Le titre n’est pas de moi mais d’une abondante littérature et compte rendus de presse. C’est parce qu’il n’y aucun autre d’aussi expressif pour les grands dictateurs lorsqu’ils sont sur le point d’être déchus. Ce sera inévitablement le cas de Poutine, c’est écrit dans l’histoire.
Ils finissent toujours très mal, trahis, exilés, exécutés ou dans une déchéance à la hauteur de leur despotisme, de la terreur et barbarie dont ils ont été les artisans sans état d’âme.
Les grands dictateurs finissent toujours par s’enfermer très rapidement dans une phase de paranoïa qui décuple leur sentiment de puissance et d’aveuglement autant qu’une peur viscérale d’être exécutés, ce qui redouble leur tyrannie violente. La leçon de l’histoire est qu’ils finissent tous dans les mêmes circonstances qui les condamnent.
Ces circonstances sont diverses, nous en évoquerons quelques-unes qui me semblent les plus identifiantes de ces personnages de terreur.
La fin tragique des bourreaux
L’histoire est impitoyable à leur égard et leur présente un jour ou l’autre une addition lourde. Très peu en échappent ou sont sauvés par une mort naturelle comme ce fut le cas de Staline, du colonel Boumédiene et de son héritier le plus proche .
Mais parfois cette mort se prolonge dans une agonie qui ne les exempte pas de percevoir une déchéance certaine. Ce fut le cas de Franco dont la chute était si imminente qu’elle n’a pas tardé à surgir au lit de sa mort.
Il y a ceux qui fuient, dans un courage qui équivaut à leur croyance d’un pouvoir infini et éternel. Mais la fuite ne les sauve ni d’une peur d’être exécutés à l’étranger ni d’être extradés.
Le témoignage glaçant de Lakhdar Bouregaâ sur la torture et les prisons sous Boumediene
Ce fut le cas du burlesque et sanguinaire Ougandais, Idi Amin Dada, réfugié en Libye chez un autre démocrate, Kadhafi, puis dans un autre endroit de l’humanisme, l’Arabie saoudite où il mourut en 2003. Il fut pourchassé jusqu’au dernier moment et on imagine la peur de ce grands lâche, car ils le sont tous lorsqu’ils sont démunis d’un pouvoir policier terrifiant qui les protège.
Ce fut le cas également du Tunisien Ben Ali qui, il faut le reconnaître, jouait en deuxième division dans ce championnat des grands dictateurs de ce monde.
Mais il y a aussi des déchéances dans des conditions inhumaines comme pour le sanglant Cambodgien Pol Pot, leader des Khmers rouges qui ont été poursuivis pour génocide par la justice internationale. Pol Pot, ravagé par la malaria, fut emprisonné à vie et son corps brûlé en 1998 dans des ordures avec des pneus qui dégageaient une fumée visible à des kilomètres et une puanteur insoutenable.
Et que dire de cette scène retransmise dans le monde entier de la pendaison de Saddam Hussein après qu’il ait été retrouvé dans un trou, se cachant comme une bête traquées au vissage terrifié par la peur.
Il fut fut condamné par des juges qui furent à ses ordres, quelques mois auparavant. Ces auxiliaires des dictatures voulaient faire oublier leur passé de compromission, eux qui avaient tant prononcé la condamnation à mort des opposants au maître de Bagdad. Quant à ceux qui lui ont placé la corde au cou, ils les avaient tant de fois exécutés ces pauvres malheureux en bout de chaîne.
Une autre fin qui a fait l’objet d’une condamnation expéditive suivie d’une exécution immédiate, celle de Ceausescu et de son épouse, les tyrans de Roumanie. Nous les avions vus dans une retransmission télévisée être traînés de la salle du jugement et entendu le son de la rafale qui les avait exécutés derrière le tribunal.
Puis il y a ceux qui finissent par être extradés et par revenir, humiliés et la tête basse pour être présentés devant la justice de leur pays. Et parmi eux, ceux qui s’en sortent assez bien comme Pinochet. Il y a même des réincarnations comme ce fut le cas pour l’épouse du dictateur Marcos, devenue Présidente des Philippines.
La liste est trop longue pour que nous poursuivions.
Le retournement du peuple
« Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libre », écrivait voici plusieurs siècles Étienne de La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire.
Nul ne sait véritablement comment et quand intervient le moment où l’individu se rend compte qu’il n’est pas le seul à penser la même chose avec l’envie de le dire.
À ce moment, lorsque la vague monte, quelle que soit la répression sanglante du pouvoir, le régime autoritaire est submergé et la digue s’effondre. Le dictateur est alors face au devenir que nous avions rappelé au paragraphe précédent.
