Le fils du diable est mort

Jean Marie Le Pen est  décédé ce mardi 7 janvier. Il faut toujours respecter la mémoire des morts, c’est ce que je vais faire. Je me prosterne devant la mémoire de tous les morts dont il a été l’auteur de ses propres mains en Algérie et des dizaines de millions de victimes de sa macabre idéologie fasciste, en Europe et dans le monde.

Jean Marie Le Pen a été un admirateur de Maurice Barrès et du colonel de La Rocque, sinistre leader des milices des Croix de feu, deux des références les plus notoires des racines de l’extrême droite française.

Puis, dans la lignée de cette descendance, il devint un partisan de Philippe Pétain. Lui qui a fait de sa marque le défenseur de la nation française, il a participé à sa vente à ses ennemis, les nazis.

Puis, en poursuite naturelle de son idéologie, il fut la caricature du parachutiste, se portant volontaire à toutes les tortures pendant la guerre d’Algérie. Il l’a lui-même avoué avec une fierté insolente.

Et bien évidemment, après la fin de la guerre, il rejoint les résidus de l’OAS et les nostalgiques du régime vichyste. Il avait compris qu’il fallait en finir avec la nostalgie de l’action clandestine et rejoindre l’action politique.

Jean Marie Le Pen rejoint le mouvement d’un autre leader d’extrême droite, Jean-Louis Tixier Vignancour. Comme il s’était engagé dans le mouvement poujadiste, prétendument le défenseur des droits des petits commerçants contre la mainmise fiscale de l’état. Le poujadisme est devenu en France le terme synonyme du populisme qui revient en force en ce vingt et unième siècle à travers le monde.

Et devinez ce qu’est le populisme ? L’antichambre du fascisme.

Mais ce n’est pas tout, beaucoup l’ont oublié, l’ancien parachutiste fut éditeur de livres et chansons à la gloire du nazisme. Jean-Marie Le Pen est le parfait label du fascisme, aucune déviance de ses opinions ne peut lui être reprochée.

Fort de l’expérience de ce parcours, Jean-Marie Le Pen finit par fonder le Front National, le parti d’extrême droite qui va, encore une fois, rassembler tout ce qui constitue les débris des mouvements d’extrême droite, depuis les pétainistes jusqu’aux partisans de l’OAS.

Mais il lui fallait un tremplin, paradoxalement il le trouva dans un soutien très inattendu, celui de François Mitterrand. Le Front National était un mouvement groupusculaire très marginal. Sa voix était dans le paysage politique un bruit de fond sans grande importance sinon de voir apparaître de temps en temps un homme agité, criard et vulgaire.

Ce coup de pouce, il le doit donc au machiavel de la politique, au prince des stratégies politiques qui voulait un contrepoids à la droite classique qui revenait en force après son sacre de 1981. Non seulement il avait joué avec le scrutin proportionnel pour donner une visibilité à l’extrême droite mais il avait également accédé à la requête d’un courrier de Jean-Marie Le Pen. Il se plaignait  que les médias ne lui accordaient pas la place que la démocratie exigeait.

Et comme les chaînes publiques étaient à cette époque presque entièrement entre les mains de l’état, le voilà invité dans l’émission politique la plus célèbre et la plus regardée. Il faut se rappeler que la pluralité des chaînes privées n’existait pas encore à la dimension de celle de nos jours et que les audiences de l’émission totalisaient des millions de téléspectateurs.

Jamais une émission de télévision n’avait eu et n’aura plus jamais cette puissance de porter l’extrême droite dans une situation de visibilité même si les scores électoraux restaient encore dans une certaine marginalité.

On connait la suite pour un homme qui a consacré sa vie à l’extrême droite. Jean-Marie Le Pen fut sa parfaite définition, son sang était celui de la peste noire, sa voix, celle du fascisme et sa grammaire, celle du racisme et de la haine.

Jean-Marie Le Pen est mort, j’irai au pied de sa tombe et je penserai très fort à Boris Vian.

Boumediene Sid Lakhdar