Le pouvoir algérien poursuit son offensive contre toutes les voix discordantes qui essaient de jouer leur rôle de contre-pouvoir. La liste des ONG et des partis politiques interdits d’existence légale ou en voie de l’être s’allonge avec l’interdiction d’exercer qui vient de toucher la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH).
Cette décision arbitraire, décidée à bas bruit par la justice et dont le jugement a été fuité sur les réseaux sociaux, vient confirmer encore une fois la volonté du pouvoir de défaire tous les ressorts du pluralisme.
La chambre administrative près la cour d’Alger a ordonné la dissolution de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH). L’organisation est fondée, en juin 1985, par un groupe de militants de l’opposition démocratique au régime de l’époque dont Me Ali Yahia Abdenour, Me Mokrane Aït Larbi, Saïd Sadi et d’autres, connaîtra des dissensions internes tout au long de son existence qui déboucheront sur son éclatement en plusieurs tendances.
Il convient de rappeler que le régime de Chadli Bendjedid qui n’avait pas prononcé sa dissolution, malgré le contexte de fermeture du parti unique, s’est contenté de réagir par duplicité en créant une organisation des droits de l’homme parallèle et proche de ses thèses (la LADH).
Dans le communiqué signé par son vice-président, Saïd Salhi, la Ligue informe que le jugement rendu par la justice fait suite à une plainte déposée par le ministère de l’Intérieur au motif que la LADDH s’adonne à des activités subversives et non conformes aux objectifs définitifs par ses statuts.
Le plus étonnant dans l’affaire est que le jugement été prononcé en catimini, il a été publié le 29 septembre 2022 et ne sera rendu public que récemment, selon la LADDH qui se dit surprise par la diffusion du document sur les réseaux sociaux. Et d’affirmer ne pas avoir été informée au préalable ni du dépôt de plainte par le ministère de l’Intérieur, ni du déroulement du procès et encore moins de la décision de dissolution de cette ONG de défense des droits humains.
Dans le jugement ainsi fuité sur les réseaux sociaux, il est mentionné que la LADDH n’a pas organisé un congrès de conformité à la loi de 2012 sur les associations et qu’elle s’est scindée en cinq tendances..
Le même document signale aussi que la LADDH s’adonne à des activités contraires à la loi en présentant des rapports erronés aux organisations internationales des droits de l’homme portant sur la liberté de création des associations en Algérie.
Il est mentionné, en outre, qu’au début du Hirak, en 2019, la LADDH s’est employée à l’encadrement des marches et à la publication de déclarations dénonçant la répression des manifestants par les autorités. N’est-ce pas dans le rôle de toute organisation de défense des droits humains de dénoncer les arrestations de manifestations, la répression, les actes de violations divers des libertés ? Manifestement la conception des droits humains n’est pas la même selon qu’on soit du côté du manche ou de la victime !
Aussi, il est reproché à l’organisation des droits de l’homme, fondée par le défunt Me Ali Yahia Abdenour, ses déclarations subversives et ses « positions radicales » enfreignant « le processus des réformes engagées par les autorités ».
Les prises de position de la LADDH porte atteinte à l’ordre public en appelant à des manifestations, selon la même source en diffusant « des publications appelant à l’internationalisation du phénomène de l’immigration clandestine ».
Il est reproché à l’ONG l’encouragement des « schismes et la division entre les communautés ibadite et malékite sous prétexte de défendre les droits de la minorité mozabite opprimée et de tenter d’impliquer les organisations internationales dans le conflit » (crise de Ghardaia de 2013).
Il est imputé à la LADDH ses « tentatives d’influencer le cours de la justice » à travers « l’organisation de mouvements de protestation devant les tribunaux ». Tous ces faits, selon le document de la justice, indiquent clairement que cette organisation « s’est éloignée des objectifs définis dans ses statuts conformément à la législation du pays ».
Dans son dernier communiqué, la LADDH s’interroge : « Pourquoi avoir caché ce jugement, pourquoi le rendre public maintenant? ». « Cela coïncide bien évidemment avec la campagne de diabolisation qui est lancée contre nos militants », répond la Ligue qui s’étonne « du fait que le jugement soit rendu public alors que seules les parties en conflit, à savoir la LADDH et le ministère de l’Intérieur ont le droit de retirer le verdict ».
Samia Naït Iqbal