19 mars 2024
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L’Algérien peut-il se sentir Français ?

Algérie France

La relance du débat, qui s’annonce houleux, sur les lois relatives à l’immigration en France nécessite que l’on s’y mêle en dressant un bilan analytique de l’intégration de l’immigré.

Jusqu’ici l’intégration n’a pas réussi ! pour la simple raison qu’on a exigé de l’immigré qu’il fasse lui-même l’effort de s’intégrer tout en le laissant « s’épanouir » dans la cité au milieu de sa communauté, loin du regard du Français de souche de Saint-Germain ou de Neuilly pour qui intégrer un bougnoule (n’ayons pas peur des mots utilisés au second degré !) et le côtoyer relève d’une mission quasi-impossible !

On ne fréquente pas facilement ceux qui portent en eux le sceau de l’indigénat, voyons ! Un poinçon indélébile que la couleur de la peau, ou le patronyme atypique, transmet et diffuse génération après génération pour troubler le petit blanc de souche et provoquer en lui une position défensive quasi-instinctive laquelle se transforme bien souvent (notez bien, souvent mais pas toujours !) en méfiance chronique, voire en rejet pur et simple, de tout ce qui ne ressemble pas à une jolie tête blonde.

Pourtant, il revient à ma mémoire, un cri de cœur mémorable, celui de Rachid Taha. Un hymne et un hommage vibrant dans lequel il s’égosillait, en reprenant avec une ferveur à défier la flamme que déclamait Charles Trenet à son pays, à travers son célébrissime « Douce France ». Rachid en revendiqua d’ailleurs avec élégance le patrimoine, au même titre que la famille Le Pen revendique celui de Jeanne d’Arc avec hargne et ressentiment.

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Que s’est-il donc passé depuis ce cri de cœur relayé par un Coluche tonitruant qui n’avait pas hésité à clamer lors d’un festival organisé par S.O.S. racisme (de mémoire) « Vive le racisme ! … Oui vive le racisme ! » suivi de huées soutenues auxquelles il mit fin par un monumental « …ben quoi, c’est grâce au racisme que nous sommes tous réunis ce soir pour dire m…aux racistes, non ? ». Sacré Coluche !

Pourquoi rien ne semble avoir changé, sinon en pire, depuis ces années 1980 pendant lesquelles un vent de tolérance et de miscibilité entre blacks blancs et beurs se profilait à toute allure, bien avant que la coupe du monde 1998 ne nous offre le visage d’une France rayonnante d’égalité et de fraternité, baignant dans un océan d’accolades entre Didier et Zinedine, Fabien et Lilian, Franck et Youri…et tutti quanti ?

Et, qu’au contraire, un mur de Berlin infranchissable semble se dresser et gagner en hauteur année après année, saison (politique) après saison, campagne (électorale) après campagne, élection après élection.

Si l’on se réfère au dictionnaire qui définit l’identité nationale, comme une notion qui découle du sentiment d’appartenance à un même peuple, l’on voit bien que les choses sont biaisées, car qui dit peuple dit, toujours selon le dictionnaire « ensemble d’humains vivant en société sur un territoire déterminé et qui, ayant parfois une communauté d’origine, présentent une homogénéité relative de civilisation et sont liés par un certain nombre de coutumes et d’institutions communes ». Selon cette définition, on s’aperçoit bien qu’il est impossible de regrouper tous les habitants d’un pays donné, y compris la France, sous la dénomination de peuple. Le mot utilisé au pluriel semble donc mieux adapté. Corollaire, qui dit peuples dit identités, au pluriel aussi ! Car soyons sérieux, dame nature a des règles bien précises. Peut-on espérer qu’un figuier planté au milieu d’une châtaigneraie puisse un jour se transformer et prendre la forme d’un châtaigner ?

