Les symboles culturels et identitaires amazighs sont riches, variés et millénaires. Ils reflètent l’histoire, les croyances et l’identité de ce grand peuple autochtone d’Afrique du Nord – Iles Canaries. Parmi les plus emblématiques :
Le Tifinagh (ⴰ, ⵎ, ⵣ, ⵖ…) : Cet alphabet est un pilier de la préservation de la langue amazighe (Tamazight ). Il fut
transmis oralement, notamment par les femmes, avant d’être normalisé par l’association Afus Deg Wfus de Roubaix en 1993 puis par l’IRCAM a Rabat au Maroc en 2001, et de connaître une reconnaissance officielle Progressive dans plusieurs pays d’Afrique du Nord – Îles Canaries.
Le Aza (ⵣ), en rouge, cette lettre issue de la racine MZGH d’Amazigh, symbolise l’homme libre debout, Amazigh signifiant, homme libre, incarnant la résistance, l’attachement à l’identité historique amazighe et le sang versé pour la liberté.
Les tatouages traditionnels, portés principalement par les femmes, renvoient à des significations profondes : protection, fertilité, et appartenance communautaire.
Les motifs géométriques sur les tapis, poteries et bijoux transmettent des récits et croyances ancestrales.
Les grains, symboles de fertilité et de vie, sont souvent représentés dans l’artisanat. Les couleurs des bijoux amazighs sont bien plus que décoratives :
le vert symbolise les terres du printemps, le bleu, le ciel limpide de l’été, le jaune, le soleil ou les champs mûrs de blé ou d’orge avant la moisson. Ces trois couleurs, que l’on retrouve dans les bijoux des At Yanni comme chez d’autres groupes amazighs d’Algérie, du Maroc, de la Tunisie , de la Libye, de l’Égypte, à travers l’Afrique et les Îles Canaries expriment aussi la grâce et la beauté de la femme amazighe. Ces mêmes couleurs bleu, vert et jaune figuraient déjà sur l’étendard porté par le grand-père de mon ami Amar Naroun, Mohand Ouramdane At Navet, grand résistant, lors du soulèvement de 1854 mené par Fadhma N’Soumer et Boubaghla. Ce drapeau fut proposé en 1970 par son petit-fils, Amar Naroun, cofondateur de l’Académie Berbère, à laquelle il donna ce nom. Il en élargit la symbolique :
Le bleu pour la mer, le vert pour les terres, le jaune pour le désert, vaste espace de liberté des Amazighs du Sud.
Cette représentation embrasse l’espace géographique amazighien, de l’Égypte au Maroc, et du Nord de l’Algérie jusqu’aux confins sahéliens. Cette proposition fut validée avec Abdelkader Rahmani et Saïd Hanouz, également cofondateurs et présidents de l’Académie. Amar Naroun me confia un jour avoir partagé cette décision avec Mahdjoubi Aherdan, homme d’État marocain, rencontré à plusieurs reprises à Paris, dans la pharmacie de Saïd Hanouz. Enthousiasmé, ce dernier fit publier, dans son hebdomadaire Tidmi (octobre 1995), mon premier plaidoyer pour l’usage du Tifinagh. J’y appelais déjà à la construction des États Unis de Tamazgha et à ce que les documents officiels (cartes d’identité, passeports, monnaie) soient imprimés en amazigh et en Tifinagh. Tidmi publia aussi les premières pages en Tifinagh, avec la première police de caractères sous Windows que j’ai normalisée en 1989. En 1971, lors d’une réunion dans le bureau de Saïd Hanouz, président de l’Académie Berbère, Amar Naroun, fils d’Ali Naroun instituteur poète amazighisant, nous révéla que les couleurs du drapeau apparaissaient déjà dans le tableau de Henri Félix Emmanuel Philippoteaux 1866. Portraits présumés du Chérif Boubaghla et de Lalla Fadhma n’Soumer conduisant l’armée révolutionnaire en 1854. Ce tableau montre Lalla Fadhma à cheval, fusil en main, entourée de cavaliers porte-drapeaux, arborant des étendards aux trois couleurs : bleu, vert et jaune. Il est aujourd’hui exposé au salon de la présidence de la République algérienne (Palais d’El Mouradia).
L’Académie Berbère actualisa ce drapeau en y ajoutant la lettre Tifinagh Aza (ⵣ), issue de la racine MZGH du mot Amazigh, commune à plusieurs mots en amazigh et liée à la liberté et à la noblesse. C’est Abdelkader Rahmani, Saïd Hanouz, Amar Naroun et moi qui décidèrent d’y intégrer le ⴰⵣⴰ debout en rouge, pour symboliser l’identité historique amazighe et le sang versé par les résistants durant plusieurs millénaires pour rester un peuple libre. À cette époque, nous avons préféré ne pas rendre cette symbolique publique, pour éviter que les ennemis de l’amazighité ne nous accusent de vouloir diviser, comme savent le faire les régimes dictatoriaux inféodés à l’idéologie arabo-islamo-baathiste.
C’est lors du Congrès Mondial Amazigh à Tafira, Grande Canarie, en août 1997, que cet étendard fut proposé par moi-même et d’autres militants, et adopté officiellement le 30 août 1997 comme drapeau d’Amazighie (Tamazgha). Ce drapeau appartient à tous les Amazighs et Amazighiens (nes) qu’ils soient Amazighophones, Darijophones ou Canariens. Il ne s’agit pas d’un drapeau national en concurrence avec ceux des États nord-africains, mais d’un emblème culturel et identitaire fédérateur.
En tant que fondateur de l’Académie Berbère du Nord, basée de 1971 à 1975 au 17 rue du Pays à Roubaix, j’y ai ajouté sept étoiles au-dessus de ⴰⵣⴰ, en hommage à Maître Antonio Cubillo, fondateur du MPAIAC (Mouvement pour l’Autodétermination et l’Indépendance de l’Archipel Canarien), que j’ai connu au CRAPE (Centre de Recherche Anthropologique Préhistorique et Ethnologique) dirigé par Mouloud Mammeri à Alger.
Le territoire amazigh s’étend de l’oasis de Siwa en Égypte jusqu’aux îles Canaries, du nord de l’Algérie au sud du Niger. Demain, j’espère que les générations futures verront flotter ce drapeau avec les sept étoiles des Canaries au-dessus de ⴰⵣⴰ aux côtés des drapeaux nationaux, dans le cadre d’une grande Fédération des États-Unis d’Amazighie, que j’appelle de mes vœux.
Le terme « Amazigh », réhabilité par les membres de l’Académie Berbère, vient de notre propre langue et désigne les peuples autochtones de l’Afrique du Nord. Lors d’un voyage au Niger en 1998, dans l’Aïr, en compagnie de la résistance touarègue et du commandant Isyad Kato, nous avons hissé et salué ce drapeau.
Au sein de notre noble institution, l’Académie Berbère, et grâce à l’engagement de sa Direction du Nord à Roubaix, j’ai consacré mon énergie avec fierté et détermination à la défense et à la valorisation de notre identité, de notre langue et de notre culture amazighes.
Aujourd’hui, dans un monde en constante évolution, notre mission ne se limite plus à préserver : elle consiste à faire rayonner notre héritage, à l’inscrire dans la modernité et à l’offrir comme une richesse partagée.
C’est avec conviction que je poursuis ce chemin, afin que la voix amazighe continue de s’affirmer, de dialoguer et d’inspirer les générations présentes et futures.
Md Ouramdane Khacer
Président d’ Afus Deg Wfus
Ancien dirigeant fondateur de l’Académie Berbère Agraw Imazighen, direction du Nord à Roubaix (1971-1980).

