Jeudi 24 mai 2018
Le blogueur Merzoug Touati condamné à 10 ans de prison
Le verdict est tombé tel le ciel sur la tête du jeune blogueur Merzoug Touati. Son tort ? avoir publié sur internet un entretien avec un diplomate israélien, a été condamné jeudi à dix ans de prison ferme pour « intelligence avec une puissance étrangère », a annoncé à l’AFP un de ses avocats, Me Boubakeur Esseddik Hamaïli.
Le tribunal criminel de Béjaïa (260 km à l’est d’Alger) a déclaré Merzoug Touati, 30 ans, coupable d’avoir entretenu « avec les agents d’une puissance étrangère des intelligences de nature à nuire à la situation militaire ou diplomatique de l’Algérie ou à ses intérêts économiques essentiels », crime passible de 20 ans de prison.
La Cour a en revanche écarté le chef d’avoir « incité les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat », crime passible de la peine de mort, et deux autres crime et délit d’atteinte à la sûreté de l’Etat dont était accusé le blogueur pour avoir posté un appel à manifester sur Facebook, selon Me Hamaïli, joint par téléphone à Béjaïa.
Dans ce procès, le Parquet avait requis la prison à perpétuité contre le blogueur. Me Hamaïli, qui avait plaidé l’acquittement, a indiqué qu’il allait s’entretenir dimanche avec son client pour savoir si celui-ci décidait de faire appel.
« Merzoug Touati est un blogueur qui n’a fait qu’exercer ses droits garantis par la Constitution. Il est libre de parler avec qui il veut et de dire ce qu’il veut », a expliqué l’avocat à l’AFP.
M. Touati, qui n’a obtenu que des emplois précaires depuis qu’il est diplômé de l’université, « n’a jamais occupé de poste à responsabilité lui donnant accès à des informations qu’il aurait pu communiquer » à une puissance étrangère, a-t-il souligné.
Merzoug Touati est détenu depuis qu’il a été arrêté à Béjaia en janvier 2017, après avoir appelé sur son compte Facebook à protester contre la nouvelle loi de Finances et diffusé sur son blog un entretien vidéo avec un porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères. Le Parquet de Béjaia n’a pu être joint jeudi par l’AFP.
Vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), Said Salhi, qui assistait à l’audience a dénoncé « un procès à sens unique, à charge uniquement ».
« Il n’y a pas eu de témoins à décharge, les témoins cités par la défense, on ne les a pas vus », a-t-il expliqué par téléphone à l’AFP, « c’est un dossier disproportionné, avec des accusations très graves par rapport au contenu ».
M. Salhi s’est dit très « déçu » par le verdict: « Dix ans, c’est une peine très lourde », au regard des faits.
Merzoug Touati était « vraiment abattu » au moment du verdict. « Il est très affaibli », a-t-il souligné, rappelant que le blogueur avait mené sept grèves de la faim depuis son incarcération. Amnesty international a dénoncé il y a deux jours, dans un communiqué, l’arrestation et l’emprisonnement de Merzoug Touati et a appelé à sa libération.
Reporters sans frontières (RSF) a classé l’Algérie à la 136e place sur 180 en 2018 en matière de liberté de la presse, estimant notamment que « les journalistes algériens pâtissent (…) de l’application abusive du Code pénal, en contradiction avec les dispositions constitutionnelles adoptées depuis 2016 qui garantissent la liberté de la presse ». Le Département d’Etat américain a, lui aussi, rendu un rapport accablant sur la situation de la liberté d’expression en Algérie.