25 novembre 2024
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Le sacrifice du droit et la violation de la démocratie

REGARD

Le sacrifice du droit et la violation de la démocratie

« Avoir des esclaves n’est rien. Ce qui est intolérable, c’est d’avoir des esclaves en les appelant citoyens. » Denis Diderot

Gouvernement du peuple par le peuple, cette incorporation du pouvoir donne à la démocratie une force et une juridiction absolues. En tyrannie, et donc dans les pays du sud, TOUS les pays du sud, celui qui désobéit se met en opposition avec une autorité supérieure. En démocratie, et plus particulièrement dans les pays européens, il se met en opposition avec lui-même, puisqu’il est co-auteur de ce pouvoir de tous sur tous.

On voit quelle immense possibilité donne au totalitarisme le principe démocratique, s’il est appliqué mécaniquement et sans garantie. Le communisme en a fait un terrible usage lorsque, non content d’écraser l’opposant, il le convainc de l’absurdité criminelle d’une attitude qui le met en contradiction avec lui-même. Il en va de même dans les pays musulmans. L’islam n’accepte aucune « dérive » et donc aucune acceptation d’un athée en son sein. La notion même de laïcité est totalement étrangère à sa culture musulmane.

« La démocratie, a dit quelqu’un, n’est pas le règne du nombre, c’est le règne du droit. » La majorité gouverne mais elle n’est pas la source du droit. La majorité est installée au pouvoir par un droit qui voit en elle l’expression le moins arbitraire de l’intérêt général. C’est pourquoi la majorité, fut-elle proche de l’unanimité, est elle-même soumise à des règles qu’elle ne doit pas violer. La majorité est encadrée dans des normes constitutionnelles d’un exercice temporaire et limité du pouvoir. Ici se situe la différence fondamentale entre les pays démocratiques, essentiellement européens, et les caricatures islamiques.

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Dans un pays musulman, n’importe lequel, la majorité des habitants est d’accord sur les principes qui fondent le pouvoir mais cette majorité ne fait pas une démocratie du moment que le pouvoir édicte des lois contraires à la dignité personnelle et à l’égalité humaine ne serait-ce qu’en termes de partage d’héritage puisque la femme hérite de la moitié de la part d’un homme. Et la chose est plus scandaleuse est que les citoyens français de confession musulmane s’autoproclament citoyens « à part » pour réclamer des droits que ni les chrétiens majoritaires, ni les juifs, ni les athées, ni les pastafariens n’ont jamais évoqués depuis que la loi de 1905 a promulgué la séparation des religions et de l’État.

Un traitement particulier, exorbitant du droit civique, est donc revendiqué pour être appliqué à une catégorie de citoyens, ce qui signifie que toutes les catégories de citoyens sont virtuellement menacées par cette violation de la démocratie — le sacrifice du droit à une opportunité politique. En Belgique, même si la loi de 1905 n’a jamais existé, l’esprit de cette loi est dans toutes les têtes bien faites. Et tant à Paris qu’à Bruxelles, les musulmans qui se sont regroupés en « communauté » ont défilé respectivement les 10 novembre 2019 et le 5 juillet 2020 juste parce que les décisions des justices françaises et belges ne correspondent pas à leurs visions de la société européenne. 

Les politiques, plus soucieux de leur élection ou de leur réélection que de la réalité du terrain, ne voient pas suffisamment quelles conséquences entraînent cette lâcheté et cette mise à genoux de l’égalité de tous devant la loi commune.

En l’occurrence, l’octroi de droits particuliers à une catégorie de citoyens qui se tiennent en dehors de la loi, est un ferment de dissolution constant pour nos démocraties. Je ne ferai pas un inventaire à la Prévert de ce qui est sollicité et qui touche invariablement la dignité des femmes — le hidjab dans l’administration et les écoles, les horaires séparés pour les piscines, j’en passe… À la limite, la démocratie s’accommode d’une servitude de fait, mais non d’une servitude de droit, qui corrompt son principe même, le lien fondamental d’égalité entre tous les citoyens.

C’est dans les deux sens que la démocratie est le règne du droit. D’abord en ce que le pouvoir, au lieu d’être un réceptacle des réclamations d’une partie de la population du fait de sa religion, soit le gardien des lois : instrument d’un dialogue raisonnable entre les administrés, d’une composition entre les exigences de la réalité politique et les principes éthiques qui sont la base de la Constitution. Mais deuxièmement, la démocratie relève du droit en ce qu’elle reconnaît l’existence juridique de protection de la personne humaine.

En même temps que les droits humains fondent sa toute-puissance politique, ils l’arrêtent au seuil de l’abus, en réservant la part intangible des libertés fondamentales, et jusqu’au droit d’insurrection contre le pouvoir qui viole ses propres lois.

Ainsi, la démocratie n’est-elle pas à proprement parler un régime politique, mais l’effort de traduire dans un système politique l’ordre du droit ; et dans ce cadre, divers mécanismes constitutionnels peuvent s’insérer. Certes, d’autres régimes proclament leur adhésion à ces valeurs ; mais la démocratie ne se contente pas de saluer ces valeurs, elle doit les faire passer dans les rapports sociaux et c’est au plan du droit qu’elle s’installe le plus solidement. C’est en cela que la démocratie retrouve sa grandeur.

Auteur
Kamel Bencheikh, écrivain

 




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