Lorsque nous avions terminé avec le prof le cycle du cours sur la politique monétaire, nos cerveaux étaient liquéfiés. Il fallait quelques semaines de relecture et de révision pour remettre les neurones à leur place et prier le ciel que le Grand oral ne porte pas sur ce thème.
Pourtant, à l’exception des rares étudiants qui ont poursuivi sur la voie du secteur bancaire et financier, tous les autres n’allaient jamais oublier ce qui est l’essentiel du socle pour appréhender l’enjeu économique et financier de la décision de Donald Trump qui mène vers l’inconnu. L’économie doit toujours être prise dans ses principes simples sinon le jugement est embarqué vers des techniques qui brouillent le décryptage d’une actualité.
Essayons donc de prendre le chemin de la simplicité. Nous savons tous que le dollar américain est l’étendard de la puissance mondiale américaine. Avec la politique de Donald Trump les populations dans le monde découvrent avec stupéfaction que le dollar est l’enclume au-dessus de la tête de ce pays en même temps que sur celle de tous les autres puisqu’il est d’usage universel. Pour le comprendre, revenons comme promis à la base fondamentale de l’économie monétaire.
Présente depuis l’antiquité, la monnaie est un moyen de remplacer le troc. On s’imagine bien que les éleveurs de vaches qui les vendent au prix de leur travail et d’un bénéfice ne peuvent pas payer à leur tour avec des vaches le vendeur de fruit, celui des affaires scolaires du petit et ainsi de suite.
À l’inverse les acheteurs de cet éleveur ne peuvent pas non plus le payer en scooters, en jouets ou en zlabia. Alors il faut un moyen pour assurer les échanges sans être obligé de porter des vaches ou des téléviseurs dans le porte-monnaie. L’invention de la monnaie en fut la solution. Je te vends mes vaches, à toi l’acheteur, et tu me donnes des billets et des pièces pour que j’aille acheter des produits chez d’autres. Nous l’avons dit, cela évitera que les acteurs économiques se baladent avec des brebis, des téléviseurs ou des fers à repasser.
Puis au cours de cette histoire, la reconnaissance de dette a pris la forme de traites et d’autres titres à payer au porteur. C’est l’apparition des banques. Les billets et les pièces ne concernent de nos jours que des transactions de très faible valeur, cependant nous les garderons comme fil conducteur de notre exposé pédagogique.
Pour échanger des biens et services contre des billets (ou des écritures comptables), il faut encore avoir la certitude qu’ils garantissent le pouvoir d’acheter d’autres biens et services. Il faut donc un garant pour le certifier. C’est l’État, par le biais de sa banque centrale, qui imprime les bouts de papier et les ronds en métal qui le sera. En quelque sorte les États-Unis, lorsqu’il s’agit du dollar, comme les autres pays, émettent de la dette. Le dollar est imprimé avec le portrait de Gorge Washington ou d’autres figures de l’histoire américaine ainsi que l’inscription Banque des États-Unis afin de bien symboliser la garantie de pouvoir venir sur le sol américain (ou par transcription comptable) avec la certitude de se fournir en biens et services.
La grande leçon de ce premier pas porte un nom, LA confiance. C’est elle qui permet d’acheter cette dette sans un risque de ne pas se faire rembourser par des biens ou des services. L’économie repose sur le socle de la confiance car à peu près rien n’est acheté au comptant comme le fut le troc. La monnaie représente une dette et une créance à venir. Il faut donc miser sur la confiance pour toute transaction. L’extension aux relations commerciales internationales est identique. Lorsque vous exportez des vaches vers un autre pays, vous recevez des petits bouts de papier (ou PAR des écritures comptables) qui sont en principe garantis par l’État qui a émis ces billets ou écritures.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, lorsque le monde avait été dévasté, l’économie la plus florissante était l’Amérique qui pouvait garantir la valeur de l’outil d’échange qu’est la monnaie en lui proposant le marché le plus vaste dont la production pouvait satisfaire toutes les demandes mondiales.
Dans les relations commerciales internationales, chaque pays paye la transaction avec un autre avec le dollar puisque tout le monde a cette confiance de la garantie américaine. Le dollar est ainsi une monnaie d’échange et donc également une monnaie de réserve de la banque centrale de chacun des pays. Chaque acteur économique le transmettant à un autre par des trasaction successives, le dernier détenteur de la boucle pourra toujours, s’il le souhaite, demander le remboursement à la banque centrale américaine. Ce remboursement, nous l’avons dit, est le fait de pouvoir acquérir des biens et services sur le marché américain si le besoin s’en fait sentir.
Ce sont les accords de Bretton Woods en 1944 qui créent le FMI (Fonds monétaire international) et la fondation d’un système monétaire international qui permet le respect de la stabilité du système de parité entre les monnaies. Et comme dans tout accord, c’est le plus fort qui est au centre du jeu et qui dicte les règles. Devinez lequel ?
C’est le dollar qui allait donc être la référence mondiale en donnant notamment la garantie d’un échange avec l’or afin de sécuriser les valeurs. Vous connaissez l’histoire des bijoux de famille en or qui se transmettent de génération en génération afin de pouvoir affronter un gros risque qui pourrait survenir un jour ou l’autre. L’or est considéré comme l’impératrice des garanties (il ne l’est pas toujours).
Un premier coup de semonce avait terrifié le monde lorsque le président Nixon avait décidé la fin de la conversion du dollar en or. La confiance, le maître mot de l’économie, risquait de disparaître. Mais malgré le choc, la prospérité des États-Unis continuait de maintenir l’ordre monétaire international
De ce quasi monopole de la puissance de garantie, les États-Unis profitent de plusieurs retombées dont l’une est considérable. Le pays peut éternellement financer sa dette gigantesque, ce sont les autres pays qui la finance en lui prêtant, acceptant ainsi la reconnaissance de dette que constitue le dollar. De ce fait, les États-Unis peuvent faire tourner la planche à billet d’une façon immodérée.
N’importe quel pays dans le monde exploserait économiquement s’il devait supporter une telle dette. Le proverbe nous dit que celui qui paye ses dettes s’enrichit. Le pays de l’oncle Sam le renverse par un autre qui affirme que plus l’Amérique est endettée vis à vis du monde, plus elle s’enrichit.
Le plus gros boomerang que risque de se prendre sur la figure Donald Trump serait la décision de la Chine de se débarrasser des bons du Trésor américain. Avec la même mécanique monétaire du dollar ces bons sont des titres émis pour financer la dette américaine. Si la Chine venait à vouloir s’en débarrasser (ainsi que beaucoup d’autres pays) ce serait la catastrophe. L’arme atomique de la faillibilité de la dette américaine est brandie.
Les relèvements des barrières douanières de la Chine en rétorsion à ceux de Donald Trump ne sont que gesticulations qui cachent le risque de déflagration par cette colossale dette. Le signal rouge clignote en ce moment par la hausse des taux d’intérêt de ces bons. En parfaite cohérence avec les règles du marché lorsqu’il y a un risque de non remboursement de la dette, le taux d’intérêt représente le prix du risque pour les prêteurs. La Chine se garde bien pour le moment de jouer avec une arme aussi bien dangereuse pour elle-même.
Voilà où nous mène cet enfant gâté qui veut casser son jouet par un coup de colère. Le souci est que ce jouet est le monde.
Aucune autre image n’a si bien symbolisé cette démence du pouvoir que celle de Charlie Chaplin dans Le Dictateur. J’invite tous les lecteurs à revoir la scène du globe terrestre, si connue.
Boumediene Sid Lakhdar