24 novembre 2024
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Le mouvement de dissidence populaire : dialoguer ou négocier ?

DECRYPTAGE

Le mouvement de dissidence populaire : dialoguer ou négocier ?

Dialoguer ou négocier qu’elle est la différence et quelles sont les conditions requises dans un cas comme dans l’autre ?

Souvent, on a tendance à confondre le dialogue et la négociation, alors qu’il subsiste une différence de fond entre les deux.

Sommairement, dialoguer consiste en un échange ou des échanges de points de vue sur un ou plusieurs sujets, entre deux personnes ou plusieurs, sans le moindre préalable fixé d’avance. On peut dialoguer de tout en même temps. Que l’on soit d’accord ou non, à la fin, cela n’occasionne aucun préjudice aux parties. Dans le cas le plus extrême on se quitte sur un désaccord sur les idées exprimées par les uns et par les autres ce qui n’exclut pas, pour autant, de reprendre, une autre fois, le dialogue pour les mêmes idées ou pour des nouvelles.

Négocier ! 

De prime abord, cela suppose l’existence d’un conflit entre, au moins, deux parties ou chacune d’elles tentera d’imposer ses solutions au conflit au mieux de ses intérêts. Cela suppose, d’emblée, de connaître et de maîtriser le problème qui est à/la source du conflit à résoudre. Avant de se mettre autour de la table des négociations, les négociateurs devront être menés d’un mandats de la partie qui les a mandatés pour la représenter à cette négociations.

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Les conditions préalables pour un négociateur, outre la connaissance et la maîtrise de son sujet, il doit également savoir jusqu’où il peut aller dans la négociation et quelles sont les limites qu’il ne doit pas franchir ; car la négociation a pour finalité la recherche de solutions au conflit qui oppose les parties.

Dans ce cas d’espèce, il convient de faire des concessions de par et d’autre afin de parvenir à une issue totale ou partielle du problème. C’est pourquoi il est important de connaître d’avance les points sur lesquels il est possible de céder et ceux pour lesquels il ne peut être question d’un quelconque marchandage. Cela s’appelle la recherche d’un compromis possible qui ne doit pas se transformer en compromission. 

L’Algérie, depuis le mois de février dernier, traverse une crise aiguë et des plus graves après celle dite de décennie noire ou « rouge ». 

Se trouvent, en face l’un de l’autre, un peuple dans toutes ses composantes, résolu à recouvrer tous les attributs de la souveraineté populaire en ce qu’elle renferme comme valeurs de liberté, d’égalité et de justice dans tous les domaines de la vie et de l’existence d’une nation, et un régime dictatorial qui est le résultat d’une combinaison militaro-islamobathiste aux pratiques mafieuses. Ce régime est, non seulement au pouvoir depuis l’indépendance du pays après avoir usurpé par la force des armes cette même indépendance, mais en plus, il a fait main basse sur toutes les ressources et les richesses du pays à son propre profit et celui des siens et de sa clientèle.

Voici donc planté le décor de la scène des évènements en cours en Algérie, d’où le fait de savoir s’il doit être question de dialoguer ou de négocier.

Le pouvoir n’a pas arrêté de dialoguer avec lui-même pour chercher, en vain, une solution qui le conforterait dans sa position occultant, du coup, sa responsabilité première de l’origine de la crise que vit le pays. 

Le peuple, pour le moment et sans parvenir complètement, exige de ce même pouvoir de partir sans condition ni préalable, d’où l’impasse du moment. Pourtant, un jour ou l’autre, à brève, à moyenne ou à longue échéance, cette issue finira par avoir lieu. Le tout est de savoir quel est le prix a payé pour y parvenir.

Actuellement et au point où en sont les choses, rien ne préfigure l’amorce d’une recherche de solution tant les deux parties campent sur leurs positions respectives. 

Ainsi, d’un côté le pouvoir militaire refuse d’entendre toute idée de remise en cause du système qui le porte si ce n’est l’organisation d’une élection présidentielle qui lui assurera le maintien, ad vitam aeternam au pouvoir. Dans les meilleurs des cas il est prêt, comme à ses habitudes, de céder quelques miettes du pouvoir à ses courtisans. De l’autre côté, le peuple scandent depuis presque huit mois que tous les représentants du pouvoir doivent partir et quitter la scène. Nous sommes, par conséquent, face à un blocage qui n’augure rien de bien pour le pays.

Négocier avec le pouvoir algérien n’est pas chose aisée surtout lorsqu’il est question d’une rupture radicale avec celui-ci qui signifie sa propre mort.

A travers l’histoire très courte de l’indépendance de l’Algérie, nous avons appris deux choses sur ce pouvoir est sa réelle ou prétendue volonté de dialoguer ou négocier lorsque les évènements le contraignent. L’une est que ce régime ne compose que lorsque le rapport lui est, momentanément, défavorable. L’autre c’est celle qui démontre qu’il ne négocie que les questions qui ne remettent jamais en cause sa matrice idéologique. Du coup les seules concessions qu’il admet de consentir sont celles à travers lesquelles il retrouve sa virginité et qui lui permettent de s’asseoir sa puissance pour mieux renforcer et consolider son assise. 

Trois haltes phares aussi importantes et décisives les unes que les autres nous imposent de nous arrêter. En premier lieu, le conflit entre l’armée de l’extérieur contre l’ALN de l’intérieur qui s’était soldée par l’insurrection armée menée par le FFS en 1963. En deuxième lieu la décennie noire des années 1990. Et  en troisième lieu, le printemps noir de 2001 en Kabylie; pour ne citer que ces événements. 

