Le mage du Kremlin fait défiler d’une façon captivante les arcanes du pouvoir sous l’ère Poutine, juste avant le déclenchement de la guerre contre l’Ukraine. Mais pas seulement, il met à nu les dessous des interactions hypocrites et tumultueuses entre les grands de ce monde que l’auteur n’hésite pas à comparer à des querelles de cours de récréation.
Résumé :
On l’appelait le « mage du Kremlin ». L’énigmatique Vadim Baranov fut metteur en scène puis producteur d’émissions de télé-réalité avant de devenir l’éminence grise de Poutine, dit le Tsar. Après sa démission du poste de conseiller politique, les légendes sur son compte se multiplient, sans que nul puisse démêler le faux du vrai. Jusqu’à ce que, une nuit, il confie son histoire au narrateur de ce livre…
Ce récit nous plonge au cœur du pouvoir russe, où courtisans et oligarques se livrent une guerre de tous les instants. Et où Vadim, devenu le principal spin doctor du régime, transforme un pays entier en un théâtre politique, où il n’est d’autre réalité que l’accomplissement des souhaits du Tsar. Mais Vadim n’est pas un ambitieux comme les autres : entraîné dans les arcanes de plus en plus sombres du système qu’il a contribué à construire, ce poète égaré parmi les loups fera tout pour s’en sortir.
De la guerre en Tchétchénie à la crise ukrainienne, en passant par les Jeux olympiques de Sotchi, Le mage du Kremlin est le grand roman de la Russie contemporaine. Dévoilant les dessous de l’ère Poutine, il offre une sublime méditation sur le pouvoir.
Le texte est jalonné de citations très instructives pour tout néophyte en politique, tant il nous fait remonter jusqu’à l’ère Staline pour décoder l’art et la manière du pouvoir des dictateurs mais aussi quelques rouages de la vision démocrate de ce même pouvoir.
Quelques perles relevées çà et là en cours de lecture. Si certaines prêtent à sourire, d’autres donnent froid dans le dos, quand on sait que c’est le cerveau de l’Homo-Sapiens qui les a confectionnées et souvent appliquées :
« Il est nécessaire de rêver, mais le seul rêve permis est celui de Staline ; tous les autres doivent être supprimés. »
« C’est curieux comme les courtisans aspirent plus que tout à l’instrument de leur soumission. »
« La politique russe, c’est la roulette russe. La seule chose à savoir, c’est si on est prêt à parier, ou pas. » … « La beauté de ce pays c’est que même si tu ne joues pas, tu cours les mêmes risques. «
« La pitié du bourreau consiste dans la précision de son geste. »
« Mais l’intelligence ne protège de rien, même pas de la stupidité. »
« Le problème n’est pas que l’homme soit mortel, mais qu’il soit mortel à l’improviste. »
« Quand on commet l’erreur de se confier aux Occidentaux, cela finit ainsi : ceux-ci te laissent tomber à la première difficulté et tu restes tout seul face à un pays détruit. »
« Et, en dernière analyse, la seule chose qui puisse lui garantir la survie, c’est la mort de tous les autres autour de lui. »
« Mais quand j’ai donné ma démission, le Tsar avait autre chose en tête. Je crois qu’il a accueilli mon retrait avec soulagement : il n’avait plus besoin de moi. »
« Le problème des machines n’est pas qu’elles se rebelleront contre l’homme, c’est qu’elles suivront les ordres à la lettre. »
« Le dictateur n’est qu’une version ancienne de l’ordinateur. »
Autant de citations qui vous font rentrer dans un état de méditation profonde et vous interrogent sur l’avenir du monde …
Un livre qui se lit d’une traite tant par sa lucidité que par son caractère romancé de la chose politique russe et, par-delà, de celle de l’Occident !
À la lecture de cet ouvrage, on comprend mieux pourquoi les hommes aux commandes de la plupart des pays sous-développés ne sont que de simples marionnettes manipulées par les puissants de ce monde, et aussi pourquoi l’Occident s’accommode bien de ces dictatures bien plus proches de Moscou et de Pékin que de Washington ou Paris…Quel théâtre mon Dieu ! quel théâtre !
Kacem Madani
« Le Mage du Kremlin » de Giuliano da Empoli aux éditions Gallimard, France.