24 novembre 2024
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Le coup de force de Saïd Bouteflika

DECRYPTAGE

Le coup de force de Saïd Bouteflika

Des arrestations en cascade de journalistes, d’éditeurs électroniques, d’animateurs d’émissions télévisées, d’un ancien joueur de football et d’un comédien, le tout au lendemain de la journée nationale, le 22 octobre, de la presse, instaurée il y a 5 ans par le Président Bouteflika. 

Qu’ont-ils tous en commun ? Leur affaire est en lien, selon les déclarations des avocats, avec Anis Rahmani, qui se targue par le biais de sa chaîne de télévision Ennahar et de son journal du même nom d’être l’instigateur de ces arrestations, en passant en boucle à longueur de journée des images montrant leur interpellation, leur présentation devant le procureur et même leur transfert à la prison d’El Harrach. Du jamais vu !

Des mandats de dépôt ont été décidés à la hâte à l’encontre de la majorité des interpellés. Un fait rare et contraire à la loi en matière de délit de presse et quasi-inexistant dans les annales quand il s’agissait d’une plainte en diffamation émanant d’une tierce personne.

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Les méthodes utilisées et les moyens déployés, dont des institutions mises en branle, la mobilisation du commandement national de la gendarmerie, des procureurs à la carte et le tout soutenu par un service de propagande, nous rappellent l’épisode sombre des poursuites engagées aux débuts des années 90 contre les journalistes pour atteinte aux corps constitués.  .

Quels que soient les faits qui leur sont reprochés, leur détention et les moyens mis en service, en matière sécuritaire, de justice et de propagande, démontrent de l’existence d’une machination politique obéissant à un agenda, qui est celui de l’élection présidentielle. En en l’espèce Anis Rahmani n’est qu’un instrument chargé de la sale besogne, comme ce fut le cas en 2014 en s’illustrant par sa campagne à travers sa télé visant les militants de Barakat et les opposants au 4ème mandat de Bouteflika. 

Il y a lieu de rappeler à cet effet ses méthodes en matière d’innovation professionnelle : il avait sur la base des contacts sur les réseaux sociaux des militants fait des montages pour leur inventer des supposés liens avec des organisations internationales, même avec les sionistes et le Mossad ; des images qui étaient diffusées à longueur de la journée. Aucune plainte déposée par les victimes de ces calomnies à la McCarthy n’a abouti jusqu’à aujourd’hui.

Anis Rahmani est dans son rôle de « missionnaire », comme l’a montré la mise en scène filmée, enregistrée puis diffusée dans sa télé, de son « altercation » avec un officier de la caserne Antar, l’un des subalternes du général major Athmane Tartag, dit Bachir, coordonnateur de DSS (Département de Surveillance et de Sécurité, héritier de DRS qui était rattaché à la présidence). Tout était programmé. C’était la séquence préparant sa « croisade » contre des journalistes et des sites ayant publié ou divulgué certaines informations le concernant, sur son passé ou sur son statut de « chien de garde ».  Il sied, en vérité, à ce rôle depuis que le DRS l’avait collé en 1995 aux basques de Mahfoud Nahnah, ancien président du parti islamiste Hamas, comme journaliste dans son organe central.

L’habillage du 5ème mandat  

Contrairement à 2014, le groupe Ennahar est parti en guerre à l’avance et ce n’est pas une erreur de timing, mais pour baliser le terrain aux annonces officielles ultérieures qui risquent de mettre le patron réel du groupe et le « parrain » aux devants de la scène. Puisque le frère du Président, Said Bouteflika, est Président de la République de fait depuis des années et ce, sans aucune légalité constitutionnelle. Il ne reste cependant qu’à introduire un amendement constitutionnel lié au poste du vice-président qui sera adopté par les deux chambres. 

L’affaire dite de cocaïne a accéléré le processus et dans la foulée, il y a eu la liquidation de tous les récalcitrants dans les institutions à la personne de Said Bouteflika comme vice-président. La destitution de Said Bouhadja, le président de l’Assemblée nationale (APN), et la crise qui a secoué cette dite institution fait partie de l’habillage général. 

