dans la construction d’une spiritualité fondée sur la subordination volontaire de l’individu.
L’analyse de cette mécanique psychologique peut être approfondie en plusieurs dimensions :
La transformation de la peur en autorégulation s’opère à travers un processus subtil où la menace du châtiment divin, exprimée dans « Et redoutez un jour où vous serez ramenés vers Allah » (Coran 2:281), devient progressivement internalisée. Cette internalisation est renforcée par le concept de surveillance divine permanente : « Il sait ce que vous cachez et ce que vous divulguez » (Coran 2:77). Cette omniscience divine crée un état de vigilance perpétuelle où l’individu devient son propre surveillant.
Le système d’autocensure se complexifie par l’introduction du concept de « nafs al-lawwama » (l’âme qui blâme), mentionné dans le Coran (75:2), qui institue un mécanisme d’auto-accusation constant. Cette instance psychique intérieure critique chaque pensée, chaque désir, chaque action à l’aune d’un idéal de pureté inatteignable. Le verset « Nous avons effectivement créé l’homme et Nous savons ce que son âme lui suggère » (Coran 50:16) établit une suspicion fondamentale envers les motivations personnelles. La culpabilité comme instrument d’auto-torture se raffine à travers le concept de « taqwa » (la crainte pieuse), qui dépasse la simple peur pour devenir un état permanent de conscience anxieuse. Le verset « Les croyants sont ceux dont les cœurs frémissent quand on mentionne Allah » (Coran 8:2) normalise cet état d’anxiété spirituelle comme signe de foi authentique.
De la dette perpétuelle
Le cycle de la dette perpétuelle s’ancre dans une double impossibilité :
1. L’impossibilité de la gratitude suffisante : « Si vous êtes reconnaissants, Je vous donnerai certes davantage » (Coran 14:7), créant une dette qui s’accroît avec chaque bienfait reçu.
2. L’impossibilité de la purification totale : « Ils ne cesseront de combattre jusqu’à ce qu’ils vous détournent de votre religion » (Coran 2:217), suggérant une menace constante de corruption spirituelle.
La pénitence devient un mécanisme complexe de régulation psychologique où :
– La confession régulière (« istighfar ») devient un rituel compulsif
– L’auto-examen permanent génère une hyper-vigilance épuisante
– La recherche de purification crée une dépendance aux rituels expiatoires
Cette structure psychologique est renforcée par le concept de « shirk khafi » (polythéisme caché), qui suggère que même les intentions les plus pures peuvent être contaminées par des motivations égocentriques inconscientes. Le verset « Nous avons créé l’homme et Nous savons ce que son âme lui suggère et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire » (Coran 50:16) installe une méfiance fondamentale envers soi-même.
Le besoin de rédemption est perpétué par un système où :
– Chaque bonne action peut être invalidée par une intention imparfaite
– La certitude du salut est impossible jusqu’au jugement final
– La crainte de l’hypocrisie spirituelle (nifaq) devient omniprésente
Cette mécanique psychologique sophistiquée crée ainsi un état permanent d’insécurité spirituelle où l’individu ne peut jamais atteindre une paix intérieure durable, maintenu dans un cycle perpétuel de doute, de culpabilité et de recherche de rédemption. Ce cycle est présenté paradoxalement comme le chemin même vers l’élévation spirituelle, transformant l’anxiété perpétuelle en vertu et l’insécurité permanente en signe de foi authentique.
Said Oukaci, chercheur
Tout ce que l’algérien est , est résumé dans ce présent article. Il a peur de penser, de rêver. L’algérien maudit en sourdine, rêve en silence; veut vivre en soi. Mais cette maudite religion le freine, lui dicte une fausse morale. Ce que le mot zieama (comme si ou amzoun). C’est cela le malaise de la société. Ce tiraillements ente désirs inavouables et inassouvis et cette morale dont le Dieu est le grand garant et le judicateur final. À din reb
Le sujet de la contribution est intéressant.
C’est sûr que les textes religieux sont par essence opposés à l’épanouissement de l’individu; normal, ils sont conçus pour codifier l’asservissement au profit des pouvoirs politiques (lequel de pouvoirs ne manquent jamais de se poser en prêtres de/des dieux).
Ceci dit, chercher nos qualités et nos défauts de berbères et de nords africains exclusivement dans la religion, musulmane dans selon cet article, est une double-erreur.
D’abord c’est faux: nous avons notre culture qui est pré-islamique, parallèle à l’islam et post-islamique. Elle structure nos façons d’êtres et nos sociétés nord africaines politiquement (je ne parle pas des coquilles politiques vides et oppressantes sans liens avec la société), religieusement, moralement, notre mode de vie, la langue, les goûts et aversions, … Notre culture est collectiviste. Tout en étant un élément positif (l’entraide, la prise en charge du faible, la mutualisation de l’effort et des sacrifices nous ayant permis de traverser les siècles), elle a un revers: l’aversion de l’individualisme. Cet aspect devient à notre époque un vrai boulet après avoir été notre point fort. Ne pratique-to-on pas l’ostracisme même dans le quotidien ? Lés habitude évoluent moins vite que les réalités.
Secundo, prêter à l’islam nos défauts c’est participer à l’islamisation de l’histoire, de notre passé (qui ne l’a jamais été, en tout cas pas comme le dis les livres scolaires et la télé) à postzriori. Car, cher monsieur, même nos tares sont susceptibles d’étés islamisées, … âpres coups. Et nous somme berbères, occidentaux, même dans nos tares.