21 novembre 2024
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Le fantôme de la Soummam hante l’Algérie

Abane Ramdane

Notre histoire ne manque pas de dates glorieuses, de pages épiques écrites dans le sang, pour la reconquête de son indépendance nationale et l’édification d’un Etat démocratique moderne. Mais la mémoire vive de notre guerre de libération ne saurait être réduite à une simple succession de batailles, aussi glorieuses fussent-elles.

Les objectifs étaient de doter le mouvement insurrectionnel d’une direction politique en phase avec le développement de la guerre anticoloniale afin d’établir et de mettre en place les institutions quasi importantes, tels que le Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA), et le Comité de Coordination et d’Exécution (CCE).

Sur le terrain militaire, la guérilla s’étend inexorablement tandis que les unités de l’armée de libération nationale infligent à l’armée coloniale françaises ses premières défaites. L’histoire retiendra une période de flottement entre 1954 et 1956, il n’y avait aucune direction politique. A la veille de ce congrès qui se déroulera le 20 août 1956, deux hommes formidables et géniaux que la Révolution va découvrir sont Abane et Ben Mhidi. Le premier réintégrera la lutte en février 1955 après avoir purgé cinq années de détention dans les prisons françaises de 1950 à 1955. Les antagonistes venant de tous bords n’ont malheureusement retenu que les deux principes posés dans cette plate-forme : la primauté du politique sur le militaire, et la primauté de l’intérieur sur l’extérieur. En définitif, le congrès de la Soummam fut l’acte fondateur de la République algérienne post-coloniale.

Qui est Abane Ramdane ?

Abane naquit le 15 juin 1920 à Azouza en Kabylie. Après des études primaires dans sa région natale, il entra au lycée de Blida où il fit la connaissance de Benyoucef  Benkhedda et Saâd dahlab. Il se distinguera en qualité de major de  promotion et décrochera en 1943 le baccalauréat mathématiques mention ‘très bien’ au sein de cet établissement, puis accomplira son service militaire. A l’issue de sa démobilisation, il se fera recruter comme secrétaire adjoint à la mairie de Châteaudun-du-Rhumel (Chelghoum El-Aïd), non loin de Constantine. En 1946, il adhéra au PPA dont il deviendra vite un élément actif dans la région de Sétif. Lors du démantèlement de l’OS en 1950, il fut arrêté avec 28 autres prévenus au motif d’avoir ordonné  à des militants de Tazmalt d’organiser et d’instruire  des groupes de combat. Abane fut condamné le 15 février 1951 à 5 ans de prison dans le nord de la France en Alsace où il passera tout son temps à la lecture. Il sera libéré en février 1955 et placé en résidence surveillée dans son village natale sur le Djurdjura.

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L’installation de l’état de guerre

On verra en effet, comment sera mis en place du 20 au 27 août 1956, dans le maquis de Kabylie, un commandement suprême de la lutte de libération avec pour mission de mener une action unificatrice.

Dès son entrée en scène mars 1955, Abane se préoccupa au plus haut point de la constitution effective du FLN en tant que mouvement politique capable de prendre efficacement le relai des partis de l’époque prérévolutionnaire et de les supplanter. Pour lui, l’ALN s’étant constituée sur le terrain dès le 1er novembre 1954, à l’initiative du ‘comité des six’, avait poursuivi son développement progressif sous la houlette des chefs de zone.

Dès le 1er avril1955, Abane commença à s’exprimer  au nom du FLN/ALN en lançant son appel dans lequel il invitait tous les Algériens à adhérer massivement au Front.

Contrairement à Ben Bella et ses compagnons qui voulaient que le FLN reste dirigé uniquement sous la houlette des artisans du 1er Novembre.  Ils reprochèrent à Abane d’avoir intégré les centralistes, les Udmistes, les Ulèmas et les communistes. Abane voyait et croyait clairement que la guerre de libération était l’œuvre de tous les Algériens, même les Français d’Algérie.

Les préparatifs du congrès et la correspondance entre Alger et le Caire

Abane entreprit de faire avec un grand esprit d’initiative, à partir du 1er avril 1955 par un travail préparatoire dont les idées directrices nous sont restituées à travers deux tracts (avril et juin 1955) ainsi que neuf correspondances adressées à la délégation extérieure entre le 20 septembre 1955 et le 14 mai 1956. Six mois après son installation à Alger, en septembre 1955, il entra en contact épistolaire avec la délégation du Caire. En effet, dans une lettre datée du 20 septembre de la même année, il écrit : « Il serait souhaitable qu’à l’avenir s’établissent entre nous une correspondance suivie.

