Mardi 5 mars 2019
Le peuple algérien dit basta !
«Traiter l’Algérie comme une réserve d’indigènes, auxquels il suffit de leur assurer une ration quotidienne de couscous et un gîte pour se procréer afin de les emmener paître là où on veut, est la plus grosse erreur qu’un système de gouvernance puisse commettre à l’encontre de son peuple et de sa constitution. Cette dernière, qui de tout temps, a été traité comme une vulgaire fille de joie, violée par le premier seigneur du domaine qui se pointe».
Un mandat après l’autre, un espoir perdu après l’autre, en tout et pour tout, quatre mandats consécutifs ont été consommés par Bouteflika qui aspire encore à un cinquième, car on lui a fait entendre qu’il était une sorte de « messie sauveur », devant lequel, nous devons tous nous prosterner. Beaucoup l’ont fait et le font encore, c’est leur nature vassale, mais beaucoup refusent d’échanger un dieu sécuritaire par un dieu de quelque nature que ce soit.
Les adorateurs d’images et des statues de Bouteflika nous ont fait entrer à l’ère adeptes de l’idolâtrie politique. Une pratique complètement étrangère à notre peuple. Ces faux dévots ont causé plus de dégâts à l’image de cet homme que de bien, mais puisqu’il laissa faire, c’est qu’il était consentant.
Bouteflika ne peut être absout de toute responsabilité inhérente à ses politiques, mais surtout, du choix de ses hommes et de leurs agissements. Leur provocation au peuple, qu’ils ne cessèrent de narguer était inadmissible. Du haut de leur perchoir, les tenants du pouvoir nous voyaient comme des fourmis qu’ils pouvaient insulter et piétiner aux grès de leurs humeurs.
Ces derniers, et après l’avoir presque sacralisé pour pouvoir nous ridiculiser, ont fini par pousser le peuple à donner le coût de grâce à son image et au capital estime qu’il lui portait encore. Après le 22F (février), il serait très difficile pour les » employés politiques » de Bouteflika, vomis par le peuple de redorer son image y compris en son propre fief. Je dirais même, ils seront les premiers à le renier au premier chant du coq.
Après cette magnifique mobilisation populaire, marquée par un civisme exemplaire. C’est maintenant l’heure aux lectures, aux analyses et bien sûr, à la récupération, aussi bien d’une opposition polarisée ou idéologique. Une opposition, en panne d’idées et de capacité de mobilisation. Le pouvoir prépare donc ses stratégies pour répondre à cet élan de mobilisation populaire jamais vu. Plus que jamais, le pouvoir craint pour ses intérêts.
Jouera-t-il donc dans l’apaisement, en sacrifiant des têtes huées par le peuple pour résorber sa ire et sauver l’essentiel de son être, lui qui peut, à tout moment se régénérer ? Passera-t-il à la contre-attaque, en mobilisant ses troupes par rue interposée ? Ira-t-il à nous faire sortir carrément les démons du passé, pour faire peur encore plus aux Algériens et à la communauté international pour justifier sa répression et opposer les Algériens, les uns contre les autres ?
Ou bien va-t-il court-circuiter le mouvement, naissant; en ouvrant le dialogue avec des forces triées sur le volet et qui n’auraient rien à voir avec lui ? D’où l’impératif pour ce mouvement de se pourvoir d’une voix unifiée, d’un relai politique clair, en-dehors du discours de l’opposition, qui portera fidèlement ses revendications et ne pas aider le régime à le pervertir ou le banaliser.
Avec cet élan populaire pacifique et exemplaire, le rêve de voir un président élu selon la volonté souveraine du peuple redevient enfin un rêve accessible.
Durant plus de 50 ans de cette forme de gouvernance verticale, on a toujours voulu faire comprendre au peuple, que le seul président de leur RPD est celui qui est choisi par l’olympe des autoproclamés seigneurs des domaines. Une sorte de contrat conclu de gré à gré entre différentes couleurs de casquettes puis soumis au peuple pour le plébisciter (tezkiya), qui s’apparentait plus à une « beya3a » proclamation d’allégeance en régime royale. Le peuple ne faisait donc que constater et « faire valoir » le choix des seigneurs, c’est tout. Ce peuple d’en bas, auquel donc, un seul droit lui a été reconnu : celui de voter ou se déculotter, hélas.
J’appartiens à une génération sacrifiée, endormie par le discours sur les invariants (taouabit) et le paternalisme politique fallacieux par lequel ils nous ont affamés et humiliés et qui nous sacrifiera au premier venu. Un discours qui, en même temps, les a enrichis et rendus des seigneurs, eux les esclaves de leurs maîtres et de leurs maîtresses. Ces invariants qui nous freinaient de toute action politique, pour préserver la paix et la stabilité du pays. Ce n’est pas le cas pour cette génération qui n’a pas connu le terrorisme des années 90 au point à en être tétanisée et ne se laissera pas berner au point de succomber à ce chant de sirènes.
