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Le pays où le futur refuse d’être livré

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On nous promet modernité, autosuffisance et numérique triomphant. En réalité, tout coince : les ingénieurs manquent, les compétences fuient, et les prix des hydrocarbures vont glisser vers le bas. La question n’est plus “que faire ?”, mais “que restera-t-il à sauver ?”.

Il faut vivre ici pour comprendre ce paradoxe : en Algérie, tout commence bien, tout est annoncé fort… et tout se grippe au moment de faire. Les stations de dessalement se multiplient sur les plans, mais l’eau reste rare. La numérisation s’affiche comme priorité nationale, mais sans les ingénieurs capables de la porter. L’autosuffisance alimentaire est proclamée chaque saison, pendant que les produits de base s’arrachent au prix fort. Et au milieu de ces urgences qui s’entassent, le dinar glisse vers son plus bas niveau, signe d’une économie qui souffle déjà avant d’avoir avancé d’un pas.

Chez nous, ce n’est jamais l’idée qui manque : c’est la capacité à la transformer en réalité.

Pendant que le monde prépare déjà 2026, nous préparons des discours. Une poudre sans effet, longtemps utilisée comme calmant collectif, désormais réduite à un mensonge transparent. Ailleurs, on calcule les équilibres budgétaires ; ici, on calcule les dates des annonces officielles. Et pendant que nous entretenons l’illusion, la nouvelle s’impose : les prix des hydrocarbures vont baisser. Pas seulement le pétrole. Le gaz aussi. Sobrement, mécaniquement, inévitablement. Le marché mondial ne connaît ni l’optimisme patriotique ni les injonctions télévisées : il suit ses courbes, pas nos illusions.

La baisse des hydrocarbures n’est pas nouvelle. Elle reviendra toujours. Ce qui change, c’est notre incapacité à apprendre d’elle. Rappelez-vous : en 1986, elle a fissuré le pays jusqu’à l’effondrement social. En 2014, elle a révélé la fragilité d’un modèle bâti sur le sable. Et aujourd’hui, alors que le cycle revient, nous nous comportons comme si rien n’allait se produire, alors que l’événement obéit pourtant à une régularité d’horloge.

C’est désormais toute l’ère Tebboune, son entourage et son clan qui se retrouvent devant l’épreuve que l’Histoire impose à chaque pouvoir : “Qu’avez-vous bâti pendant que les hydrocarbures vous portaient ?” Et la réponse, une fois de plus, donne froid.

Nous voici en 2025 avec des infrastructures en retard, des compétences en exil, une économie dépendante d’une ressource capricieuse, et des millions de jeunes qui n’y croient plus. Les hydrocarbures ne sont pas le problème.

Le problème, c’est de continuer à les traiter comme une assurance-vie politique plutôt que comme un marché instable.

Notre pays ne manque pas de ressources. Il manque d’organisation. Il ne manque pas d’idées. Il manque de continuité. Il ne manque pas d’intelligence. Il manque d’un État qui lui fasse confiance.

On parle de souveraineté alimentaire, mais on n’arrive pas à stabiliser les prix. On parle de transformation numérique, mais les démarches de base s’écroulent devant une simple connexion. On parle de dessalement, mais on manque d’ingénieurs. On parle beaucoup. On réalise peu.

Et l’exil comble la différence.

Les élites ne partent pas parce qu’elles n’aiment pas ce pays. Elles partent parce qu’on ne leur permet pas d’y travailler. Elles partent parce qu’on aime les compétences tant qu’elles restent silencieuses. Elles partent parce qu’on confond la loyauté avec l’obéissance. Le départ de nos talents n’est pas un dommage collatéral : c’est un diagnostic.

Alors oui, 2026 arrivera comme toutes les autres années où la manne des hydrocarbures s’est effondrée : brutale pour ceux qui croient encore au miracle, évidente pour ceux qui lisent les chiffres.

Ce ne sera ni une malédiction ni une surprise. Ce sera simplement la conséquence d’un pays qui ne fabrique pas son avenir, mais qui attend qu’on le lui livre par pipeline.

2026 n’apportera pas la crise. Elle apportera le miroir. Et dans ce miroir, nous verrons enfin ce que la rente cache depuis soixante ans : un pays qui a tout pour réussir, mais qui refuse de se donner les moyens d’y parvenir.

Même les hydrocarbures, un jour, se lassent d’être les seuls à travailler.

Zaim Gharnati

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