Jeudi 17 janvier 2019
Le geste de désespoir de Youcef Goucem à Dzair Tv
Triste que les artistes, les hommes du cinéma et des médias, les intellectuels et les journalistes en Algérie sont soit poussés aux portes de l’exil, soit à la précarité la plus totale, dans le déni et le mépris des autorités.
Dans une lettre publiée, avant hier, par «Le Collectif pour le renouveau du cinéma algérien», près d’une centaine de professionnels du cinéma, producteurs, réalisateurs et comédiens, dont de grosses pointures de la production cinématographiques en Algérie, ont manifesté leur solidarité avec Youcef Goucem, producteur de la chaîne de télévision Dzair TV, qui s’est immolé par le feu devant le siège de la même chaîne, laquelle appartient à l’homme d’affaires Ali Haddad.
En effet, Youcef Goucem, actuellement à l’hôpital de Douéra à Alger, s’est immolé le 7 janvier dernier pour protester contre des arriérés de salaires non-payés.
Il paraît que c’est après le niet catégorique que lui avait été opposé par la direction de la chaîne qu’il s’est aspergé d’essence avant de s’immoler dans le hall de réception du média.
Les agents de sécurité qui sont intervenus in extremis n’ont pas fait grand-chose, monsieur Goucem a été admis en urgence au service des grands brûlés de l’hôpital de Douéra. Certains de ses collègues qui ont pu se rendre sur place, sont revenus très inquiets sur son état de santé, et affirment qu’il est «sombrement méconnaissable.»
« La nouvelle, notent avec amertume les signataires, est terrifiante, glaçante, et nous laisse sans voix depuis trois jours…et pour cause. Ce qui a poussé Youcef Goucem à attenter à sa personne, dans un geste aussi radical visant à exprimer l’ampleur de sa détresse et la profondeur de son désarroi, nous le savons… mieux que quiconque ».
Il est clair que le geste du désespoir de Youcef Goucem est un cri de détresse fort qui en dit long sur la précarisation de la condition des artistes, des journalistes et des producteurs de médias en Algérie, ce qui laisse la famille du cinéma dans le désarroi. Ainsi les signataires ajoutent-ils ce qui suit sur une note alarmiste « Quels moyens pouvons-nous déployer pour lui venir en aide et tenter de réparer l’irréparable ? Vers quelle entité représentative et légitime allons-nous nous tourner pour faire valoir ses droits et les nôtres ? De quel sceau allons-nous viser la position unanime de notre corporation, pour dénoncer et interpeller en vue de porter sa voix et la nôtre à qui de droit ? »
De son côté, le réalisateur Malek Bensmaïl explique que »lacte de Youcef est un geste qui doit se transformer en un électrochoc et remettre à plat toute la politique culturelle et audiovisuelle de notre pays et de son fonctionnement. »
Ce passage à l’acte, inédit jusque-là dans les milieux artistiques, journalistiques et cinématographiques devra pousser, selon les signataires, à s’élever vers des initiatives de rassemblement, en vue de l’amélioration des moyens de travail, la reconquête des espaces de parole et de créativité, l’exercice des droits et la préservation des acquis ».