D’un autre côté, l’homme étant supposé avoir atteint un certain degré de maturité (quoique parfois, il soit permis d’en douter), des peuples regroupés dans un même pays peuvent vivre en harmonie, si tant est que des codes de vie des uns n’empiètent pas sur ceux des autres. Et cela n’est possible que via un seul canal, celui d’une éducation de qualité pour tous. Une éducation qui puisse dessiner des contours à travers lesquels toute différence est perçue comme une richesse et non pas comme une pathologie à soigner ou à combattre !

Réussir l’assimilation, par exemple, telle que suggérée en son temps par Nicolas Sarkozy, là où l’intégration a été un fiasco est un pari perdu d’avance. D’autant que, c’est à se demander si les hommes politiques connaissent réellement les définitions des termes qu’ils utilisent à tout va en guise de clins d’œil adressés à des « compatriotes » exaspérés pour en récolter le mécontentement et les voix qui vont avec, lors de rendez–vous électoraux majeurs !

Si nous nous limitons au cas de figure qui nous intéresse, celui de la sociologie, l’intégration est le processus et les modalités par lesquels une personne s’attache (s’intègre) à une communauté ; l’assimilation (culturelle) est le processus par lequel passe un individu étranger (ou un groupe) pour faire partie d’un nouveau groupe social ; celle-ci s’accompagnant généralement d’une assimilation linguistique. Mais quand on examine de près ces définitions, on s’aperçoit qu’elles sont biaisées de facto aussi, car il ne s’en dégage qu’une dynamique à sens unique. En d’autres termes, c’est à l’étranger de s’intégrer et de trouver le processus qui mène à l’assimilation ! Or ces définitions sont incomplètes si on n’y rajoute pas le sens complémentaire qui leur donne des allures de véritable bijection, à savoir :

– Processus par lequel une communauté établie intègre un nouveau venu, dans le cas de l’intégration, et

– Processus par lequel un groupe social donné souhaite la bienvenue et offre du pain à un étranger sans lui constamment comptabiliser chaque bouchée et lui reprocher de l’avoir de sa bouche maraudée, dans le cas de l’assimilation.

Sans verser dans des aspects analytiques superflus, il n’est pas trop difficile de concevoir que les premières définitions ne pouvant être appliquées qu’en tant que corollaires des suivantes, le non intégré ou le non assimilé est moins à blâmer que celui qui ne veut pas l’intégrer ou l’assimiler, à l’inverse de ce que devait en penser monsieur Sarkozy.

Evidemment, on pourra toujours nous rabâcher cette histoire de droits sociaux accordés à l’immigré, au même titre que tout citoyen gaulois, comme une preuve d’effort consenti par le pays hôte, mais cela ne s’appelle pas intégrer l’autre, mais lui donner du poisson au lieu de lui apprendre à pécher ! Et apprendre au petit beur à pécher c’est lui octroyer des bourses d’études et non pas lui construire des mosquées !

En conclusion, il est peut-être temps que les exilés algériens apprennent à se vouer corps et âme à leurs pays d’accueil en faisant en sorte que leurs enfants deviennent de bons citoyens du pays qui leur a permis de s’épanouir : être un bon américain n’est pas incompatible avec le fait d’être un bon Algérien, bien au contraire ! Être un bon Français est possible aussi, bien que le roi Hassan 2, en son temps, avait conseillé à la France, en plein débat sur le droit du sol, de ne pas accorder la nationalité française aux Marocains, car disait-il, ils feraient de mauvais Français. Comme si la génétique à elle seule déterminait la possibilité d’intégration ou de non-intégration à une société différente de l’originale !? Mais bon, on a bien compris que cela fait partie d’une stratégie de propagande qui se donne comme objectif d’ériger des frontières infranchissables entres les élus des cieux et les damnés de la terre !

Mais entendons-nous bien ! s’intégrer ne signifie pas se désintégrer et renier sa culture et ses origines si tant est que notre mode de vie et de pensée soient conformes aux normes de la république ! De là, il ne restera plus qu’un petit pas pour se sentir Français sans pour autant revendiquer une lignée ancestrale gauloise !

Kacem Madani