Dimanche 21 juin 2020
Le champ des possibles
Les miens, désabusés, ont compris par expérience que les choses liées au pouvoir sont compliquées et qu’il est difficile de s’en sortir du bourbier, sans sacrifices collectifs.
Le sacrifice, c’est de croire d’abord dur comme fer à l’idéal démocratique, de s’armer de courage et de patience face à la contre-révolution et les manipulateurs de toutes sortes, puis d’être jusqu’au-boutiste dans la lutte. Car, rien ne vaut que la lutte. Tracer une stratégie pour lutter sur le court et moyen terme afin de s’épargner l’essoufflement du mouvement, participe aussi de façon déterminante de la santé de la révolution.
Le Hirak, venu à l’improviste, mais résultant d’une surdose de colères accumulées durant des décennies, a conforté les masses dans la certitude d’aller au but par étape. Il est vrai que, traités comme quantité négligeable par des élites nombrilistes, les Algériens sont parvenus, en se révoltant, à déboulonner le mythe de l’éternel chef, ancré dans la mentalité de certains esprits fossilisés dans la haute sphère, mais cela ne les a pas empêchés toutefois d’accuser des faiblesses d’ordre organisationnel, à cause de manque de leadership, de vision lointaine et de charte de revendications consensuelle bien détaillée.
Avec l’apparition du Corona et le recul pris par la révolution pour cause de confinement, l’urgence de lutter contre le virus mortel ne devrait, en aucun cas, occulter la nécessité de parer aux autres urgences, économiques, sociales, politiques.
Si les gouvernants doivent impérieusement avoir à l’esprit la priorité d’éviter au pays une récession qui va enfoncer le pays dans l’abîme, les Algériens sont appelés, quant à eux, à repenser et à mûrir leur agenda de reconquête démocratique. Ils peuvent faire de cette crise la meilleure opportunité qui soit pour rompre définitivement avec la vieille doctrine «nihiliste» ayant conduit le pays dans des impasses historiques. Les potentialités d’une transformation intégrale existent. Il leur manque l’accomplissement en bonne et due forme.
C’est maintenant ou jamais que cela doit se réaliser. Pour cela, il faut que la volonté politique manifestée à partir d’en haut, forte ou velléitaire soit-telle, trouve son prolongement réel dans la rue.
L’élan de solidarité citoyenne ayant pris racine dans l’esprit de la révolution du 22 Février est une chance à saisir. En ce sens, il a ouvert le champ des possibles, en donnant un nouveau visage à une société en profonde mutation.