Donald Trump est un objet d’inspiration quotidien. Avec ses déboires judiciaires et ses frasques il est à lui tout seul une étude du code pénal, du droit de la responsabilité civile, du droit constitutionnel ainsi que du traité de bonne civilité en dix tomes.
Ce qui m’intéresse aujourd’hui est la question posée concernant l’éventuelle auto-amnistie dont il pourrait bénéficier une fois élu. C’est une question qui paraît saugrenue, elle s’est pourtant posée au débat des constitutionnalistes américains lors de son premier mandat.
Elle peut réapparaître si la décision de la Cour suprême ne bloque pas la poursuite de la candidature et que Trump soit élu. Nous reviendrons sur le cas de Trump après avoir étudié d’une manière générale les deux possibilités juridiques d’accorder le « pardon » suite à une condamnation pénale. Pour beaucoup de juristes, c’est le droit de grâce qui pose un réel souci par sa légitimité contestable, je partage cette opinion.
Ce dernier est ce qu’on appelle un droit régalien c’est à dire une survivance du droit absolu du roi (régis, rex). C’est très contestable dans une république car le droit de grâce est un droit sans recours possible, d’autorité absolue et discrétionnaire d’un homme qui ressuscite le monarque de droit divin. Ce qui est également choquant est qu’il bafoue l’autorité du pouvoir judiciaire que la séparation des pouvoirs investit comme celui qui décide souverainement d’une condamnation ou d’une relaxe.
Quelle que soit la raison invoquée, elle est contraire à ce principe fondamental du droit. S’il y avait une raison justifiée comme l’erreur judiciaire, c’est aux juges d’en convenir par les mécanismes de recours. S’il s’agit d’une action d’apaisement de la société, notamment par des grâces collectives, c’est tout autant contestable car cela relève du pouvoir d’amnistie de la représentation nationale des élus.
C’est en effet le cas pour les lois d’amnistie qui ont cette légitimité. Dans ce cas l’argument d’apaisement de la société fait suite à un acte qui l’a divisée ou qui a causé un trouble important comme l’atteinte aux intérêts de l’État. L’amnistie se conçoit essentiellement pour un pardon collectif.
Les lois d’amnistie sont de l’ordre du débat politique et peuvent susciter des réactions partisanes très fortes. Mais il est incontestable que la délégation de souveraineté accordée aux élus par le peuple légitime ce droit d’absolution par la décision majoritaire. Il en est tout à fait différent pour le droit de grâce qui est décidé, certes par un homme élu mais sans possibilité de débat et d’opposition. Ce n’est absolument pas la même force en légitimité.
Pour sa conséquence juridique, l’amnistie diffère du droit de grâce dans la plupart des législations de droit similaire. Elle efface le délit ou le crime en même temps qu’elle lève les sanctions pénales. Le droit de grâce a donc pour seule conséquence d’interrompre les effets de la condamnation mais ne l’annule pas.
L’Espagne nous montre en ce moment un cas intéressant. Le gouvernement espagnol vient de proposer une loi d’amnistie pour les crimes des indépendantistes et celui de sédition pour certains dirigeants de Catalogne.
Après cette revue générale, nous revoilà de retour au cas stupéfiant de l’hypothèse d’une auto-amnistie par Donald Trump. Il faut savoir que dans la constitution américaine la grâce est confondue avec la notion d’amnistie par son article 2. Accordée au Président des États-Unis, elle a largement prouvé que son utilisation était partisane par un pardon accordé aux personnes d’un même bord politique. Les très nombreux exemples qu’il serait trop long d’exposer le prouvent. C’est bien la certitude d’un droit absolu, trop facilement détourné, qui n’a aucune raison d’être dans une démocratie.
Ce qui est encore plus choquant est que ce droit de grâce a voulu être utilisé par Donald Trump pour sa propre famille lors de son départ. Nous sommes là dans l’absolutisme d’une théocratie de droit divin. Mais lorsqu’il avait été plus loin en envisageant l’auto-amnistie pour tous ses actes en tant que Président, la stupeur s’est emparée de ses équipes comme de très nombreux juristes américains.
Ce fut un très grand débat, la constitution le permet-elle ? Les uns répondent que non, les autres que ce n’est pas exclu. La constitution ne se prononce pas, la question est inédite. Il faut le comprendre, les pères fondateurs de la constitution n’auraient jamais pensé qu’une telle question délirante puisse se poser un jour. Et bien, Trump la pose. Existe-t-il une chose qui ne soit pas inédite avec Trump ?
Les pères fondateurs estimaient que ce droit de grâce, envisagé également comme un droit d’amnistie, était nécessaire lorsqu’il fallait réconcilier la nation avec elle-même. Ce fut le cas des séditieux à la fin de la guerre de sécession Elle avait été écartée pour ceux qui avaient refusé l’engagement militaire au Vietnam.
Devant le ridicule de la situation, les juristes ont alors conclu que la seule possibilité pour que Donald Trump soit gracié pour ses actes en cas de son élection serait qu’il démissionne vers la fin de son mandat. Comme le ou la Vice Présidente prend automatiquement la responsabilité suprême, il ou elle pourrait à la fin de son mandat, amnistier Donald Trump.
L’Amérique de Trump devient folle !
Sid Lakhdar Boumediene