« Il n’y a pas de substitut à l’excellence. Pas même le succès ». (Thomas Boswell, chroniqueur sportif)
« L’Énigme algérienne », dit l’autre. Quelle « énigme » ? Il suffit de trouver une réponse à la question : « De quoi l’Algérien contemporain est-il le nom ? ».
Je vous donne une piste…
Voilà un homme, qui se trouve être un écrivain, et qui, en 2022, réussit à remplir une salle de plus de mille personnes, autant dire : mille lecteurs, réels ou potentiels !…
On n’aura pas vu ça depuis les années 1970. Où une pièce de théâtre pouvait plusieurs soirs de suite remplir le TNA d’Alger ou le Régional d’Annaba, de Constantine ou d’Oran. Où la projection d’un même film pouvait remplir trois fois dans la journée la salle de la Cinémathèque ! Où même un récital de poésie pouvait remplir et animer toute une salle (El-Mouggar).
Bref… Les années 1970, mes plus belles années, avant mon expatriation (c’est mieux que de dire « émigration », pardi !) : il suffit de lire, sur Facebook, le témoignage d’Ahmed Cheniki, qui aurait pu être le mien, mot pour mot : « CE N’EST PAS DE LA NOSTALGIE, C’EST LA STRICTE REALITE » (Incipit : « Je vous jure que nous avions plus de 400 salles de cinéma, des théâtres souvent pleins – 432 spectateurs par représentation, selon billets vendus -, des écoles très propres, des universités au sens plein du terme, des services publics très performants, un courrier Algérie-Paris mettait moins de 48 heures, des librairies très bien faites, le livre était subventionné, partout, des peintres animaient Alger, Constantine, Oran… »).
La Khadrature du cercle (Suite et fin)
Yasmina Khadra, donc. Le 3 février 2021, dans une tribune intitulée La Khadrature du cercle (sic), j’avais réagi à d’autres attaques ciblant Mohammed Moulessehoul, et qui venaient tout bonnement d’autres écrivains. Aujourd’hui, après avoir longtemps hésité, je me dois de dire ce qui me chagrine dans les milliers de commentaires (du jamais vu) qui se télescopent avant de s’abattre sur le nom de l’écrivain, devenu à son corps défendant un substitut aux stèles de Mina !…
Les invectives et autres noms d’oiseau qui volent au-dessus du nid de « Facebook » en disent long sur leurs auteurs. Le plus cocasse, c’est que la langue employée par 75% de ces commentateurs pour descendre en flamme l’écrivain est d’une indigence sidérante : fautes d’accords, d’orthographe et même de syntaxe ! Y compris chez des gens instruits, dont le français est langue de travail ! Et ça veut « corriger » l’écrivain à qui l’on reproche un ego surdimensionné ?…
L’ego est le propre de tout artiste, de tout créateur. Seulement il est des créateurs qui réussissent à le contenir, à l’apprivoiser ou à le dompter, d’autres n’y réussissent pas ou n’y pensent même pas, trop occupés sans doute à gérer l’ego de leur propre héros… Mais que dire de l’ego de celui qui ne produit rien, qui ne lit pas et qui trouve matière à critiquer ? L’ego, c’est un peu l’histoire de la paille dans l’œil du voisin qui m’empêche de voir la poutre dans mon œil à moi !
Yasmina Khadra, mégalo ? Mais où, en quoi : dans ses envolées ou dans ses romans ? Dans sa bouche ou dans la bouche de ses personnages ?
Un romancier n’existe et ne s’impose que par son style, par ses personnages et l’univers dans lequel il les fait exister, et les fait si bien exister qu’ils finissent par te paraître si familiers, à toi, virtuel lecteur ! Encore faut-il que tu lises ! Avant de t’attaquer à l’écrivain, commence par t’attaquer à son œuvre, commence par le lire, oui ! Et tu auras tous les droits de l’encenser ou de le flétrir ! Mais lis-le, d’abord ! « Lis ! ». Cet impératif te dit quelque chose ?
Salah Guemriche