Samedi 17 mars 2018
L’approche négativiste du FMI sur les «subventions» est une piste hasardeuse
Tout le monde sait que le Fond Monétaire International (FMI) ne fait ni de la sociologie, ni de la psychologie mais toutes ces recommandations en Algérie et là où il passe à travers le monde ont une arrière pensée politique. Son équation est rationnelle et n’intègre aucune dimension sociale. Il prescrit une recette économique mais laisse les effets induits au pays qui l’applique. Il faut dire que cette fois ci lors du passage de la mission qui a été dépêchée au titre de l’article VI du 27/02/2018 au 12/03/2018, son approche sur le retour à la vérité des prix par l’abandon pure et simple des subventions des produits de première nécessité a dévoilé son intention de laisser son impacte sociale qui ne manquera pas de mener au chao si on le suivra à la lettre. Ce qui est curieux, c’est que l’équipe s’est bien imprégnée du poids de l’économie informelle mais aussi paradoxal que cela puisse paraitre ne souffle pas mot. Bien au contraire, la mission préconise d’ouvrir le pays à l’importation tout azimute mais ne dit pas avec quel argent ? Sinon étant donné les circonstances économiques se rabattre sur les devises du marché parallèle qui va certainement le doper au détriment du circuit économique classique. Son constat a été fait dans un contexte social explosif notamment du secteur de l’éducation et de celui de la santé pour ne citer que ceux là. Pour cette partie de la recette qui semble agréer l’exécutif qui en parle souvent sans une démarche pratique n’a pas tenu comptes des facteurs particuliers du système salarial en Algérie, pourquoi et comment ?
1-Les salaires en Algérie sont bas, la subvention n’est qu’un complément.
Les salariés du secteur public sont mieux rémunérés que ceux du secteur privé. Le salaire moyen est de 55 700 DA dans le public contre 32 600 DA dans le privé. Les secteurs des hydrocarbures et des banques sont ceux qui paient le mieux alors que ceux du bâtiment et des services se classent au bas du tableau, révèle une enquête de l’Office national des statistiques. Dans un même et seul secteur, des disparités élevées sont enregistrées. Les cadres dirigeants sont nettement mieux payés que le personnel d’exécution. Comment expliquer la différence de 23 100 DA au niveau du salaire moyen entre le public et le privé ? Les enquêteurs l’expliquent par «l’existence de certaines entreprises publiques importantes en termes d’effectifs avec un système de rémunération avantageux. C’est l’une des causes de disparité importante des salaires». C’est notamment le cas des entreprises activant dans les hydrocarbures qui étalent au demeurant les avantages qu’elle accordent pour attiser inconsciemment les conflits sociaux dans les autres secteurs. C’est ainsi que les salaires nets moyens globaux attribués dans les industries extractives et l’activité financière sont de l’ordre de 103 200 DA et 56 200 DA, alors qu’il est relativement bas dans les secteurs de la construction et de l’hôtellerie avec, respectivement, 35 700 DA et 34 600 DA. Au niveau du privé, les secteurs de la santé et des finances sont ceux qui rémunèrent le mieux avec des salaires moyens de 74 300 DA et 44 000 DA.
L’enquête menée par l’ONS conclut que, globalement, toutes sections confondues, le salaire moyen mensuel net marque une faible progression par rapport aux années précédentes. Il n’a évolué que de 1,5% pour les cadres et les agents de maîtrise, et de 1,8% pour le personnel d’exécution. Au niveau national, le salaire de base représente en moyenne 58% et les primes et indemnités 42% de la rémunération brute totale. Autre conclusion : les écarts de salaires selon la qualification et les secteurs d’activités sont dans certains cas assez élevés alors que la qualification du salarié, le secteur juridique, la taille de l’entreprise ainsi que les spécificités de rémunération sectorielles des entreprises de certains secteurs sont les éléments les plus discriminants du niveau des salaires.
En 2014, les experts de la SNAPAP ont estimé un salaire minimum « vital » pour une famille moyenne de cinq personnes à 54414,11 DA ce qui revient aujourd’hui sur la base d’un taux d’inflation moyen dans le scénario le plus pessimiste de 5% à 64148,76 DA. Il faut préciser que 80% vont pour satisfaire les besoins physiologique sans compter le loyer et la santé. L’IUGTA, pourtant proche du pouvoir a estimé quant à elle trois année avant qu’une simple augmentation de 13% des produits de première nécessité, exige du citoyen lambda une dépense supplémentaire de 4000 DA. Si l’on compare maintenant les salaires effectifs sus –indiqués, les lecteurs imagineront la pagaille populaire qui s’en suivra.
2-la classe dite moyenne à rejoint celle pauvre
L’ancienne subdivision de la population faite par le même organe de statistique (ONS) en Algérie a évalué 20% les Algériens pauvres et 20% ceux riches et très riches. Les experts et la pratique le montre que prés de 95% des 60% de ce qui est appelé la classe moyenne est tirée vers le bas tandis que 5% remontent la pente. On a donc en définitif et en moyenne prés de 75% de pauvres et 25% de riches. Si on appliquerait toute aide à ceux qui perçoivent même en supposant 2 fois le SNMG, on écarterait une frange importante qui dépasserait les 50% de la population des aides complémentaires des salaires. On imagine dans ce cas le chao qui s’en suivra 3-La politique du ciblage est une utopie
La libéralisation des salaires a été faite en Algérie de telle sorte qu’il est difficile aujourd’hui de lier la rémunération à une performance quelconque. Il s’agit d’un désengagement pur et simple de l’Etat qui s’est traduit et avéré au fil du temps au profit des salaires hauts qui n’est lui-même que complémentaire à une frange importantes des riches qui se sont engraissés par l’artifice de la gabegie. De nombreuses mesures comme le fond spécial de retraite, une réglementation propre aux cadres dirigeants, l’officialisation du blanchissement de l’argent sale de l’informel, et bien d’autres ont capté une part importante du revenu national au profit des plus riches et conséquemment au détriment des plus pauvres. Alors ! Cibler comme tente de le faire comprendre l’exécutif c’est simplement toucher les petites pensions de moins de 27000 DA qui ne représente qu’environ 20% des 75% de celle dite dans le besoin. Selon un rapport sur «le marché de la richesse en Afrique», réalisé par l’Afrasia Bank, en collaboration avec l’organisme britannique New World Wealth, près de la moitié des riches algériens, au nombre de 1900, sont établis à Alger qui est la 12e capitale en Afrique en terme du nombre de millionnaires. Côté masse financière, en dehors des fonds étatiques, qui ne sont pas comptabilisés, ces 4500 millionnaires algériens disposent de 119 milliards de dollars. Seuls trois pays dépassent l’Algérie, à savoir le Nigeria (270 milliards), l’Egypte (313) et l’Afrique du Sud (610). Il est quand même plus qu’étonnant qu’un pays qui s’est ouvert au marché il y a à peine deux décennies soit classé de la sorte et bien avant le Maroc et la Tunisie extraverties depuis plus 60 ans. Même si aujourd’hui, il est certes difficile d’en situer avec précision l’origine de cette fortune alors ! Autant la mettre à contribution pour aider l’autre frange qui en a besoin.