Dorénavant, vous adresserez votre courrier à l’adresse suivante : Fredy Mezidi, 8, rue d’Argent, Bruxelles. Cette personne nous fera parvenir votre correspondance. Par le ton de cette première lettre, Abane s’imposait en qualité de chef à l’intérieur en inscrivant sa démarche dans une logique de commandement en écrivant : « Nous ne comprenons pas votre silence. Je peux vous affirmez une chose, tout le monde, en l’occurrence,  les chefs des groupes armés  sont tous mécontents ». Ils ne cessent de nous répéter : « si ces gens-là de la délégation du Caire sont incapables d’être utiles à la cause, qu’ils rentrent au moins mourir avec nous. Depuis dix mois, vous n’avez pas été fichus d’envoyer un seul lot d’armes et de munitions ».

Le 6 janvier 1956, Abane adresse une autre lettre au Caire disant que nous sommes en train d’élaborer une plate-forme politique. La commission est composée de Med Lebjaoui, Amar Ouzegane, A. Temam et A. Chentouf qui travaillent sous notre direction.

Nous vous informons que nous sommes déjà en liaison avec les responsables du Constantinois car nous projetons de tenir quelque part en Algérie une réunion très importante des chefs militaires des Aurès, du Constantinois, de Kabylie, de l’Algérois et de l’Oranie. Par conséquent, vous devez vous préparer à rentrer afin d’assister à ce congrès. Il rappellera que le FLN était devenu un parti  intégrant non seulement tous les Algériens mais surtout tous les partis politiques.

Le FLN, n’est ni le PPA, ni le MTLD et encore moins le CRUA ». Entre temps, le 6 mai 1956, Ben M’hidi est de retour d’Egypte pour ne pas dire qu’il avait claqué la porte du Caire. Il décide de rejoindre Abane à Alger, dont le duo politique allait faire de la capitale de la colonie un puissant centre de rayonnement de l’action du FLN. Ben M’hidi, l’un des six chefs du 1er novembre, s’était tout de suite entendu avec Abane. Ils se complétaient à tel point qu’ils devinrent un duo formidable qui allait impulser un élan extraordinaire au déroulement des évènements majeurs de la guerre de libération.

Ben Bella écrira: «  Nous trouvons dangereux de venir en Algérie et de traverser la moitié du territoire pour assister à ce congrès ».Le 11 juin 1956, le CCE adresse sa réponse à Ben Bella en stipulant clairement ses impressions: « non seulement vous aviez été incapables d’envoyer des armes et des munitions et d’ailleurs à cause de vous, beaucoup de régions ont arrêté de combattre par manque d’arsenal mais en plus vous trouvez que c’est dangereux de rentrer en Algérie.

Il poursuit « au fait, pourquoi vous êtes allés vous réfugier si loin que ca,  au Caire ? » « Je pense que si vous étiez allés juste là à côté, à Tunis, vous auriez été à l’abri… » Silence radio de la part du Caire. .Le CCE ne manquera pas de les traiter de ‘Révolutionnaires de Palaces’. Par contre, le colonel Sadek,  les surnommera ‘les Mulets du Caire’.Abane portera une légère modification en souriant, « voyons mon colonel, j’écrirai plutôt ‘Les Zèbres du Caire’, c’est plus raffiné… ».

Certes, Ben M’hidi ne manquera pas d’informer Abane qu’il était rentré plusieurs fois en conflit avec Ben Bella au Caire qui croyait être le grand Zaïm de la Révolution, mais en plus, il était devenu la marionnette du président égyptien Gamal Abdennasser et de fethy Dib responsable des Moukhabaret (Services égyptiens). Cela pouvait supposer croire que tout le courrier envoyé au Caire par l’intérieur, était d’office remis aux Egyptiens qui avaient noué de très bonnes  relations avec la France depuis que celle-ci avait fait une proposition alléchante en matière d’approvisionnement en armement.

Effectivement, la France avait projeté de fournir à l’Egypte un arsenal militaire en cas de conflit avec Israël où la menace devenait imminente. Par voie de conséquence, Abane avait réalisé l’importance de ne pas divulguer trop d’informations inhérentes à la tenue du congrès, ni la date, ni le lieu ne devaient être mentionnés dans la correspondance avec la délégation extérieure. C’est justement à partir de là que les trois hommes de l’intérieur  (le colonel Zighout, Abane et Ben M’hidi) prirent la décision de faire diversion en lançant de fausses informations compte tenu de l’importance de cette réunion qui allait inéluctablement réunir les principaux responsables.

