26 avril 2024
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L’Algérie du salafisme au K-Taping

 

 

Abdelfattah Hamadache
Abdelfattah Hamadache

Entre les séismes et le châtiment divin, il y a toute une cosmologie dans laquelle tourbillonne toute la société conservatrice algérienne. Au sein de cette masse traditionaliste, les catastrophes naturelles sont étroitement liées aux graves perturbations que subie une société qui n’arrive pas à s’adapter avec le développement scientifique et technique.

A la place de vouloir comprendre d’où venaient ces quelque 8 millions de tonnes de TNT, en termes d’énergie libérée par le séisme de l’Anatolie du sud, on préfère évoquer ce qui a été fait sous l’autorité du calife Omar Ibnou-Abdelaziz qui exigeait de ses walis dont les territoires sont touchés par des séismes, de procéder à la zakat. Une manière de protéger les croyants des tentations et des caprices de Satan.

De l’école coranique aux pouvoirs publics, la croyance en les tremblements de terre comme signes divin à l’encontre de l’humain est plus qu’enracinée. Elle semble faire partie de l’instinctive respiration des êtres et la société algérienne, prend goût à ce mode de réflexion simpliste et peu lucratif à ne reprendre que ce qui se dit par les parias de «l’islamo-évangélisme », un puissant réseau médiatique qui a fait de l’imam Abdelaziz bin Baz, le nouveau « prophète » de la Da’awa Salafiya (DS).

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Il n’est plus question d’évoquer un islam politique rampant, mais d’un programme socio-culturel de réislamisation visant à remodeler les identités sociales et religieuses en Algérie.

Le fait de s’éloigner du savoir scientifique contribue à la diffusion d’affirmations spéculatives sur un changement religieux bouleversant. Et les cataclysmes qui ont fait éclater les espaces physiques de nos villes, a produit des fractures tout aussi ravageuses dans le paysage religieux local. Nous parlons en terme anthropologique de la recrudescence d’une mystique d’apparence charlatanesque bien envahissante et cela depuis 30 ans. Des fumisteries qui accablent lourdement tout changement mental au sein de la société algérienne.

Il est d’autant vrai sur le plan du savoir scientifique, que la compréhension des effets du tremblement de terre sur la foi et la pratique religieuse nécessite une connaissance des contestes religieux préexistants et continus. Ne pourrions-nous pas voir dans ce façonnement des valeurs de la nature par des croyances fondatrices, une nouvelle manière de la part du large public conservateur, d’approcher les phénomènes terrestres par une écologie spirituelle ?

C’est toute la difficulté de vouloir asseoir un quelconque questionnement scientifique bien matérialiste, lorsque les personnes d’en face, cultivent la radionique et le kinéso-taping comme mystique médicale. Veut-on hébéter la société algérienne ? Nullement. Son traditionalisme et son conservatisme social et culturel sont des valeurs sûrs à vouloir accepter et se nourrir d’un pseudo-savoir au service du monothéisme et de faire de toutes les sciences dialectiques le support des Vérités de l’islam.

La « machine » à islamiser l’Algérie

Face à ce phénomène de la recrudescence d’une sorte d’écologie spirituelle, une machine hypra-idéologique est occultée aux regards des curieux. L’apparaître et le disparaître d’un jeu politique qui ne cesse de peser sur l’évolution historique de l’Algérie.

A chaque saga politique du leader algérien, il eu un large mouvement de reconduire la nébuleuse islamiste comme étant une composante sociale et culturelle à prendre en compte dans toute évolution politique du pays.

Durant le mouvement du 22 février 2019, ce n’est pas par hasard que le Carnegie Middle East Center (CMEC) s’est retrouvé dans les artères de la capitale, menant son étude d’anthropologie politique sur le vif du terrain. Ce qui intéressait le CMEC, ce n’est nullement la « nuée » démocratique du mouvement, mais la masse interventionniste qui se rassemblait du côté de Bab El-Oued, à savoir, les éléments de la Da’awa Salafiya (DS).

Le travail minutieusement élaboré paraîtra au mois de mai 2019 sous le titre de, Les fondements mouvants de l’islam politique en Algérie, portant la signature de la journaliste et analyste Dalia Ghanem.

Quatre années auparavant, ce fut le tour de Jacob Olidort du Brookings Center for Middle East Policy, de faire paraître son cahier sur La politique du salafisme « quiétiste » et qui deviendra une sorte de feuille de route pour un immense chantier d’études sur terrain, non seulement en Algérie, mais pour l’ensemble des communautés et groupes musulmans de part le monde.

Relevant que « l’approche participative que les islamistes modérés ont suivie en Algérie depuis 1995 les a soutenus et leur a permis de professionnaliser leurs cadres ». Dalia Ghanem estime que pour le régime, « cette participation politique lui permet de copter les islamistes, privant ces modérés de leur légitimité aux yeux du public et entravant leur capacité à mobiliser les électeurs ». C’est ainsi que beaucoup de citoyens considèrent que «les islamistes sont aussi corrompus que la vieille garde du régime », laissant la place à l’enracinement dans la société de la nouvelle forme du Salafisme dit « quiétiste », le considérant comme le mouvement sociétal islamiste le plus dominant en Algérie.

Il est question du mouvement de DS qui, en voulant réislamiser l’Algérie, elle se propose comme alternative à une crise de représentation politique qui couvait depuis qu’elle a rejoint le mouvement du 22 février, deux mois après son déclenchement. L’approche « quiétiste » de la DS attire de nombreux membres de la génération « qui a grandi pendant les années sombres » de la décennie rouge. Pour l’analyste du CMEC, « de nombreux Algériens ont été charmés par les appels du mouvement à rejeter l’occidentalisation de la société algérienne sans affronter les autorités du pays ».