Résultats, le pouvoir est toujours en place

La lutte que livre le peuple depuis février dernier se trouve être une  carte qui pourra sceller le sort de ce régime tentaculaires aux ramifications multiples, y compris avec  les ennemis extérieurs du pays. Cela impose que le peuple demeure uni et déterminé à aller jusqu’au bout de sa démarche.

L’art et l’action de négocier nous ont appris et nous apprennent, toujours, que la finalité d’une négociation et de mettre fin à une situation de conflit aussi long soit le temps qu’il en faudrait. L’unique inconnue reste toujours le prix qu’il en coûtera. 

Le point nodal à dénouer reste celui du rapport de forces de toute nature entre les parties en conflit. 

Le pouvoir algérien, à sa tête le commandement militaire, possède les forces que le peuple n’a pas. Il s’agit de l’argent pour corrompre les consciences et de la force armée pour terroriser le peuple. Pour autant,  est-ce suffisant pour lui assurer la victoire ? 

Ce régime pêche, au moins, par deux faiblesses qui l’handicapent tant sur la scène nationale que sur la scène internationale. Il s’agit de l’absence, à la fois de la légalité des institutions qui sont violées par le commandement militaire à travers un coup d’État non assumé officiellement  mais qui l’est dans les faits et d’une absence de légitimité qui lui colle à la peau depuis sa prise de pouvoir depuis 1962.

A ces deux facteurs qui l’handicapent lourdement, s’y ajoutent le crimes perpétrés contre le peuple durant la décennie noire et bien d’autres encore.

Le peuple, quant à lui, est fort de la légitimité de son combat qui s’inscrit dans le sens de l’histoire de la libération des peuples, de sa cohésion et de sa détermination à aller  jusqu’au bout de son combat juste et légitime. Sa plus grande force réside dans la similitude de ces  événements avec l’épopée historique qui a conduit au déclenchement de la guerre de libération de l’Algérie après une longue nuit coloniale.

De la même façon que le mouvement national de l’époque coloniale, le peuple algérien post indépendance n’a jamais cessé de lutter contre ce régime. Cependant divisé qu’il était par les diverses stratégies manipulatrices du pouvoir, toutes les luttes engagées se sont toutes soldées, à la fin, par des échecs à répétition. Évidemment, l’atomisation de la société fragmentée en divers groupes d’intérêts opposés les uns aux autres a rendu possible la formation à l’infini de ces ensembles dichotomiques. 

Le règne de Bouteflika venu au pouvoir pour se venger du clan qui l’a évincé de la succession à son maître Houari Boumediene a accentué la dislocation des rangs du peuple sorti traumatisé d’un guerre meurtrière que lui ont livrée, les islamistes d’un côté et les militaires de l’autre et qui s’étaient révélés, à la fin, être les deux faces d’une même pièce : le terrorisme aveugle et meurtrier contre un peuple démuni et divisé.  

Aujourd’hui le peuple a, comme en 1954 lancé l’ordre de marche vers sa libération pour retrouver sa dignité. Il a, à présent, remporté quelques batailles mais la victoire finale tarde à se dessiner malgré. Il n’empêche que le gang des généraux cherche une issue pour sortir la tête haute de l’impasse dans laquelle il est englué. Nous voyons qu’il manœuvre dans tous les sens afin d’y parvenir. Mais fidèle à ses pratiques le pouvoir cherche toujours, comme à ses habitudes, à faire diversion et à tromper en usant, tantôt de la crotte et tantôt du bâton. Mais il apparaît jour après jour que sa fin est toute proche. Il reste à agir à tous les niveaux, de trouver juste le moyen par lequel ils quitteront la scène selon des règles que le peuple imposera et auxquelles ils devront se soumettre. 

Par l’entremise de ses serviteurs le pouvoir met toute son énergie pour la mise en place d’un dialogue par lequel il ne vise, en réalité, que son maintien sous d’autres formes pendant que tout le peuple réclame son départ. Tout autre stratagème n’est que perte de temps.

Sauf à vouloir plonger le pays dans un désastre apocalyptique il n’a d’autre issue que celle d’accepter de se mettre autour d’une table pour négocier une porte de sortie à pour représentants. 

Quant aux vertus du dialogue qui caractérisent les systèmes démocratiques dans le monde, celui-ci (le dialogue)fait partie des règles de vie en société qui régulent les rapports entre ses différentes composantes. Il (le dialogue) se perçoit comme moyen préventif ou une sorte d’alerte pour prévenir les conflits avant qu’il ne se produisent. Le régime algérien, depuis l’indépendance, n’a jamais fait sienne cette règle. 

En conclusion, si les revendications populaires ne souffrent aucune équivoque sur les aspirations de la société, dans son ensemble, il reste que les slogans doivent trouver une traduction concrète dans la réalité du terrain. Dire et proclamer « yetnahaw ga3 » n’est pas en soi une méthode. C’est un voie qu’il faut baliser. C’est pourquoi les probables représentants du mouvement populaire doivent s’échiner à expliciter, une fois autour de la table de négociation, la portée de cette exigence et ses modalités pratiques. 

Pour nous les Kabyles, nous avons en mémoire la profession de foi du slogan scellée non négociable à propos de la plateforme d’El Ksar et nous savons, hélas, ce qu’il est advenu de ce slogan une fois les protagonistes se sont mis autour de la table.

Auteur
Ahcène Belkacemi

 




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