Le pays vit un tournant crucial, marqué par une stagnation politique contrôlée et un marasme social incontrôlable. Un rendez-vous électoral qui n’a d’électoral que le nom, puisque le candidat du pouvoir a, une fois de plus, brisé le mur du silence que lui imposait son état de santé pour venir exprimer par lettre, son souhait de briguer un 5e mandat. Vraisemblablement, on lui a fait comprendre que l’Algérie a encore besoin de lui et que les Algériens lui doivent au moins cela. En vérité, ce sont eux qui ont le plus, besoin de lui.
Le peuple lui, est convaincu que des parties non-constitutionnelles, tapissées dans l’ombre, tiennent les ficelles. Ils sont décidés à investir le maximum dans l’aura et l’image de Bouteflika, au mépris de sa santé et de son âge, au point de devenir des faux témoins dans cette tragi-comédie nationale. Ne s‘arrêtant pas là, ils veulent pousser le peuple à avaliser ce faux témoignage par un suffrage universel fantoche.
Le constat est amer, l’Algérie qui n’est, qu’à à 200 km ou presque des côtes européennes, a du mal à se frayer un chemin parmi les nations du monde moderne. En dépit du potentiel humain, la richesse cultuelle et culturelle que dieu lui a fait grâce, l’étendue territoriale, les richesses souterraines que dieu lui a fait dont, notre pays fait du surplace, voire, il recule. Aucune vision d’avenir ne balise le chemin du peuple. Les tenants du pouvoir visible nous cassent les oreilles, en défendant un homme, médiatiquement absent et qu’ils veulent ressusciter au virtuel au mépris de toute évidence. Les tenants du pouvoir invisibles dirigent quant à eux, l’orchestre en arrière plan. Ceux qui tournent dans leur sillage, les adeptes de l’idolâtrie politique applaudissent. Tous ce beau monde avait d’autres priorités, que de proposer au peuple des objectifs à atteindre et impliquer tout le monde pour les atteindre. Conserver le volant du pouvoir et régler les comptes aux démons du passé, étaient les seules préoccupations qui importaient.
Cette stérilité politique, marquée par un appauvrissement du personnel politique de qualité, est le produit d’un siphonage systémique de l’acte politique lui-même dans ce pays. On tirait à vue sur tout ce qui brillait en-dehors de la sphère du sérail et de sa bénédiction. Laminer tout rôle de la société civile dans l’acte politique national ou local, incriminer, diaboliser toute forme d’opposition et racheter les consciences, a ouvert les portes à la prostitution politique. Cela, a provoqué un appauvrissement chronique du personnel politique digne dans les deux camps, opposition/allégeance.
Une classe politique, capable de produire un discours qui rassure les Algériens et leur redonne confiance, leur propose une autre vision, un autre rêve auxquels ils s’identifieront et ne pas se contenter de jouer sur les sentiments, les faire rire, les traiter comme des déficients mentaux ou prendre les enfants du bon dieu pour canards sauvages. L’Algérie sous Bouteflika est devenue un trou noir, rien ne pouvait surgir ou rayonner, ni même la lumière. L’Algérie ne produisait plus cette étoffe d’hommes d’Etat des années 40/70 qui ont libéré le pays, tenu tête au régime et ont rêvé d’une toute autre Algérie. Déçus, ils sont morts dans le chagrin ou assassinés dans la traîtrise.
Lancer des vrais défis qui unissent l’effort de toute la nation en immobilisant ses moyens humains et matériels, au lieu d’immobiliser toute une nation pour des intérêts personnels. Cela, était depuis le début, la caractéristique proéminente de notre système de gouvernance et qui s’est aggravé sous Bouteflika.
Nul doute subsiste donc, que partout dans ce pays, des gens honnêtes existent y compris dans l’institution militaire ou sécuritaire, même si, et hormis une certaine opposition malade, la classe politique nationale en son ensemble exprime son souhait légitime, de voir cette institution en-dehors du jeu politique. Des gens capables de restaurer le capital-confiance perdu entre gouvernants et gouvernés et qui ne feront pas de concession quand il s’agirait du droit de leurs concitoyens et leur dignité.
Mon souhait, utopique, peut-être, est que le futur président soit issu, comme partout ailleurs, des partis politiques ou des forces vives de la société civile, engagées dans l’action politique. Que son programme soit clair et convaincant et ne se contente pas d’être à l’antipode de celui de Bouteflika pour défaire ce qui a été fait. Celui-ci, doit s’engager à travailler dans le sens de nos aspirations à un changement radical et réel dans ce pays. Malheureusement, je sais, qu’entre vouloir et pouvoir, il y a une réalité bien algérienne et un » partie d’occident cupide qui cherche autre chose. Ce dernier, qui a verrouillé la cible sur nos richesses et qui tentera, comme toujours, à manipuler pour imposer les hommes qui lui conviennent, en leur couvrant de sa « légitimité internationale « fallacieuse quitte à l’opposer à celle du peuple.