Bien que personne parmi les généraux-majors emprisonnés ou remerciés ne conteste un 5ème mandat pour Abdelaziz Bouteflika, certains ont payé pour leur proximité avec tel ou tel qui avait une ambition pour occuper le poste convoité par Saïd Bouteflika. Et d’autres auraient refusé, pour des raisons liées à l’histoire du pays et son image à l’extérieur, de cautionner la tentation d’une présidence héréditaire et transmise dans la famille. Mais il aurait fallu compter sur un adversaire de taille en la personne de Gaïd Salah, chef d’état-major et vice-ministre de la défense, qui jure fidélité à la famille. 

Reconnaissant envers le Président Bouteflika pour l’avoir « repêché » alors que feu Mohamed Lamari, ancien chef d’état-major l’avait mis à la retraite et surtout, conscient de ce qu’il est arrivé en 2004 à ce dernier quand il a soutenu une autre option que celle du Président, Gaïd Salah a organisé la plus grande purge, parmi ses camarades les plus puissants, de l’histoire de l’armée algérienne pour satisfaire les caprices de son Président omnipotent.

Ne pouvant s’accommoder d’une présidentielle anticipée en plein 5e magistrature, le régime a commencé à réfléchir sérieusement à un aménagement constitutionnel pour introduire le poste du vice-président. Il n’y a pas mieux indiqué pour occuper ce poste que le frère du Président, qui est la voix et le maître à El Mouradia depuis la maladie du Président.

Il est manifeste que le 5ème mandat est acquis depuis longtemps et il y a autour un consensus général au sein du système. Abdelaziz Bouteflika mourra sur le trône. Pour ceux qui en doutent encore, il faudra se poser la question : depuis quand le système a reculé sur son choix après avoir actionné toute une armada de partis croupions, FLN, RND etc…, et les organisations clientélistes comme l’UGTA, patronat, les zaouïas et toute l’oligarchie ?   

Il y a une donnée fondamentale : les régimes autoritaires organisent des messes électorales pour les gagner.

La présidentielle renvoyée aux calendes grecques

Il fallait au régime seulement rassurer les capitales occidentales et ce qui est primordiale pour lui. Il semble que tout est rentré dans l’ordre. Les réticences françaises ont été tempérées en leur faisant savoir de changer de partenaire en matière d’importation de céréales. Pour rappel : l’Algérie est le premier importateur des céréales et du blé français, alors qu’il est de qualité moindre et plus cher.     

Quant à l’Allemagne, Angela Merkel est repartie d’Alger il y a quelques semaines avec un accord d’expulsion de 4 000 Algériens clandestins. Politiquement fragile depuis la dernière élection, la chancelière allemande avait besoin d’un tel accord de coopération pour tenter de rassurer au sein de sa majorité et gagner en popularité au sein des milieux hostiles à sa politique sur les migrants. Elle aurait également signé un contrat de vente d’armement à l’Algérie.

Les Américains, quant à eux, continueront à pomper notre sous-sol et ils ont eu ainsi comme gage de garantie pour leurs affaires lors de cet 4ème mandat de Bouteflika, la réhabilitation et la désignation de Abdelmoumen Ould Kaddour à la tête de Sonatrach après avoir passé trois ans dans une prison militaire pour espionnage à leur profit.

Sur le plan interne, le procédé est simple : mater toute voix discordante en mobilisant toutes les institutions. La répression va se poursuivre pour étouffer toute velléité de l’opposition. Car le régime est en panne d’idées et de discours. Sa rhétorique ancienne s’articulant autour de l’ennemi étranger et de la stabilité du pays ne porte plus. Il ne produit donc que la répression pour imposer à coups de matraques, de cabales et d’emprisonnement, le scénario en préparation.

Auteur
Youcef Rezzoug

 




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