Lundi 16 août 2021
L’Algérie face à ses démons
Encore une fois, l’Algérie est la cible des forces déstabilisatrices rétrogrades et antinationales qui tentent de mettre le pays à feu et à sang.
Plusieurs wilayas sont dans le viseur des forces du mal et la Kabylie est particulièrement visée et est touchée de plein fouet. Leurs agissements nous rappellent les méthodes singulières -enfumages, razzias, destructions de cultures et de villages- couramment employés pendant l’époque coloniale par les militaires français pour pacifier l’ancienne Régence d’Alger.
La Kabylie déplore des pertes humaines par dizaines et plusieurs régions sont durement touchées. A Larbaa Nath Irathen, certains villages sont décimés, emportés par les flammes des feux ravageurs et les habitants sont contraints d’abandonner leurs demeures. Dans cette circonscription administrative, on dénombre plusieurs morts.
Depuis la nuit des temps, les kabyles ont chanté leur terre mère et composé des poèmes en son honneur. Ils faisaient l’éloge de leur terre nourricière, rendant hommage à son hospitalité, sa beauté, ou même à sa rudesse. Ils ont un attachement viscéral à la terre de leurs ancêtres et sont devenus ses avocats : elle est leur âme, leur couleur et leur histoire.
C’est au prix d’un itinéraire singulier qu’ils ont construit un lieu de vie structuré, conciliant les exigences économiques avec les impératifs écologiques.
C’est sur la terre qui a vu naître Si Mohand Oumhand, Si Djilani, Moussaoui et Abane que les ennemis de l’algérie indivisible et moderne ont orchestré leur second forfait : une exécution d’un crime insoutenable et barbare d’une rare violence. La mise à mort glaçante et froide de Djamel Bensmail, un jeune Algérien originaire de Khemis Meliana, venu prêter main forte à la Kabylie martyrisée par les mains criminelles. Djimmy est assassiné et brûlé et est mort dans d’effroyables douleurs.
Ils ont voulu sans doute souiller la région et marquer à jamais les esprits sur l’endroit de cet horrible crime : Larbaa Nath Irathen, la terre natale des pères fondateurs du mouvement national et de celle de l’architecte de la révolution. Une région dont les citoyens et citoyennes portent haut et fort les aspirations de modernité, de progrès et de liberté. La condamnation générale est sans appel du crime commis à l’encontre de notre artiste !
Si ce n’étaient la sagesse, la lucidité et la grandeur d’âme de Noureddine, le père de la victime qui a su trouver les mots pour ressouder les rangs de la patrie, le pays aurait basculé dans le chaos !
S’obstiner à chercher l’origine de cette double machination dans le racisme, dans l’appartenance régionale ou ethnique, c’est cautionner et valider les stratégies des forces rétrogrades islamistes et des partisans de la scission pour tenter d’empêcher l’émergence d’une entité nationale moderne et démocratique. Cette réalité appelle à établir les filiations des doctrines indépendamment des transformations que subit notre société et des besoins nouveaux qui s’y développent parfois avec une si singulière énergie.
Cette situation ne peut pas être dépassée sans une gigantesque transformation en profondeur des mentalités et sans l’émergence d’une société nationale. L’absence de modèle national moderne suscite des paniques identitaires et régionalistes.
Il s’agit donc de situer la problématique dans ses multiples facettes, ne pas occulter les causes lointaines et de ne pas s’enfermer dans l’immédiateté, ni dans la seule période des derniers événements. Le présent doit être analysé en fonction des questions du futur et le débat sur la nature, le modèle et le caractère du système/ régime en montre la nécessité.
Aucun problème de notre temps n’a de solution locale, ni à l’échelle régionale, tout se posent désormais au niveau national et universel. Ainsi mis en perspective, le système n’est pas le seul problème des algériens, il faut le situer dans sa véritable dimension, dans les zones les plus sensibles au choc de la mondialisation et face aux enjeux géopolitiques.
La crise algérienne incite à s’interroger sur les résistances possibles à la gestion cynique du désordre national, sur les desseins de ceux qui soufflent sur les braises du racisme et de la division. Et au demeurant les risques que font courir au pays, ce que font peser sur l’Algérie.
Les éléments d’une crise latente, prédéterminée par l’histoire spécifique de l’Algérie, il va sans dire que certains peuvent penser qu’il ne sert à rien d’aller si loin dans le temps pour comprendre les origines ou soubassements socio-culturels et politiques du pays.
En fait, c’est la l’une des plus grandes erreurs que font les analystes, voire même un nombre important d’hommes politiques. L’algérien est en fait le produit de son histoire, le fruit de son environnement et la somme des événements historiques. L’histoire qui surnage dans la conscience populaire algérienne est faite de spoliation, d’injustice, d’humiliation, de violence et d’arbitraire.
Nous observons donc la genèse et le développement du despotisme, conçu comme un état d’exception permanent dominé par les forces les plus agissantes et disposant du pouvoir absolu à l’exercice des fonctions exécutives, législatives et judiciaires et destiné à organiser et à pérenniser le système/ régime. Le despotisme est l’exemple de ce processus qui a vu une mesure d’exception employée à l’indépendance à l’issue du coup de force orchestré par l’armée des frontières contre le peuple, devenir la règle dans le pays et se banaliser.
Cumulant l’arrogance idéologique et les ignorances les plus scandaleuses, les forces archaïques et conservatrices au pouvoir ont aggravé des décennies durant les processus de régressions sociale, intellectuelle, culturelle et politique dans le pays.
Aujourd’hui, il s’agit de comprendre et déployer les principes et les conséquences d’une transformation nationale en cours d’accomplissement dans le domaine de la conscience politique, de la cohésion sociale, de la solidarité nationale et du vivre ensemble, et ce, depuis l’avènement du hirak.
Cette transformation, les problèmes qu’elle pose, les instruments qu’elle utilise, les concepts qui s’y définissent, les résultats qu’elle obtient porte un nom : la dynamique politique et sociale.
L’alternative politique n’a de sens que si elle s’inscrit dans la logique d’un projet alternatif de société susceptible de mobiliser activement les fractions de société ; une des tâches fondamentales du mouvement progressiste algérien et des forces patriotiques nationales.
L’Algérie doit impérativement se réapproprier son histoire, y compris dans sa vérité la plus amère, indispensable à l’édification de nouvelles générations, pour bâtir une nouvelle algérie, enfin débarrassée de ses fossoyeurs qui l’ont jusqu’ici plongée dans la tourmente et le désarroi, brisant net l’élan du 1er novembre.