Il faut rappeler toutefois que les trois hommes n’étaient pas à ce point naïf. Ils savaient pertinemment que l’Etat major de l’Armée française jubilait à l’idée de connaître la date et le lieu où devait se tenir ce fameux congrès afin de réaliser un joli coup de filet. En fait, Abane et Ben M’hidi avaient sollicité le colonel Sadek de son vrai nom Slimane Dehilès de sa grande expérience militaire durant la Seconde Guerre mondiale, de réfléchir comment orchestrer une diversion.

A l’issue de cette correspondance, le 11 juin 1956, Abane va définitivement rompre les relations avec le Caire et 10 jours plus tard, le 22 juin, il quittera Alger en compagnie de Ben Mhidi pour se rendre au PC du colonel Sadek dans la grande forêt de Zbarbar. Effectivement, les conceptions et les visions affichées de part et d’autre sur les questions de fond tels que la primauté du politique sur le militaire, la primauté de l’intérieur sur l’extérieur sans oublier l’omission des termes arabité et islamité dans les statuts de ce dit congrès, rendaient  tout compromis difficile à réaliser.

Finalement, la crise de confiance entre Alger (Abane, Ben Mhidi) et le Caire (Ben Bella et les autres) était arrivée à son paroxysme. A cet égard, il semble que Abane et les responsables militaires de l’intérieur aient soupçonné l’Egypte de Gamel Abdenasser de vouloir placer, par le biais de Ben Bella, la Révolution algérienne sous tutelle égyptienne. Par conséquent, il n’hésitera pas un instant à s’en prendre à Gamel Abdenasser en adressant un message haut et fort via un tract : « la Révolution algérienne ne sera inféodée ni au Caire, ni à Moscou et encore moins à Washington ».

Une année après, Abane ne manquera pas de confier à Ferhat Abbas au Caire en 1957 concernant cette délégation en Egypte mais surtout les militaires de l’extérieur qui voulaient s’accaparer du pouvoir : « Ce sont tous des futurs dictateurs à l’image de tous les dirigeants du monde arabe. Ils s’imaginent avoir droit de vie ou de mort sur les populations qu’ils gouvernent.

Ils constitueront un danger quant à l’avenir de l’Algérie. Ils mèneront une politique personnelle contraire à l’unité nationale de la future nation algérienne. L’autorité qu’ils exercent ou qu’ils exerceront les rendent arrogants et méprisants envers leurs citoyens. De ce fait, par leur attitude, ils sont la négation de la liberté d’expression et de la démocratie que nous désirons instaurer dans cette future Algérie indépendante ».

Il poursuit : « L’Algérie n’est pas cet Orient arabe où pratiquement tous les régimes exercent un pouvoir dictatorial sans partage. Nous sauverons nos libertés contre vents et marées, même si nous devons y laisser notre peau. Il faut impérativement leur barrer le chemin au Pouvoir ». Telles étaient les consignes de Abane avant qu’il ne soit assassiné le 27 décembre 1957 au Maroc par le clan de l’extérieur.

Le départ de l’escorte pour la tenue du congrès

Le Colonel Sadek composa l’escorte d’une centaine d’hommes armés et quatre fusils mitrailleurs de protection. A l’aube du 13 juillet 1956, l’escorte démarra du PC de la wilaya 4 (l’Algérois) dans les monts forestiers de Zbarbar. Il prévoyait trois semaines de voyage pour gagner la région des Bibans à Tazmalt.

Des journées entières  pour faire à pied les trois cent kilomètres à vol d’oiseau qui séparaient le PC de la wilaya 4 au point de rendez-vous avec les deux caravanes kabyle et constantinoise. Le ciel d’Algérie était sillonné par des avions de reconnaissance de type Piper C-109  de l’Armée de l’air française afin de repérer les moindres mouvements suspects qui pourraient dévoiler aux renseignements français le lieu de la tenue de ce congrès.

Le 13 juillet, près de Zbarbar, la caravane d’Alger qui comprenait le colonel Sadek, Abane, Ben M’Hidi, le colonel Ouamrane et Si Chérif le commandant Ali Mellah avec une escorte d’une centaine d’hommes armés jusqu’aux dents s’était fait accrocher par une garnison française.

