Noter la fuite du temps, énumérer les phases lumineuses du quotidien, se souvenir du chagrin et du brouillard. Telles sont, entre autres, les quêtes du poète dans son labeur quand l’inspiration vient le visiter.
Pour son 19e livre de poésie, Brahim Saci visite des endroits déjà connus tout en leur donnant une autre dimension, avec un peu plus d’amour, un peu plus de spiritualité. La vie humaine est parsemée d’énigmes ; elle est, à bien des égards, indéchiffrable, elle suscite des interrogations dont les réponses sont difficiles à trouver. La peur de plonger dans le néant de l’inconnaissable pousse l’Homme vers les arts.
La poésie est un art d’une exquise finesse ; ainsi les mots font agréablement voyager quand ils sont enrobés d’une certaine magie. Tout le monde n’est pas sensible à cette magie. Heureuses et heureux sont celles et ceux qui ont l’aptitude de saisir cette magie. Tout un monde perdu, tel est le titre de ce nouveau livre de Brahim Saci préfacé par l’universitaire Aziz Cheboub. « Le mystère est partout, le sort s’amuse et joue », confie le poète.
La solitude est un désert, l’instant est fugitif, les vents tournent, les trahisons continuent. Les temps sont amers ; le monde est tourmenté. Mais tout n’est pas perdu. « Je cherche le beau, je peins avec les mots, dont le sens n’est pas toujours apparent, il est caché aux passants », souligne Brahim Saci. Lorsque se bousculent les souvenirs dans la tête du poète, le chagrin s’invite, les amours perdues osent alors se faire grandioses. Le bonheur n’est-il que dans le temps de jadis ?
Le bonheur n’est-il apprécié que dans les regrets de sa fin prématurée ? « Polissons nos cœurs, il y a en chacun un jardin de fleurs, essuyons les pleurs, réparons nos erreurs », se dit le poète pour se consoler et continuer son chemin. Vivre, c’est continuer les combats. « Retrouvons la force, comme l’arbre son écorce, demain peut être meilleur, cultivons le bonheur », se rassure l’amoureux transi. Le poète sait inventer des rêves, face l’absence, il se souvient, il s’habitue aux errances.
Tout un monde perdu n’est, au final, pas un livre de défaites ; c’est plutôt une reconstitution courageuse du passé douloureux pour mieux regarder les lumières du futur, pour saisir le meilleur de chaque instant de vie, pour perpétuer cette belle tradition de l’espoir infini, malgré les défaites humaines interminables et souvent renouvelées.
Youcef Zirem
• Tour un monde perdu, de Brahim Saci, éditions du Net, 2025