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jeudi 18 septembre 2025
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L’aumône géopolitique de l’Algérie : entre solidarité diplomatique et contradiction sociale

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L’Algérie aurait récemment fait un don de 200 millions de dollars au Liban pour la reconstruction du sud du pays, en écho à la visite du président libanais en Algérie. Ce geste viendrait s’ajouter à une série d’autres dons faits à certains pays africains, dans un silence quasi-total des médias officiels.

Il est probable que cette discrétion vise à éviter une vague d’indignation dans une opinion publique de plus en plus inquiète de la situation socioéconomique intérieure.

À supposer que ces informations soient exactes (et tout porte à croire qu’elles le sont au vu des précédents historiques) une question majeure s’impose : pourquoi un pays aux infrastructures vieillissantes, au chômage massif, à l’exode de sa jeunesse, et à la pauvreté grandissante choisit-il de distribuer généreusement des fonds à l’extérieur, quand l’intérieur s’effrite ?

Une diplomatie de la générosité

Depuis la guerre d’indépendance, l’Algérie s’est forgé une image de pays solidaire avec les luttes des peuples du Sud. Elle a soutenu les mouvements de libération africains, apporté son aide à la Palestine, et entretenu des relations diplomatiques fortes avec les pays arabes et africains.

Cet héritage idéologique, nourri par le tiers-mondisme et le panafricanisme, n’a pas disparu. Il s’est seulement reconfiguré. Les dons à l’Afrique et au Liban s’inscrivent donc dans une logique de soft power algérien, visant à préserver un statut moral et une influence diplomatique dans une région où l’Algérie revendique un leadership historique.

Mais la morale géopolitique ne suffit plus. Les temps ont changé. La légitimité révolutionnaire ne parle plus au ventre vide, ni au jeune chômeur diplômé.

Les opinions publiques aujourd’hui demandent des comptes, et posent cette question crue : à quoi bon jouer le grand frère généreux quand la famille immédiate est affamée ?

Une redistribution à l’envers

Ce paradoxe algérien reflète une inversion de la redistribution. Au lieu de construire des écoles, réhabiliter des hôpitaux, offrir des logements décents ou garantir une économie productive à sa jeunesse, l’État préfère donner au-delà de ses frontières.

La logique sous-jacente serait celle de la rente de position morale : montrer à la communauté internationale que l’Algérie est une puissance régionale, stable, prévisible et fidèle à ses principes. Mais cette image a un coût intérieur. Elle se paie en silence, en frustration et en paupérisation. On ne peut s’empêcher ici de convoquer Frantz Fanon, qui écrivait dans Les Damnés de la Terre : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir. »

L’État algérien, en reproduisant les postures généreuses de la génération révolutionnaire, risque de trahir la mission de la génération actuelle : nourrir, instruire, loger et faire rêver les siens. Une souveraineté déconnectée de son peuple

Ces gestes diplomatiques ne sont pas illégitimes en soi. Toute nation ayant des ambitions régionales se doit d’étendre sa présence à travers des canaux d’influence, y compris financiers. Mais lorsque ces gestes ne sont ni débattus, ni annoncés clairement, ni expliqués, ni même budgétisés de façon transparente, ils deviennent des symboles de rupture entre gouvernants et gouvernés.

Il ne s’agit pas ici de nier la dimension stratégique d’une aide ciblée : soutenir le Liban face aux tensions israéliennes, ou aider les pays du Sahel face à l’instabilité sécuritaire, peut servir des intérêts géopolitiques à long terme.

Mais l’absence de débat public autour de ces choix, l’opacité qui les entoure, et le contraste avec l’état déplorable de nombreuses régions algériennes (du sud marginalisé aux quartiers abandonnés des grandes villes) pose une question redoutable : le peuple est-il encore prioritaire dans la matrice décisionnelle de l’État ?

Le peuple, cet invisible partenaire La classe dirigeante algérienne semble perpétuer un modèle où le peuple n’est plus un acteur du destin national, mais un spectateur résigné. Or, c’est une erreur stratégique majeure dans un monde où la légitimité se construit autant de l’intérieur que de l’extérieur.

L’Algérie ne peut espérer rayonner sur l’échiquier international si elle continue à laisser son propre peuple dans l’ombre. La pauvreté, le chômage, la fuite des cerveaux, la corruption endémique, et la gestion clientéliste du pouvoir minent bien plus la souveraineté que toute attaque extérieure. Comme le soulignait l’écrivain Mohamed Dib : « Le pain partagé vaut mieux que la gloire solitaire. »

Conclusion : l’aumône ou la justice ?

L’aumône n’est pas la justice. Elle peut parfois la suppléer, jamais la remplacer. Une nation n’a pas besoin d’aumônes symboliques pour se tenir debout. Elle a besoin d’un État fort, juste, transparent, qui rend des comptes à ses citoyens. L’Algérie gagnerait à recentrer son action diplomatique sur l’exemplarité intérieure. Il ne s’agit pas de fermer la porte à la solidarité internationale, mais de faire en sorte que cette solidarité ne soit pas une injure à l’urgence nationale.

L’État qui donne doit d’abord se demander s’il a écouté. Car un peuple qui n’est pas entendu ne peut que hurler. Et ce hurlement, un jour, portera plus loin que toutes les aumônes du monde.