Pour la première fois de leur vie, les deux chefs, Abane et Ben M’hidi allaient faire leur baptême de feu en assistant à une embuscade tenue par l’armée coloniale. Ils furent impressionnés par les échanges de tirs. Il n’y avait pas eu de casse. Le colonel Sadek se souviendra avoir dit en roulant les ‘R’ avec son accent kabyle : « On les a terrassés ces soldats de la garnison française avec un feu bien nourrit, a tel point qu’ils ont détalé comme des lièvres. Le calme revenu,  il dira  à Abane et Ben M’hidi : « à l’avenir, il serait préférable de vous mettre à l’abri si un autre accrochage devait survenir éventuellement ».  Je suis responsable de votre acheminement sur le site du congrès ajoutera-t-il : « Il faut arriver entiers à la Soummam ! ».

Le 17 juillet, près de Bouïra, un nouvel accrochage. Le colonel Sadek dira : « Nous progressions normalement en file indienne, j’étais à l’arrière de celle-ci quand j’aperçus une drôle de pierre rectangulaire qui n’était qu’un transmetteur que j’avais connu pendant la Seconde guerre mondiale en tant que tirailleur algérien ayant débarqué à Monte Casino. Je demande aux soldats d’interpeler le colonel Ouamrane qui se trouvait en tête de file. Aussitôt arrivé, je lui montre la fameuse brique en lui disant c’est un poste émetteur appartenant sûrement à un poste militaire français qui ne devrait pas être très loin d’ici. Le colonel Ouamrane ne prenant pas très au sérieux cet engin qui jonchait le sol, ordonne à la file de poursuivre la marche.

Le colonel Sadek lui dira : «  Ah bon, tu ne veux pas me croire ! »,  Il donnera un coup de pied à celle-ci en avertissant ses hommes de se préparer au combat. Quelques centaines de mètres parcourus, ils entendront la voix d’un soldat français avec l’accent marseillais ‘ Halte-là ‘…Aussitôt le colonel ordonne à ses soldats : « 90 ° sur la droite. Feu à volonté et tirs à feu croisé », Encore une fois dira-t-il : «On leur a donné une tannée ». Le colonel Ouamrane recevra une balle dans le mollet.

Le lendemain matin à l’aube, le convoi reprit sa progression après avoir partagé un café bien chaud avec de la galette. Deux jours plus tard, au douar Beni-Mélikèche, dans la région de Tazmalt, la caravane algéroise fit sa jonction avec celle des Kabyles : Krim Belkacem, le colonel Amirouche et Mohammedi Saïd.

Dans la nuit du 22 juillet, les deux caravanes comptaient maintenant deux cents hommes. Lors du passage de la ligne de chemin de fer Bouïra-Bougie, les chefs F.L.N. tombèrent sur une autre embuscade de routine tendue par des rappelés. Le mulet qui transportait quelques documents inhérents au congrès de la région s’était détaché du convoi et de panique s’était rendu à une caserne coloniale à Tazmalt, apportant à domicile aux services de renseignements français l’annonce d’une conférence dès plus importantes, la date fixée au 30 juillet (la deuxième fausse information), toute la documentation nécessaire à l’établissement d’une plate-forme politico-militaire de la plus haute importance, seul le lieu de la rencontre manquait.

Mon père s’en est souvenu de son vivant bien après l’indépendance, que les documents authentiques et confidentiels qui contenaient la plate-forme étaient au nombre de 30 pages réparties à parts égales dans les deux poches intérieures de chacun des deux hommes, Abane et Ben M’hidi. Il affirmera qu’il était le seul à  le savoir, car ces deux derniers lui faisaient confiance, dès lors qu’il était devenu leur conseiller militaire, mais surtout le fidèle ami de Abane.

Le 2 août 1956, les Constantinois faisaient leur jonction avec les Algérois et les Kabyles.
C’était vraisemblablement pour eux, le plus beau jour depuis le déclenchement de la Révolution du 1er Novembre. Ils s’étaient tous enfin  rencontrés…

Les travaux commencèrent le 20 août 1956 et prirent fin le 5 septembre  la plate-forme de la Soummam était fin prête et adoptée à l’unanimité et son contenu sera publié dans le journal El-Moudjahid le 1er novembre de la même année.

Les arguments avancés par les opposants de l’extérieur aux décisions du congrès de la Soummam

1-L’argument de la laïcité 

La délégation du Caire, Ben Bella et ses pairs avaient reproché aux congressistes de ne pas avoir porté dans les textes de la plateforme les mentions arabité et islamité. La réponse de Abane fut la suivante : « La guerre que nous menons contre le colonialisme, n’est pas une guerre de religion mais plutôt une guerre de libération. Nous n’avons pas à mettre en avant le culte et encore moins l’identité raciale mais plutôt un projet de société démocratique et laïque qui drainera toutes les élites et les forces vives de la future nation. Ce sont les fondements propres d’un Etat démocratique.

