Avec une densité de cinq habitants au kilomètre carré au sud et deux cents habitants au kilomètre carré au nord, l’Algérie est un bateau qui chavire. Sa remise à flots suppose évidemment une répartition judicieuse de la population et une exploitation rationnelle de ses ressources humaines laissées en jachère par les politiques économiques suicidaires menées à la faveur d’une manne pétrolière et gazière providentielle en voie de tarissement dans un avenir très proche.
La rente versée à l’Etat a la particularité d’être exogène c’est à dire que sa provenance et sa croissance ne sont pas liées au développement du pays mais dépendent des facteurs externes. Etant propriétaire des gisements pétroliers et gaziers, l’Etat a donc le droit de s’approprier la rente qui l’a confortée dans la gestion de l’économie et de la société. Il a conçu la rente comme un instrument d’une modernisation sans mobilisation de la nation.
Pour ce faire, il a été conduit à affecter une part grandissante de la rente en cours de tarissement à la production et la reproduction de la base sociale c’est à dire à la consommation soit directement par la distribution de revenus sans contrepartie, soit indirectement par subvention, soit par les deux à la fois.
Cette pratique a donné naissance à une véritable débauche des dépenses publiques et à une grande auto-complaisance en matière de politique économique et sociale. La rente a constitué un soporifique en masquant toutes les insuffisances en matière de production et de gestion.
En somme, l’Algérie touchait une rente importante dont elle n’arrive pas à contrôler l’évolution. La rente versée à l’Etat a la particularité d’être exogène c’est à dire que sa provenance et sa croissance ne sont pas liées au développement du pays mais dépendent des facteurs externes.
L’un des paradoxes de l’économie algérienne est d’être fondée sur une richesse dont l’existence renforce à terme les capacités de financement en même temps qu’elle introduit un élément de fragilité. Il suffit d’une baisse des prix de référence ou des réserves à un moment inopportun pour le développement de son économie menaçant la pérennité de son principal moyen d’existence pour provoquer de graves déséquilibres économiques, politiques voire sociaux.
De plus, il suffit de considérer les graves dysfonctionnements dont souffre actuellement l’Algérie pour se persuader qu’une forte croissance de revenu en devises ne mène pas nécessairement au développement économique.
Le fait que les recettes pétrolières vont pour l’essentiel au gouvernement qui décide de leur répartition et de leur affectation, fait en sorte que le revenu est moins perçu comme la contrepartie d’efforts productifs que comme un droit dont on peut jouir passivement du moment qu’il est octroyé en dehors de la sphère interne de la production.
La question qui reste pendante est de savoir, dans quelle mesure le pouvoir en Algérie, est-il ou peut-être productif, c’est-à-dire dans quelle mesure pouvoir et production se nourrissent mutuellement ?
Pouvoir et production sont les deux coordonnées de base de toute communauté quelque que soit le degré de son « développement » économique ou politique. Car il ne peut y avoir de pouvoir sans production et toute production s’inscrit dans une pratique de pouvoir.
La qualité du pouvoir se déduit en grande partie de la qualité de sa légitimité et c’est la légitimité du pouvoir qui en facilite sa productivité. La légitimité du pouvoir se fait mieux et plus facilement à travers sa légitimité qu’au moyen de sa violence.
Dans ce cas, le risque est grand de voir les bénéficiaires de la rente se désintéresser de toute activité réellement productive.
La légitimité implique en premier lieu une certaine relation de réciprocité politique entre dirigeants et dirigés, entre employeurs et employés, relations vécues comme plus ou moins légitimes selon son degré de réciprocité. Plus la légitimité de ce pouvoir est profonde, plus le pouvoir est en mesure de faire l’économie de la coercition.
C’est la légitimation du pouvoir en place qui en assure sa force. Car la violence ou du moins une partie est une indication de l’impuissance du pouvoir. La mise en production du pouvoir s’opère par des inégalités économiques instituées, reconnues et légitimées. Tout rapport de pouvoir comme toute production s’inscrit dans une logique de relations d’inégalités qui différencie les membres d’une communauté. Le rapport entre pouvoir et production se fait au travers de la mise au travail de ces relations d’inégalités. Plus le pouvoir est légitimé, plus la violence est implicite, invisible.
Ce n’est que lorsque la légitimité d’un ordre politique ou économique donné est en crise que la violence refait surface et que le pouvoir se défend par la force ouverte.
La montée de la violence est donc la manifestation de l’incapacité des élites dirigeantes à mettre productivement au travail leur pouvoir.
D’un point de vue général, plus l’Etat est contre la société, moins il y a production, moins il y a adhésion et plus il y a frustration et humiliation. Or, l’humiliation est peu productive économiquement mais remplit un rôle important pour le maintien au pouvoir dans la mesure où elle démontre l’arbitraire qu’elle contient.
Le problème de la productivité est un problème d’organisation donc de management donc de managers. Cette analyse met en œuvre qu’on le veuille ou non la responsabilité de l’organisation c’est à dire des dirigeants qu’ils soient des dirigeants politiques ou des dirigeants d’entreprises.
Dr A. Boumezrag
Supposons qu’ils n’utilsent pas en permanence la violence, que savent ils faire d’autre ? Ils ne peuvent evoluer que dans la violence, le faux, le doute, le mensonge et la propagation de la peur. Ce sont les bases fondamentales d’une dictature militaire dont le but est de transformer la vie civile en vie militaire, ou le peuple doit dire oui meme s’ils le dirigent vers l’abattoir.