10 février 2025
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AccueilChroniqueLe bidoune en zinc et les bruits de la ville !

Le bidoune en zinc et les bruits de la ville !

Voici porté au lecteur une autre chronique sur le thème de « ce fut agaçant et insupportable sur le moment mais transformé en tendresse avec le temps ».

Je ne parlerai pas des odeurs, pourtant elles sont une profonde marque identitaire d’une ville. La mer, l’herbe séchée, les Halles ou les merguez d’Ain El-Turk. Cela pourrait choquer et depuis la phrase de Jacques Chirac sur le « bruit et les odeurs », il faut éviter de faire naître une ambiguïté.

Nous en resterons aux bruits dont les sonorités restent à jamais gravées dans les esprits. Le lecteur me dira qu’ils sont universels et qu’il ne comprend pas ma chronique. Certainement pour les plus communs en milieu urbain. Mais d’autres s’enracinent dans une localité ou un pays. C’est ceux-là que nous allons évoquer, juste pour un petit nombre, à la dimension du format de la chronique.

La main s’élève très haut pour impressionner les autres, attend que l’effet se produise et tombe brusquement en faisant tomber, à la vitesse de la lumière, la carte qui s’écrase bruyamment sur la table. Aucune ligne du règlement ne l’impose mais c’est pour l’effet sur la tension qui se lit dans les yeux des adversaires. En fait la posture menaçante est delà un signe de victoire même si la carte ne vaut même pas le prix d’un pois chiche.

Mais il y mieux dans l’effet sonore et artistique, le dé qui tambourine sur la table avant même qu’il s’élève et plonge pour fracasser cette même table. Ce n’est la plupart du temps qu’un misérable chiffre isolé.

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Nous laisserons le tric trac que les jeunes ne connaissent plus où le fracas de la palette fait vibrer les murs. Puis vous sortez du café très calme et serein pour être accueilli par le sifflement du frein du Saviem qui veut faire entendre son au-revoir à la machine fumante qui prend son départ vers Saϊda.

Mais la symphonie de notre jeunesse, l’orchestre de la ville, c’est ce bruit d’un métal inventé par ceux qui veulent faire sursauter les braves gens ou perturber les malheureux qui veulent se reposer de leur longue journée travail.

Ce métal inoubliable dont le bruit est inclassable dans les notes musicales, c’est le « bidoune » en zinc. Ce métal est franchisée jusqu’au comptoir de bar des cafés, ce lieu si silencieux dont nous avons déjà fait mention.

Que tata Hlima fasse la lessive, qu’elle arrose sa plante ou ouvre et pose le bidon de lait, c’était le zinc qui faisait sa symphonie pour tout le quartier. Le zinc, ce métal qu’on entendait presque plus par la suite, détrôné par son vulgaire et bon marché concurrent qui ne chantait plus et qui se déchirait à la moindre exposition prolongée sous le soleil. Celui qui avait inventé ce « bidoune » en plastique pour un pays chaud semblait en avoir été foudroyé, un après-midi d’été, sans chapeau.  

Mais les virtuoses du zinc, les chefs d’orchestre du noble art, l’opéra de la ville, battaient le pavé comme la fanfare municipale aux grandes heures des cérémonies officielles. C’était les employés municipaux de l’enlèvement du grand « bidoune » de poubelle.

Il fallait entendre le fracas musical lorsqu’ils reposaient le zinc en le jetant à sa place initiale une fois le chargement dans le camion terminé. Un camion qui, lui aussi, avait fréquenté le conservatoire musical de la ville.

On m’a dit que tout cela est lointain puisque même les bus sont devenus des tramways qui sont ignorants en musique. On m’a même rapporté qu’Oran s’était équipée de la plus grande invention pour la décadence des bruits de la ville, le double vitrage.

Une insulte pour la mémoire du chant de ma belle ville.

Boumediene Sid Lakhdar

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