Et tout bascule, la même foule qui hier encore applaudissait le dictateur, par crainte, opportunisme ou réelle fascination, se retourne contre lui avec une violence égale à la pression libérée de tant d’années d’oppression. Elle hurle sa vengeance à travers les opprimés de tous genres aussi bien que les combattants de la vingt-cinquième heure.
Comme une étincelle, tout s’embrase en quelques semaines, en quelques jours, jusqu’au moment final. Hélas, comme nous l’avions déjà précisé, ce moment met très souvent des années à surgir. Mais, un jour ou l’autre, la cocote se libère de sa haute pression et explose.
Parmi les ingrédients qui poussent les peuples à réagir, c’est l’échec du dictateur à réussir ce pourquoi il a légitimé sa puissance. Le dictateur doit réussir à protéger « son peuple » contre les dangers extérieurs. Poutine échoue dans sa croisade contre l’occident et l’envahissement d’un pays voisin.
Il doit le protéger en enrayant la faim et la désolation économique. On ne peut pas dire, en dehors des deux grandes métropoles de la Russie, que le succès est au rendez-vous. Au contraire, les sanctions et l’effort considérable de guerre ont empiré la situation
Poutine a envoyé des dizaines de milliers de soldats vers la mort sans pouvoir revendiquer la victoire. Il est même sur le point de perdre la Crimée, un symbole national fort et historique.
Poutine n’a pas enrayé la corruption, la lutte contre ce fléau fut pourtant l’une des grandes adhésions du peuple à son pouvoir. Non seulement il ne l’a pas fait mais il a multiplié celle-ci dans une dimension gigantesque, y compris au profit de lui-même.
Puis, une autre célèbre citation est en embuscade, celle de Victor Hugo « Souvent la foule trahit le peuple ». Depuis des siècles que les renversements se font par la colère des foules, les lendemains se retournent souvent violemment contre un peuple qui se retrouve enfermé par une autre dictature, parfois plus féroce.
Car celle-ci trouve légitimité de la puissance publique par la légitimité du combat révolutionnaire et de l’histoire réécrite au meilleur profit des nouveaux despotes. Pas la peine de préciser au lecteur un exemple qu’il connaît bien et vit tous les jours.
C’est la raison pour laquelle il faut éviter de confondre le peuple avec les foules. Une révolution se prépare avec un projet politique, des incarnations et des referendum organisés après la tempête ainsi qu’une constitution largement acceptée.
Mais hélas, cela n’est de même absolument pas garanti par le renversement des dictatures, de très nombreux exemples le prouvent. Mais c’est le risque de toutes les révolutions, il faut sérieusement les préparer, faire adhérer le peuple et prendre les précautions les plus rigoureuses.
Rien n’est gagné pour autant, surtout dans un pays où des décennies de terreur, de propagande et de corruption ont régné. Mais le risque en vaut la peine. Que faire d’autre sinon laisser perdurer l’oppression.
« Toi aussi, mon fils ! »
Tous les collégiens connaissent cette phrase historique prononcée par César lorsque son fils Brutus l’assassina d’un coup de poignard. En effet, l’autre grande menace des dictateurs vient de ses proches les plus fidèles. Ceux qui ont été promus, enrichis et protégés par le despote.
L’histoire nous apprend que leur fidélité est proportionnelle à leur trahison pour leur propre intérêt. Trois raisons me semblent les plus identifiées. La première est qu’ils sentent venir l’échec et la faiblesse du chef suprême. Ils trahissent le maître car ils savent qu’ils perdront tout y compris jusqu’au risque de perdre la vie. Poutine en ressent tellement le danger pour lui-même qu’il s’est emmuré dans une isolation paranoïaque.
La seconde est l’ambition du pouvoir, la plus habituelle dans l’histoire de l’humanité. Elle est si bien incarnée par une célèbre phrase retenue d’un album pour la jeunesse. Iznogoud, l’avide et ambitieux ministre du Calife, disait à longueur d’épisodes « je veux être Calife à la place du Calife ».
Enfin, cette envie de renverser le tyran qu’il ont servi pour leur propre intérêt est parfois le résultat d’une humiliation qu’il ont subi de sa part, obligés aux courbettes malgré les affronts répétés. Poutine en a humilié des dizaines, jusqu’à ses proches, c’est dire si cette hypothèse du danger est plausible.
Et je ne peux, bien entendu, finir mon article sans citer une parole de la Bible qui est la plus représentative de la fin tragique des despotes « Qui vit par l’épée périra par l’épée ».
Impossible de l’éviter.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant retraité