Dimanche 10 novembre 2019
Le grand loser
« Nul n’a complètement tort, personne n’a tout à fait raison! » En sport, cela s’appelle décidément « match nul ». Dire qu’élire un président de la république n’est pas nécessaire pour résoudre la crise actuelle est pour certains « peu raisonnable » et affirmer qu’élire un président de la république par le biais du même système, les mêmes têtes et, peut-être les mêmes méthodes qu’autrefois, avec en toile de fond, la question des détenus d’opinion, relève pour d’autres de la pure aberration.
Voilà l’équation algérienne à un mois d’une élection présidentielle controversée, sorte de dilemme qui ne semble n’intéresser que le pouvoir et les médias officiels. Face au branle-bas dans les chaumières, le peuple préfère battre le pavé et crier haut et fort ses colères.
Dans l’autre côté du spectre, le monde regarde avec étonnement comment un pouvoir aussi fragile qu’illégitime peut s’en sortir dans pareille situation, sans qu’il ne laisse de plumes, trop de plumes. Celui-ci, d’apparence désemparé, met la charrue avant les boeufs, tentant de faire diversion par une contre-révolution en sourdine, actée par la télévision officielle . Une impasse politique de dix mois, quel désastre !
C’est un peu trop pour la société, l’économie, la diplomatie! Le régime est pris à la gorge : soit il accepte un changement de gouvernance en profondeur, de façon à ce qu’il permette à la société d’accéder rapidement à la démocratie dans des conditions favorables et avec les meilleures garanties possibles, soit il disparaît de façon radicale, forcé par le verdict solennel de la rue.
La deuxième hypothèse, au demeurant la plus plausible, ne sera pas sans conséquences sur la stabilité générale du pays. En tout état de cause, dans les deux scénarios, le régime est le grand loser dans l’affaire. Car, rien ne ressemble dans l’Algérie, née après le 22 février, à celle des décennies de la dictature. Le peuple a bien compris qu’il a gagné la grande bataille de la mobilisation, d’abord contre le cinquième mandat, puis contre le recyclage du système dans son ensemble. En ce sens, la perspective d’un retour en arrière n’est plus envisageable.
Ainsi, toute manipulation qui vient d’en haut paraît comme un coup d’épée dans l’eau. Refaire les mêmes erreurs d’hier et passer sous silence l’arbitraire de l’administration n’est autre qu’une soumission devant le fait accompli. Une chose étant sûre : les semaines qui viennent vont être très chaudes pour la nomenklatura qui, dans sa démarche vaine de « relooker » le navire national avec du bois vieilli, va sans doute se confronter à une situation nouvelle, encore plus inextricable que celle qu’elle connaît aujourd’hui, surtout si elle ose faire fi de la volonté de la plèbe.
A vrai dire, la société est devenue une onde de choc à double incidence pour une élite nombriliste qui ne sait que reporter avec mépris l’échéance d’un aggiornamento de son modèle de gouvernance.