23 novembre 2024
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L’après-12 décembre : déception, opportunisme et résilience !

TRIBUNE

L’après-12 décembre : déception, opportunisme et résilience !

Depuis l’annonce du résultat de la fraude électorale ce 13 décembre 2019, un vent de déception souffle sur un certain nombre de hirakistes. Et pas forcément sur les plus fragiles ou sur les moins expérimentés à en croire les réactions sur Facebook. Même quelques militants restés aux avant-postes des démonstrations de rue depuis dix mois, affichent une mine défaite et sont tentés de jeter l’éponge.

D’autres succombent à l’idée d’un dialogue pour arracher quelques concessions.  Quelques-uns parmi ceux-là, chefs de partis ou idéologues de circonstances, vont plus loin et n’excluent pas un ralliement. On comprend que ces derniers puissent être taxés d’opportunistes par les résistants parce qu’ils semblent restés aux aguets à attendre de quel côté allait pencher la balance. L’ »élection » ayant eu lieu, un président étant désigné, ils commencent à s’agiter pour se rendre visibles et offrir leurs services sans mesurer les conséquences sur une société en ébullition.

Les Algériens résilients

En revanche, la majorité des Algériens restent résilients et vivent autrement la situation. Dix mois de manifestations donnent du courage, cultivent l’honneur, permettent des rêves et rendent l’espoir de changement à portée de main. La sociocratie, modèle politique de nos villages, a pu renaître partout de ses cendres comme en Kabylie en 2001. Le principe fondateur du modèle étant une gouvernance participative dotée d’une luxuriance des rapports humains.

Le contrat social relève de la relation systémique de confiance et d’un large consensus. C’est ainsi que nous avons vu comment les Algériens ont fraternisé grandement et se sont interdits de désigner des chefs de peur que s’ouvre une lutte des égos et de compromettre, du coup, les chaînes solidaires transgénérationnelles, trans-classes sociales, trans-régionales et transculturelles.

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Beaucoup d’observateurs ont parlé de miracle, de résurrection, de renaissance. Un changement attendu depuis des décennies est devenu possible, atteignable. Chacun y met, bien sûr, ce qu’il veut dans ce désir de changement mais tous y voient une transformation qualitative de leur quotidien ou un avenir prometteur pour leurs enfants. Tous y lisent la fin d’une existence indigène, la reconquête de l’honneur perdu.

En Programmation Neurolinguistique (PNL), on résume cela en parlant de passage d’une situation présente (dont on ne veut plus) à une situation désirée. Pour passer de l’une à l’autre, il faut braver tant d’obstacles et se ragaillardir aux sources ancestrales. C’est un reimprinting à l’échelle macrosociale. Pas étonnant alors d’entendre les jeunes d’Alger clamer avec force « Qasba Bab-El-Wad Imaziɣen », pas surprenant non plus de voir plusieurs régions congratuler la Kabylie et comment celle-ci s’enthousiasme à leur renvoyer l’ascenseur. C’est inédit !

Le désir de violence des militaires

La production des valeurs sociétales, morales, politiques issues du combat collectif a déteint sur le plus grand nombre. La solidarité, le pacifisme, le respect de l’autre a forgé une estime de soi individuelle et collective. Les femmes, traditionnellement vues comme intruses dans des espaces publics, ont souvent été en tête des cortèges et leur parole très écoutée.

Un avenir meilleur est rendu tangible grâce à la lutte intense menée quasi quotidiennement depuis le 16 février et amplifiée à partir du 22. Chacun y a apporté sa pierre. Cela forge un idéal du Moi individuel et surtout collectif. L’idéal du Moi est de l’ordre de l’identité. Il s’agit, pour simplifier, d’un ensemble de valeurs positives auxquelles aspire un sujet ou un groupe. Cette situation nouvelle nourrit les résilients et les poussent à la poursuite du combat pacifique. 

Or en même temps, la déception peut surgir dans le cœur de certains dès lors qu’un événement vient contrarier la perspective qui devait être couronnée de succès. Sorti du chapeau de Gaïd Salah, Tebboune, figure emblématique du système corrompu, a fait irruption dans le nouveau paysage politique et a empêché en quelque sorte le Hirak de déboucher sur la situation désirée. La rupture tant attendue avec le système vire à l’incertitude. C’est une mésaventure brutale, violente, agressive pour beaucoup de Hirakistes. Le slogan clé qui a fait l’unanimité au sein de l’Amussu (Hirak) « yetnehaw ggaɛ » (faire table rase) a placé la barre très haut et l’intrusion du président-potiche est un choc à forte charge émotionnelle.

Les lendemains qui déchantent traumatisent souvent. C’est le même mécanisme affectif que provoque un deuil. Il faut reconnaître que l’armée n’a pas fait dans la dentelle. En opposant une fin de non-recevoir au désir de changement du Hirak, elle a affiché son mépris total envers le peuple algérien. Elle n’en finit pas de le priver brutalement de sa souveraineté, de le remettre à la case départ, à la condition d’indigène.

Le désir de violence des militaires n’est pas une vue de l’esprit. C’est une réalité psychologique observable tout autour de nous. Mohamed Boukharouba (alias Houari Boumediène) l’a traduite dans les faits et l’a planté dans le paysage politique algérien depuis 1962. Depuis, c’est une fixation difficile à désancrer. Mais le peuple algérien s’y emploie avec courage. Il a gagné plusieurs étapes. Ses méthodes marchent, gardons-nous de les changer. 

Garder les méthodes qui gagnent

Par ailleurs, le débat sur la représentation du Hirak, s’il est légitime, peut comporter des risques. Si d’aventure le commandement militaire venait à accepter une négociation avec celui-ci, ce qui relèverait d’un miracle, alors les prisonniers d’opinion pourront être de bons interlocuteurs. Ils bénéficient d’un grand capital confiance et une dizaine d’entre eux ont été arrêtés parce que considérés comme moteur du mouvement. Inutile donc de chercher ailleurs. Leur intronisation à cette charge obligera le pouvoir à les relâcher. La feuille de route est claire, elle se résume en une transformation radicale de système dont la pièce maîtresse à changer est le passage de l’État militaire à un État civil et démocratique.

Comme disent les âarchs, le combat continue !

 

Auteur
Hacène Hirèche (consultant Paris) 

 




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