La visite du ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, à Alger entamée dimanche 19 octobre et se poursuivant ce lundi 20 octobre 2025, s’inscrit dans une dynamique de relance active du dialogue bilatéral entre les deux pays. Au cœur de cette rencontre : la question migratoire, devenue un enjeu stratégique majeur pour Madrid comme pour Alger, ainsi que l’élargissement de la coopération sécuritaire et technique.
Cette visite intervient sur fond d’une hausse spectaculaire de 75,2 % des arrivées irrégulières aux îles Baléares en un an, et d’une augmentation globale de 22 % sur les côtes péninsulaires espagnoles. Face à cette pression croissante, l’Espagne cherche à renforcer ses mécanismes de coordination avec l’Algérie, partenaire clé sur la « route algérienne ».
Une rencontre bilatérale à forte dimension sécuritaire
La séance de travail a réuni Saïd Saayoud, ministre algérien de l’Intérieur, des Collectivités locales et des Transports, et son homologue espagnol dans une réunion bilatérale élargie aux délégations des deux pays. Les échanges ont porté sur plusieurs axes prioritaires : lutte contre la migration irrégulière, coopération policière, protection civile et sécurité routière.
Dès l’ouverture des discussions, le ministre algérien a souligné que « l’Algérie ne recourt pas à la migration irrégulière comme instrument de pression ou de chantage politique, contrairement à certaines autres parties ». Selon les données communiquées, plus de 100 000 tentatives de traversée ont été empêchées depuis 2024, et 82 000 migrants ont été rapatriés vers leurs pays d’origine dans des conditions « respectueuses de leur dignité et de leurs droits ». Parallèlement, 15 000 retours volontaires ont été facilités en coopération avec les organisations internationales.
Coopération policière et coordination technique
La coopération policière figure au cœur du dispositif bilatéral. Elle s’est intensifiée ces derniers mois à travers des visites de haut niveau, des formations conjointes et la mise en place d’un programme opérationnel 2025–2026. Celui-ci prévoit notamment : des échanges d’expertise sur la lutte contre les faux documents, la création de centres de renseignement spécialisés, le partage de données biométriques et génétiques et l’accélération des procédures d’entraide judiciaire liées aux flux financiers illicites.
L’objectif affiché est de renforcer les capacités de riposte aux réseaux criminels transnationaux impliqués dans les filières migratoires et la traite d’êtres humains.
Protection civile et sécurité routière : des champs de coopération élargis
Le dialogue bilatéral ne se limite pas au seul dossier migratoire. Dans le domaine de la protection civile, les deux pays s’appuient sur un accord signé en 2013 pour intensifier leurs échanges en matière de formation, de lutte contre les catastrophes naturelles et de prévention des incendies de forêts. Un plan d’action conjoint doit être adopté prochainement par des experts des deux côtés.
La sécurité routière constitue également un volet important de la coopération technique. Des échanges d’expériences ont été engagés autour de la gestion des permis à points, de l’analyse des données d’accidents et de la sensibilisation aux risques routiers.
Migration irrégulière : un enjeu stratégique et politique
Pour Madrid, la maîtrise de la route migratoire algérienne est devenue une priorité nationale. Pour Alger, il s’agit de concilier sécurité, souveraineté et respect de ses engagements internationaux. Les autorités algériennes insistent sur une approche globale associant fermeté opérationnelle et respect des principes humanitaires.
Ce positionnement s’inscrit dans une stratégie plus large visant à affirmer le rôle de l’Algérie comme partenaire incontournable dans la gestion migratoire en Méditerranée occidentale.
Un partenariat pragmatique appelé à se consolider
En conclusion de cette rencontre, les deux parties ont réaffirmé leur volonté de consolider leur partenariat, fondé sur la confiance mutuelle et la convergence d’intérêts stratégiques. La migration irrégulière, qui reste le moteur immédiat de ce rapprochement, pourrait également ouvrir la voie à une coopération plus structurée dans d’autres domaines sécuritaires et civils.
Dans un contexte européen tendu sur la question migratoire, l’Algérie et l’Espagne misent ainsi sur un dialogue opérationnel et pragmatique pour répondre à des défis communs, tout en préservant leurs marges de manœuvre politiques respectives.
Samia Naït Iqbal