Site icon Le Matin d'Algérie

Le Parti communiste sous Sadek Hadjerès

Sadek Hadjerès

Un dirigeant politique se juge non pas sur le nombre d’années de clandestinité mais sur son action politique. Sadek Hadjerès fut membre de la direction du Parti communiste algérien pendant les trente années après l’indépendance de l’Algérie.

Sadek Hadjerès était secrétaire national conjointement avec Bachir Hadj Ali puis seul secrétaire national après l’arrestation et l’emprisonnement de ce dernier en 1965. C’est de la politique menée par le parti communiste de 1962 à 1990 qu’il faut faire un bilan, un bilan sérieux basé sur ce qui s’est réellement passé.

Voici ma contribution à ce sujet. J’ai vécu ces événements au plus près.

“De 1962 à 1965, le Parti communiste apporta un soutien inconditionnel à Ben Bella. En 1964, le Parti communiste et le FLN décident de fusionner leurs  journaux quotidiens : Alger Républicain pour les communistes et Le Peuple, quotidien du pouvoir,  pour créer El Moudjahid. Le PCA a alors demandé à ses militants de prendre leur carte dans les structures du FLN. Beaucoup de militants considéraient que c’était, de fait, une dissolution du Parti communiste algérien à l’intérieur du FLN. Le coup d’Etat du 19 juin 1965, dirigé par Boumediene, fit capoter l’opération. El Moudjahid parut avec les seuls rédacteurs du Peuple.

En juillet 1965, à la suite du coup d’Etat de Boumediene, le Parti communiste créa, avec « l’aile gauche du FLN » représentée par Mohammed Harbi et Hocine Zahouane, l’Organisation de la Résistance Populaire (ORP) et qualifia le coup d’Etat de fasciste et pro-américain. Totalement isolés, de nombreux militants et plusieurs dirigeants de l’ORP furent rapidement arrêtés, torturés pour la plupart puis emprisonnés. Sadek Hadjerès, à la suite de l’arrestation de Bachir Hadj Ali, devint premier secrétaire du Parti communiste algérien clandestin.

En 1966, le Parti communiste, créa le Parti d’Avant Garde Socialiste (PAGS), qui ne se voulait pas être un nouveau parti communiste mais comptait regrouper les militants communistes et les « progressistes ». En fait, les dirigeants furent tous communistes car, très vite les Zahouane et Harbi, décrits comme « FLN de gauche » ont rejeté la nouvelle orientation politique. Dès la fin 1966, début 1967, le PAGS entama un rapprochement avec le pouvoir de Boumediene.

Le soutien « critique » du PAGS à Boumediene se transforma rapidement en soutien sans faille alors qu’il s’agissait du même pouvoir de l’armée avec parti unique et liberté d’action à la Sécurité militaire qui arrêtait, torturait, emprisonnait sans contrôle. C’est ainsi, entre autres, que furent assassinés à l’étranger les grands dirigeants de la guerre de libération Krim Belkacem et Mohamed Khider, que des centaines et des centaines de personnes ont été arbitrairement arrêtées, torturées. Ben Bella croupissait en prison.

L’arrivée au pouvoir de Chadli en 1979 créa quelques troubles dans le PAGS mais le soutien au régime en place ne se démentit pas. Le PAGS s’était opposé aux revendications populaires les plus élémentaires. Il a refusé de lutter pour les libertés démocratiques, le droit de s’organiser librement, de créer des partis indépendants et d’en finir avec le parti unique.

De même, il a refusé de lutter pour les revendications des populations berbères et de participer à la création de la Ligue des droits de l’homme. Le PAGS qualifiait ces revendications démocratiques de « bourgeoises » et même de contre-révolutionnaires. En 1984, Chadli imposa un « statut personnel » pour les femmes basé sur les lois religieuses. Le PAGS, au lieu de combattre pour son rejet, demanda qu’on adopte de simples « amendements » dans le cadre de la loi islamique.

Dans l’Union générale des travailleurs algériens, le PAGS refusa de lutter pour que les travailleurs élisent librement leurs représentants. Petit à petit, ses militants entrèrent dans les « commissions de candidature » qui avaient pour mission de trier les candidats sous la direction du FLN. Ils en présidèrent même certaines. La direction du PAGS alla jusqu’à demander à ses militants occupant des postes dans les unions ou les fédérations de l’UGTA de prendre leur carte du FLN.

L’explosion populaire d’octobre 1988 fut suivie d’une féroce répression entraînant des centaines de morts, des milliers de blessés, des milliers de torturés et d’emprisonnés. Deux mois plus tard, le 22 décembre 1988, Chadli Benjedid, candidat unique, fut « réélu » président. Le PAGS avait appelé publiquement à voter pour lui.

C’est là le véritable bilan politique de Sadek Hadjerès qui entraîna la quasi-disparition du PAGS. Hadjerès fut d’ailleurs écarté de la direction du PAGS très peu après la légalisation du PAGS et prit sa retraite en France en 1990 à soixante-deux ans, ce qui est jeune pour un dirigeant politique. Aujourd’hui, on peut considérer que le Parti communiste n’a aucune réalité en Algérie.

Hocine Kémal Souidi 

Journaliste à Alger Républicain 1964-1965.

–  Militant de l’Organisation de la Résistance Populaire (ORP) en 1965.

– Arrêté septembre 1965. Torturé. Prison.

– Membre fondateur du Parti d’Avant-Garde Socialiste (PAGS) en 1966.

– Mis en « liberté provisoire » en février 1967.

– Recherché en mai 1967. Clandestin pendant près d’un an.

Militant syndicaliste dans l’UGTA.

– Créateur de la première section syndicale libre dans l’UGTA après 1962 à la Banque Extérieure d’Algérie (BEA).

– Membre du bureau de l’Union Territoriale d’Alger Centre (UTAC) de l’UGTA.

– Quitte le PAGS en 1974 pour désaccord sur la ligne de conduite dans l’UGTA et sur le « soutien critique » à Boumediene.

– Etudes à l’IEP Grenoble.

– Docteur en sciences politiques.

Retour en Algérie fin 1979.

– Membre de la direction de l’Organisation socialiste des travailleurs (OST) de 1979 à 1990.

Quitter la version mobile