Omar Zniber, le représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU à Genève, a été élu président du Conseil des droits de l’homme pour l’année 2024 à la suite d’un scrutin inédit à bulletin secret.
L’ambassadeur marocain a remporté l’élection avec 30 voix sur les 47 membres du Conseil, devançant ainsi son concurrent, l’ambassadeur sud-africain, Mxolisi Nkosi. Bonjour la célébration de la répression tous azimuts.
Cette victoire survient en effet après que le groupe africain, dont c’était le tour de présenter un candidat, n’a pas réussi à trouver un consensus sur un seul nom. Le Ministère des Affaires étrangères de Rabat a exprimé sa satisfaction en soulignant l’adhésion marquée de plusieurs pays et malgré l’opposition de l’Algérie et de l’Afrique du Sud.
Avec cette élection, le Royaume du Maroc voit sa vision constructive saluée par la communauté internationale. Omar Zniber s’est engagé à travailler pour la promotion et la défense des droits humains, citant parmi les priorités le dialogue interreligieux, la tolérance, la lutte contre la haine raciale, la protection de l’environnement, les droits des migrants et les enjeux des nouvelles technologies.
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Cependant, cette élection intervient dans un contexte où des ONG tant marocaines qu’internationales soulèvent des inquiétudes sur la situation des droits humains au Maroc. Ces organisations dénoncent une répression ciblant journalistes et militants des droits humains, souvent à travers des accusations judiciaires, parfois à caractère sexuel, ou via une surveillance numérique accrue.
Plusieurs détenus d’opinion, dont le plus emblématique Nasser Zefzafi croupissent dans les prisons de sa Majesté Mohammed VI. Des journalistes sont condamnés à de longues peines de prison sous des accusations fabriquées de toutes pièces par les services intérieurs. La Cour de cassation du Maroc a rejeté mi-juillet 2023 le pourvoi de deux journalistes emprisonnés, Omar Radi et Soulaimane Raissouni, confirmant leurs condamnations en appel pour des accusations d’agressions sexuelles dont ils se disent innocents.
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Omar Radi, 37 ans, et Soulaimane Raissouni, 51 ans, ont été condamnés en appel respectivement à six et cinq ans de prison ferme en 2022 dans des affaires d’agressions sexuelles, des charges qu’ils réfutent. Ils sont derrière les barreaux depuis 2021.
Outre les journalistes, les activistes du Rif payent très lourdement leur dissidence citoyenne. Le 6 avril 2019, la Cour d’appel de Casablanca a confirmé les lourdes peines de prison prononcées contre plus de 40 manifestants et activistes, et ce malgré des allégations de torture, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Parmi les accusés figure Nasser Zefzafi, le leader du Hirak, un mouvement de protestation socio-économique issu de la région du Rif.
En juin 2018, un tribunal de première instance avait condamné Zefzafi à 20 ans de prison et ses coaccusés à des peines allant de un à 20 ans,pour avoir présumément agressé des policiers, et dans certains cas mis le feu à des véhicules et un bâtiment de la police.
Le tribunal s’était fondé sur les « aveux » des accusés, sans tenir compte de leur réfutation ultérieure desdits « aveux » ni de leurs allégations de torture, et ce malgré les rapports médicaux suggérant qu’au moins une partie des accusés avaient bien subi des violences policières.
Le gouvernement marocain est spécifiquement accusé d’avoir fait usage du logiciel espion Pegasus pour infiltrer les téléphones de figures médiatiques et politiques, tant marocaines qu’étrangères, allégations que Rabat réfute vigoureusement. Les critiques visent également les discriminations persistantes envers les femmes et les minorités.
Dans un rapport publié en juillet 2022, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a dénoncé au Maroc l’utilisation de procès pour des crimes de droit commun, en particulier sexuels, comme « techniques de répression » visant à faire taire des journalistes et des opposants. Face à ces critiques, les autorités insistent sur « l’indépendance de la justice » et « les droits des victimes ».
Tout ça pour dire que cette élection du Maroc, comme la présence de l’Arabie saoudite, la Russie, de l’Algérie, etc, comme membres de cette institution, relève d’une imposture des droits humains.
Comment croire qu’une monarchie absolutiste ou un État policier puisse faire respecter ou défendre les droits de l’homme ?
Sofiane Ayache/agences