Mercredi 13 mai 2020
Le Coronavirus questionne sur qui nous sommes et ce que nous pouvons devenir
La pandémie impacte les entreprises de nombreuses façons : Arrêt ou réduction de l’activité qui nécessite de repenser la stratégie de l’entreprise, voir qui met en péril sa pérennité.
Télétravail qui impose aux collaborateurs d’adapter leurs pratiques quotidiennes et de fonctionner en mode dégradé. Managers qui doivent également repenser l’organisation de l’entreprise ainsi que les modes d’animation.
Au-delà de ses effets, et de façon fondamentale, la crise actuelle questionne également notre identité professionnelle – c’est-à-dire la façon dont nous nous pensons en tant qu’individu par rapport au monde qui nous entoure – et ce d’au moins trois façons distinctes :
Questionner l’utilité sociale de notre activité professionnelle
Tout d’abord, la crise actuelle permet à chacun de réfléchir à l’utilité sociale de son métier. Ainsi, certaines professions échappent largement aux mesures de confinement ou garantissent à distance une continuité d’activité car elles sont considérées comme essentielles : personnel médical évidemment, mais également boulangers, employés de supermarchés, pompiers, ou encore bouchers, routiers, enseignants, éboueurs, etc. Ces’ premiers de corvées’ que l’on jugeait trop souvent comme les ‘derniers de cordées’ se révèlent actuellement – comme une évidence – indispensables… voir d’une importance vitale. Pour preuve, beaucoup d’entre nous ont spontanément ressenti le besoin d’applaudir le personnel hospitalier afin de les remercier de sauver nos vies au quotidien, par leurs compétences mais également par leur courage; parfois les mêmes qui restaient, jusqu’à encore récemment, largement insensibles aux cris de ce même personnel hospitalier dénonçant pourtant la paupérisation du système de santé public ainsi que des femmes et des hommes qui y travaillent.
Questionner notre sentiment d’appartenance au collectif de travail
De plus, les circonstances que nous traversons actuellement agissent également comme un révélateur des relations que nous entretenons avec l’entreprise qui nous emploie. Les plus précaires – notamment ceux qui sont licenciés en priorité ou qui n’ont d’autres choix que de continuer à exercer leur activité au péril de leur santé même s’ils souhaiteraient exercer leur droit de retrait – se rendent pleinement compte de leurs conditions.
On peut par exemple penser aux nombreux caissiers de supermarchés ou aux livreurs des plateformes de livraison à domicile qui préféreraient rester chez eux mais qui ne le peuvent pas. Ils n’ont tout simplement pas le choix… et ils le savent. D’autres ‘profitent’ de la distanciation physique imposée par le confinement pour se désengager au maximum de leur travail, c’est-à-dire pour exprimer leur distanciation affective vis-à-vis de leur travail. A l’inverse, la situation actuelle permet également de révéler l’engagement sans faille de certains: des employeurs qui font leur maximum pour sauvegarder les emplois de leurs salariés malgré les graves difficultés financières; des employés qui se donnent à fond pour sauver leur entreprise; ou encore des formes de solidarités inédites qui se créent entre collègues afin d’atténuer les difficultés des uns ou des autres.
Ces comportements expriment un sentiment d’appartenance fort, une identification au collectif de travail que certains peuvent ressentir au plus profond d’eux-mêmes.
Questionner la place de notre travail dans notre vie
Enfin, le télétravail questionne également les équilibres et les frontières que s’étaient naturellement établies entre notre vie professionnelle et notre vie professionnelle. Pour certains, cela peut révéler leur incapacité à fixer des limites à leur travail et à aménager des espaces pour leur vie privée. Pour d’autres, cette situation peut mettre en évidence leur difficulté à s’engager professionnellement lorsqu’ils ne sont pas physiquement sur leur lieu de travail, qu’ils bénéficient d’une certaine flexibilité dans leur agenda professionnel, ou qu’ils sont sollicités en permanence à la maison.
L’unité de lieu, de temps et d’action qui nous est imposée par le confinement nous oblige à effectuer des arbitrages en permanence, de façon consciente et sous contraintes fortes, entre notre travail et notre vie personnelle.
Si la crise actuelle révèle qui nous sommes professionnellement – en exacerbant les sentiments que nous ressentons et les comportements que nous adoptons vis-à-vis de notre travail – elle constitue également une opportunité unique d’interroger notre identité professionnelle : Quelle est l’utilité sociale de notre travail ?
Quel est notre place au sein du collectif de travail dans lequel nous évoluons ? Quelle est l’importance de notre travail dans notre vie ? Autant de questions qui définissent ce que nous sommes aujourd’hui mais qui constituent autant d’opportunités de construire celui ou celle que nous souhaitons devenir demain. Si la crise est tragique, elle peut également permettre de nous réinventer, différemment.