2-L’argument à la primauté du politique sur le militaire et l’intérieur sur l’extérieur 

L’autre argument mis en exergue par les adversaires des résolutions de la Soummam relatif à la question de la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur posée comme principe devant régir  les rapports du futur gouvernement. La réponse apportée par l’intérieur fut la suivante : «Dans un régime démocratique et laïque comme il est constaté dans les sociétés modernes, c’est le pouvoir politique qui commande l’institution militaire et non l’inverse qui ne serait alors qu’une dictature militaire.

Le retour du boomerang

Comment ne pas saluer aujourd’hui en ce soixante sixième anniversaire du 20 août 1956 la mémoire de ce formidable intellectuel militant que fut Abane Ramdane avec cet autre génial militant Larbi Ben M’hidi présent sur tous les plans, qui avaient réussi à faire du FLN un puissant centre de rayonnement politique et militaire tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Notre guerre de libération nationale a été menée par des femmes et des hommes que l’élan libérateur portait le plus souvent à un haut niveau d’élévation morale.

Il aura fallu attendre la révolution du 22 février 2019, pour que le peuple algérien, allant à contre-courant d’élites aliénées ou clientélisées par le pouvoir depuis l’indépendance, se réapproprie le message solennel de la Soummam à travers des slogans qui ne souffrent d’aucune ambiguïté quant à la nature des contraintes qui bloquent la perspective démocratique en Algérie et les solutions que celle-ci appelle.

Les mots d’ordre les plus fréquents, les plus pérennes et surtout les plus répandus dans la rue à travers tout le territoire nationale, sont des concentrés de la plate-forme de la Soummam.

La foule ne cessera de scander haut et fort : Un Etat civil et non militaire, la République algérienne n’est pas une caserne, pour une Algérie démocratique et sociale. Tels étaient les slogans qui rythmaient les marches rassemblant les millions de citoyens qui s’étaient désormais accaparés de la rue chaque vendredi pendant plus d’une année.

Le Hirak, une révolution inédite dans le tiers-monde qui a réussi à mobiliser une année durant les citoyens dans une détermination et une solidarité sans faille et qui d’ailleurs impressionna non seulement tout le peuple algérien mais surtout la scène politique internationale. C’était un miracle dans un pays construit dans l’opacité et la violence depuis l’émergence du pole militaro-populiste qui s’était imposé au Caire en 1957 par la force et qui nous a menés à la situation politique actuelle.

L’insurrection citoyenne avait dévoilé des ressources insoupçonnées. Manifestations pacifiques, présence massive de jeunes; des femmes et des hommes revendiquant une Algérie libre et démocratique en portant le portrait de Abane et de Ben M’hidi.

Il est clair que le régime algérien a eu chaud, ce même régime qui ambitionne de noyer le récit du mouvement national dans l’arabo-islamo conservatisme issu du courant de Djemyat El-Oulémas, cette nouvelle mouvance Badissiya-novembaria fraîchement parachutée je ne sais d’où depuis la destitution du gouvernement du président Bouteflika, n’avait pas hésité d’actionner un de ses activistes baâthistes véreux à M’sila pour jeter l’opprobre sur le congrès de la Soummam dont les valeurs et les principes fondamentaux furent l’apanage et l’ossature de l’insurrection du mouvement citoyen du 22 février 2019.

Aussi paradoxalement que cela puisse paraître, l’histoire du mouvement nationaliste aura retenu que le cheikh Abdelhamid Ben Badis et ses Oulémas avaient été sceptiques quant à l’émergence d’un mouvement populaire insurrectionnel car à l’époque, ils affirmaient clairement que le peuple algérien était inculte et ignorant pour se libérer du colonialisme. L’ironie du sort est que ce même Abane qui les a sauvés en les encourageant en 1955 à adhérer au Front de libération, fait l’objet d’attaques véhémentes de la part de leurs militants qui continuent de le traîner dans la boue.

En d’autres termes, Il leur avait épargné une condamnation à l’unanimité dans la postérité pour ne pas avoir voulu se joindre à la lutte. On peut clairement conclure que soixante six ans après, la vision politique prônée par le congrès du 20 août 1956 est toujours d’actualité.

Le fantôme de la Soummam hante l’Algérie…

Ali Dehilès

1 COMMENTAIRE

  1. Le drame algérien : tant qu’il y a quelque chose de pourri au Royaume d’Algérie, et que le message de nos martyrs reste lettre morte, les spectres de Abane Ramdane et Ben M’hidi Larbi, le premier assassinés par les siens, le second par l’ennemi, ne cesseront, tels Hamlet, de hanter nos jours et nos nuits.

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