Hassina Rabiane

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5 Commentaires

  1. Malgré la terreur qui règne dans le pays, des milliers de videos sur les réseaux sociaux protestent contre ce don… annoncé au lendemain de l’incendie de l’hopital de Tamanrasset. C’est un don sans conditions (pas un prêt) d’autant plus inutile qu’il ne vise qu’à permettre à l’abject Teboune de s’acheter une bonne image et de compenser le saccage de la diplomatie algerienne (elle nous coûte déjà trés cher son image). C’est un don d’autant plus inutile que nous savons tous que la classe politique libanaise et que l’Etat libanais est l’un des Etats les plus corrompus au monde. Donc ces 200 millions n’iront ni à Tamanrasset ni à la reconstruction du liban mais directement dans les comptes bancaires des dirigeants libanais… Un don sans conditions (même pas un droit de regard sur l’usage de ce don)… Le pire, c’est que -même si les images n’ont pas été diffusées dans les médias officiels, elles circulent sur le net : le Président libanais, devant Teboune et avec 200 millions de dollars en poche, s’est permis de saluer le Maroc… Une belle giffle à Teboune le nul et un beau crachat à la figure de la diplomatie algérienne que le même Teboune a saccagé. Le message est clair aussi bien de l’opinion publique que du Président libanais : on en a marre des ambitions égocentriques de Teboune ! Les algériens en ont marre de ce Président qui pour cacher son incompétence sur les affaires internes se rêvent en puissance mondiale. Les algériens veulent un Président qui ne s’occupe que de notre pays et de notre peuple. On n’a pas besoin d’être une puissance régionale, arabe ou continentale. Un pays qui se déclare ouvert au monde, un pays amis avec tous les pays du mon de n’a pas besoin d’armée pour le protéger.

  2. Je pense que ces 200 millions c’est la goutte d’eau qui manquait dans les robinets… Une immense colère submerge le pays actuellement. 200 millions de dollars donnés aux dirigeants libanais, les plus corrompus du monde pendant que dans d’innombrables régions se multiplient les marches de la soif…Je crains le pire. Les algériens ont bien compris que Teboune est un menteur sans vergogne et que les usines de dessalement sont factices. Aucune n’est réellement fonctionnelle. Il suffit d’aller à Oran pour s’en rendre compte. Les marches de la soif…
    Je crains le pire dans les jours à venir : Explosions sociales trés violente qui seront suivies par une repression féroce. Les généraux algériens porteront une lourde responsabilité : ils nous ont imposé l’abject tyran Kelboune et malgré qu’il a accumulé les échecs et les desastres, ils continuent de le soutnir.
    # Dawla madania Machi Askaria !

  3. « L’Algérie aurait récemment fait un don de 200 millions de dollars au Liban pour la reconstruction du sud du pays … » En général, quand un pays fait un don pour la reconstruction d’une partie d’un territoire d’un autre pays suite à une guerre, séisme, inondations, autres catastrophes naturelles, etc., il le fait en finançant (a hauteur du don octroyé) ses propres entreprises chargées de ladite reconstruction et en utilisant, autant que faire se peut, ses propres matériaux (fer, ciment, briques, etc). L’Algérie de Tebboune semble innover en la matière en remettant un chèque à utiliser à la discrétion totale du bénéficiaire (ici le gouvernement libanais). Une fois dans les coffres de l’État libanais, ce dernier peut à sa guise l’utiliser pour financer des contrats passés avec des entreprises marocaines, émiraties, françaises, voire … israéliennes. 1-2-3, viva …!!!

  4. Quand même… La conférence internationale sur le Liban en octobre dernier à Paris qui réunissait 70 pays et organisations internationales avait mobilisé 800 millions de dollars. 70 pays = 800 millions de dollars ! A elle toute seule, l’Algérie ajoute 25 pour cent des donations de 70 pays (parmi lesquels les puissances européennes et les monarchies du Golfe…). C’est une comparaison qui revient fréquemment sur les réseaux sociaux : tout le pense que Teboune ne se comporte pas en Président mais comme gros corrompu ivre mort dans un cabaret arrosant avec de l’argent qui ne lui appartient pas les femmes qui lui plaisent le plus. Faire un don de 200 millions de dollars au lendemain de l’incendie de l’hopital de Tamanrasset, au lendemain de la mort de ce pauvre homme après une nuit passé à la porte de l’hôpital de Beni Messous… Une immense colère est en train de monter du plus profond du pays… Je crains vraiment le pire. Depuis 62, j’en ai vu des émeutes et des protestations mais jamais le Président de la République n’était l’objet d’une telle haine. Les gens haïssent Teboune et Chengriha. Ils ont désormais définitivement compris que Teboune et Chengriha sont des menteurs, sont deux tyrans qui nourrissent une détestation pathologique à l’égard de l’Algérie et des algériens. Je crains le pire parce que je sais que les algériens vont exploser avant la fin de l’été mais je sais aussi que la nouvelle Issaba de Teboune et Chengriha ne reculera devant aucun massacre pour garder le pouvoir. Que Dieu ait pitié de nous et de notre pays

  5. Tebboune distribue en veux-tu, en voilà les deniers du peuple algérien à qui en veux alors que les Algériens en ont grandement besoin. Finalement tous ces pays qu’elle nourris et il y en a, se retournent contre elle. Même la Tunisie pays relativement stable en a bénéficié. Il serait temps que cette générosité mal placée s’arrête car elle ne rapporte rien à notre pays qui en a grandement besoin pour son développement.

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