Jeudi 25 octobre 2018
Le RP Kabylie avertit : vigilance contre la « guerre des langues »
Depuis quelques jours une action des lycéens est engagée en Kabylie pour protester contre l’expression, publique, répétée et médiatisée, de propos de mépris à l’endroit de la langue tamazight. Au refus de l’enseignement de la langue amazighe, il est opposé dans une forme de réciprocité un appel au boycott de la langue arabe dans les écoles. La colère qu’exprime cette mobilisation est non seulement compréhensible, elle est de surcroit légitime. Dire haut et fort basta aux provocations, aux insultes et à l’infériorisation d’une identité est un acte salutaire. Mais, il demeure nécessaire et impérieux de ne pas se laisser entrainer et enfermer dans une «guerre des langues ».
Face à l’idéologie arabo-islamiste uniciste, il y a lieu d’opposer, en toutes circonstances, les valeurs du pluralisme. En tant que Kabyles, même si nous aspirons à ce que tous les Algériens se réapproprient sereinement et de manière effective le fond commun amazigh, nous devons nous garder de vouloir imposer notre langue aux autres. Il importe, donc, de faire un travail essentiel sur nous même, surtout s’agissant des grandes questions qui engagent l’avenir, pour nous départir de la prégnante culture de l’exclusion, de ne pas nous laisser enfermer dans les postures dominantes de la culture du système en place.
Toute dynamique nécessite un débat et une confrontation des idées pour déjouer les manipulations et les provocations. La riposte énergique et forte de nos jeunes lycéens gagnerait à se donner de véritables perspectives d’abord en s’organisant de manière démocratique et ensuite en s’ouvrant sur-le-champ des idées et de la conquête des libertés, loin de toute forme de caporalisation ou d’instrumentalisation. D’autant que le contexte dans lequel est organisée la protestation appelle une vigilance accrue.
La lutte des clans, plus visible que jamais, est là pour nous alerter que les mains invisibles de la police politique ne resteront pas immobiles pour ne dénaturer ce mouvement et l’instrumentaliser.
La situation délétère des « institutions de l’État » dont celle de l’APN n’est qu’un artefact, la violation caractérisée de la Constitution, la mise en scène de la lutte contre la corruption sont autant d’éléments qui plaident pour dire que les enjeux de la succession ou du maintien du statu quo sont de nature à pousser vers l’irréparable.
Pour éviter que nous ne soyons aspirés dans ces tensions qui à terme se transformeront en véritables fractures, on ne peut faire l’impasse sur la reconnaissance de l’Algérie comme une nation multiculturelle et l’impératif de la refondation de l’État en s’appuyant sur les autonomies régionales. Ce combat est politique et institutionnel. Il n’y a pas dans le monde un pays traversé par une diversité aussi prononcée que celle de l’Algérie et qui a pu régler ses tensions linguistiques dans le cadre d’un État centralisé jacobin. Notre objectif primordial reste pour nous la réappropriation de notre souveraineté sur le développement des éléments constitutifs de notre identité en tant que peuple.
Le RPK, attaché à la vision novatrice qui fonde ses positions, reste mobilisé pour parer à ce que la Kabylie ne devienne le lieu des règlements de compte des luttes au sommet.
Le Bureau du RPK, réuni le 23/10/2018
P/Le RPK, le Coordinateur Hamou Boumedine