La DS est formée essentiellement d’ex-éléments armés qui se sont converties en un large « bazar » impliqué dans des réseaux commerciaux rentiers (livres islamiques, vêtements, literie et meubles). Leurs chouyoukhs émettent régulièrement  des fatwas pour  aider les adeptes dans leurs entreprises commerciales.

L’un d’eux, le cheikh Ferkous, a même émis une fatwa autorisant des pots-de-vin aux agents de douanes pour le bien de l’entreprise expliquant que « lorsqu’il est obligé de le faire, la personne qui donne le pot-de-vin échappe au jugement parce que le pêcheur n’est pas celui qui donne mais plutôt celui qui reçoit le pot-de-vin ». Le même Ferkous qui a été désigné par le Saoudien cheikh Al-Madkhali comme la voix officielle du salafisme algérien.

Le missionnerait salafiste en Algérie a pour objectifs « la Purification » et « l’Education », à savoir « purifier en supprimant toutes les croyances et idées corrompues du polythéisme qui sont entrées dans la vie des musulmans et purifier la Sunna et la Loi de diverses innovations qui l’ont contaminés ». sur le plan éducatif, la DS investit dans les jardins d’enfants et les écoles coraniques afin d’éduquer afin d’éduquer des futurs générations au Salafisme.

Sur terrain, l’envoyée du CMEC avait observée qu’à l’université islamique de Constantine, celles de Kharouba et de Bab Ezzouar, les étudiants « salafiste jouent le rôle de gardiens auprès des étudiants en les aidant à se marier, les accompagnés dans les grandes décisions de leur vie et les purifiants de ce qu’ils considèrent comme des idées ruineuses et de toutes formes de corruption et d’incrédulité », en les empêchant de lire les journaux, les magazines et même de regarder la télévision. Autour de ce travail de prosélytisme religieux, il y a un éventail de médiums et de canaux, tel que l’IslamOnline de l’association culturelle Al-Balagh créée en 1998 par le ministère qatari des Awkaf, le pseudo historien et prédicateur libyen Ali Al-Salabi et même si ses canaux relèvent de l’Internationale des FM, la DS algérienne utilise quand même certaines opinions de son « patrimoine théologique ».

De la cosmétique halal au taping ésotérique

Autour de la finance dite islamique où le placement des fonds n’est pas Koweït-City mais bien à Londres et à Amsterdam, la cosmétique « halal » trouve dans le dénommé Farhan Tufail, le dirigeant du cabinet suisse Halal Certification Service (HCS) le certificateur des produits cosmétiques qui semblent pour Monsieur tout-le-monde, échappé aux ISO des koufars. La cosmétique halal est celle qui s’attaque à tout produits dit « najs » (impur) et choisi la promotion des produits « tahir » (pur), pour ce qui est du « mashbooh », ce produit qui n’a pas de statut halal ou haram bien défini, le consommateur doutant de son statut doit revenir aux règles dérivées du Coran et des « lignes directrices » éditées par le prophète de l’Islam dans le Sahih Muslim. Dans ce monde de la cosmétique éthique islamiste, on interdit tout produit à base ou composer d’alcool, de kératine, de panthénol, d’élastine, de glucosamine, etc. à Dubaï, en Malaisie et en Indonésie, la tolérance d’alcool dans les produits cosmétiques est de 0,5 ù à 1 %, par contre en Iran et en Arabie Saoudite elle est de 0 %.

Toujours dans ce regain de la réislamisation de l’Algérie depuis 1995, certains Algériens ne trouvons pas leur chemin dans le discours du « salaf essaleh », découvrent la « géobiologie » qui est un pseudo savoir en permanence confrontée « aux nombreuses perturbations cosmo telluriques et d’origines technologiques ». C’est ainsi que le kinéso taping (K-Taping) employait en physiothérapie est devenu un traitement contre les « nocivités » touchant la vie, le corps et l’esprit de l’Algérien. Le très croyant en les forces intergalactiques, doit ce rendre compte que la couche d’ozone constitue un véritable parapluie qui nous protège des mortels rayons ultra-violets et que le champ magnétique terrestre créé un cocon protecteur contre les particules ioniques du vent solaire et si des rayons cosmiques résiduels touchent la surface de ka Terre, il y aura un danger pour les organismes vivants, dont l’Homme. Les perturbations terrestres ou cosmiques, naturelles ou provoquées par l’indécence de l’humain, interviennent sur l’état d’âme de l’individu selon les adeptes de ce taping ésotérique.

Nourrie dans la pensée chinoise de l’Energie-Zen, cette nouvelle « croyance » compte prendre sa place aux côtés de la rukyah islamiste. Les nouveaux adeptes du taping ésotérique voient dans tout lieu, tout habitat et toute chose s’imprégner des énergies qui l’entourent et qui la traversent et que tout est en interaction énergétique et les emprunts du passé laisse leurs échos sous formes de vibrations. Il est possible de soulager et même de guérir le « patient » par le biais d’un questionnaire en tapotant sur certaines parties de son corps.

Dans cette « lutte » entre rukyah charia et rukyah Zenique, la société algérienne s’éloigne et s’en prive de toute particule rationnelle, permettant ainsi à des forces objectives et matérielles, politiques et économiques de l’assoir au ras-du-sol pour plus d’exploitations et d’asservissements.

Mohamed-Karim Assouane, universitaire

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