Par l’individualisation du pouvoir, Bouteflika a voulu nous troquer notre » sécurité » contre un totalitarisme asphyxiant qui empêchait la société d’avancer ou de respirer et qui pénalisait toute action politique. Les années Bouteflika ont accumulé plus de mécontents politiques que jamais. Cajoler la masse, la bercer pour la soudoyer et en même temps, persécuter l’individu et isoler l’élite, était l’autre variante de sa gouvernance. Lui et ceux qui le conseillaient ont raté une occasion en or pour sortir de la grande porte avec les honneurs et la reconnaissance de la nation. Bouteflika a choisi le pouvoir au devoir.
L’accord sécuritaire qui neutralisa le terrorisme des années 90, n’a pas rendu justice aux Algériens, car il a satisfait la volonté du tout sécuritaire et les terroristes, au-delà de toute mesure. Alors que des innocents se sont retrouvés pris dans la tourmente sécuritaire ou jetés dans les geôles des décennies durant. Économiquement, le bilan fut mitigé, le remboursement intégral de notre dette extérieure était la seule décision logique dans cette marche hasardeuse. La ruée vers la fortune aux moindres efforts, a été l’emblème des années Bouteflika. Réconfortée par un baril à 120 dollars, toute contente, l’Algérie s’en donna à cœur joie à toutes les dépenses et à toutes les extravagances inimaginables.
Le béton, le bitume et l’import-import, eurent donc leurs années de gloire. Ils formèrent le triangle des Bermudes de l’économie nationale. Le sou qu’y entre est perdu à jamais ! Le piège était mis en place par les décideurs et leurs vitrines industrielles pour spolier, se servir et servir les amis. L’Algérie, rentière ne pouvait, en aucun cas, mettre sa richesse au profit de son vrai développement, humain surtout. Les vaches maigres ont pointé leur nez et la planche à billet a encore fait entendre son bruit.
Le développement n’a pas été au rendez-vous comme promis, car le mensonge n’a jamais bâti des demeures, dit-on, « El kedb ma yebni khiyam ». Aux scandales financiers à répétition, venaient s’ajouter des scandales sécuritaires, avec des quantités faramineuses de cocaïne qui affrétaient nos ports en toute quiétude. La violence urbaine qui prolifère dans nos cités, devenues des fiefs de la pègre et la mafia organisée avec des accointances sécuritaires.
La déliquescence de notre Etat, livré à lui-même ou aux envies de personnes sans scrupules et sans autres visions que de se remplir les poches au détriment de l’économie nationale, a atteint son apogée. Ils ont eu la mainmise sur tout, au point de se croire les seuls maîtres à bord, dans un avion mis, à bon scient, sous pilotage automatique.
Notre système de santé date d’après-guerre, la plupart de nos hôpitaux sont d’époque coloniale, et qui en plus, sont très mal gérés. Nos dirigeants, qu’ils soient en cravate ou en casquettes, préfèrent se soigner est mourir en Europe, eux et leurs familles. Nous comptons une centaine de ministres qui vivent actuellement en France. Le système éducatif n’est pas en reste de cette descente aux enfers. Tout le pays est légué aux bons soins de l’arbitraire de gens sans scrupule, incompétents, sans initiatives et qui en plus, gèrent au pif.
Tout le monde est fatigué de cette gouvernance stupide et chaotique qui se hisse sur nos têtes sans foi ni loi, comme une épée de Damoclès, menaçante et outrageante. Une gouvernance qui nous a fait perdre temps, richesses et surtout, l’espoir de voir enfin, un pays où il fait bon vivre, sans rêver d’aller chercher son bonheur ailleurs et nous nous ridiculiser aux yeux du monde.
Si Bouteflika ou ceux qui usent encore de son aura, réussissent leur coup, en lui faisant briguer un 5e mandat, cette lettre sera alors, nulle et non avenue. Remettez-là dans sa bouteille, fermer le bouchon puis jetez-là à la mer du tourment national et réveillez-moi quand tout cela sera fini, car je ne suis pas disposé à rêver ma vie, encore une fois, pour me réveiller dans un autre cauchemar et me voir mourir de désillusion comme auparavant. Car je n’ai rien à dire à un régime qui s’inscrit dans la continuité de ses propres inepties et qui croit être dans le vrai, alors qu’il est complètement immergé dans le faux et l’usage de faux lui et ses amis. A nos jeunes, je leur dis : si l’Algérie de 1954 avait besoin que l’on meure pour elle pour la libérer, l’Algérie de 2019, par contre, a besoin que l’on vit pour elle pour l’instruire et la construire. Et que vive l’Algérie !