Le seigneur des rats

Le 15 mars en Tunisie, puis le 28 mars en France, paraîtra Le Seigneur des Rats, une bande dessinée exceptionnelle qui revisite une œuvre phare de la littérature carcérale tunisienne.

Publiée par Nirvana Éditions en Tunisie et par Alifbata en France, cette adaptation graphique est le fruit d’une rencontre entre deux figures majeures de la Tunisie contemporaine : le dessinateur de presse et cyberactiviste Z. et l’intellectuel et militant Gilbert Naccache.

Ce projet a pu voir le jour grâce à l’implication d’Azza Ghanmi, veuve de Gilbert Naccache, militante et éditrice engagée. Elle a joué un rôle clé dans la publication de l’ouvrage, permettant à cette œuvre d’être redécouverte sous une nouvelle forme et de toucher un public plus large.

Une rencontre entre deux esprits engagés

Dans le paysage politique et intellectuel tunisien, rares sont les figures aussi marquantes que Gilbert Naccache. Ancien militant de gauche, prisonnier politique sous Bourguiba, écrivain et observateur aiguisé de la société tunisienne, il a laissé une empreinte indélébile sur la mémoire collective. Parmi ses écrits, la nouvelle Le Seigneur des Rats, rédigée en prison en 1976 et publiée en 2005 dans Le Ciel est par-dessus le toit, se distingue par sa puissance allégorique et sa portée visionnaire.

C’est en détention que Naccache a imaginé cette histoire, inspirée par un mystérieux rat venu s’inviter dans sa cellule. Ce récit est un miroir des dérives autoritaires qui gangrènent les sociétés, une réflexion sur le pouvoir et la servitude.

Face à lui, Z., connu pour son blog Débat Tunisie, incarne une nouvelle forme de contestation : celle du dessin satirique. Son flamant rose, figure emblématique de son univers graphique, observe l’actualité politique avec un regard acéré et un humour corrosif. L’adaptation de cette nouvelle dystopique en bande dessinée devient ainsi un dialogue entre deux générations d’engagement, entre la plume du prisonnier et le crayon du caricaturiste.

Un récit d’anticipation troublant

« Je suis sûr de ne pas avoir rêvé. Pourtant… les événements de la nuit dernière m’ont laissé une impression angoissante, comme s’ils annonçaient autre chose de plus terrifiant encore… »

Ainsi s’ouvre la première page d’un vieux carnet manuscrit retrouvé sur une plage, dans une boîte à pharmacie. Il y est question d’un professeur d’histoire, d’un chat nommé Nénuphar et de rats — beaucoup de rats. Quelle est cette invasion soudaine de rongeurs décrite dans le carnet ? Et comment, au fil des pages, échappe-t-elle à tout contrôle ?

Le Seigneur des Rats plonge le lecteur dans une dystopie où un régime autoritaire exerce un contrôle total sur la population, manipulant les foules et instaurant un climat de peur. Écrite il y a près d’un demi-siècle, l’œuvre de Naccache résonne aujourd’hui avec une acuité troublante, alors que la Tunisie traverse une période d’incertitude politique marquée par des restrictions croissantes des libertés.

Z., à qui Gilbert Naccache avait confié l’adaptation graphique de sa nouvelle avant sa disparition, se réapproprie ces pages visionnaires avec brio. Son trait incisif amplifie la force du récit, faisant de cette bande dessinée une œuvre percutante qui fait écho aux catastrophes actuelles et aux dérives autoritaires des sociétés contemporaines.

Une sortie événement

Distribuée par MAKASSAR, Le Seigneur des Rats sera disponible en Tunisie dès le 15 mars, puis en France à partir du 28 mars. Cette double sortie souligne l’importance du livre dans le contexte tunisien tout en lui offrant une reconnaissance bien au-delà des frontières.

Des rencontres et événements accompagneront cette publication, notamment en Tunisie, où la mémoire de Gilbert Naccache reste vive et où Z. continue d’animer le débat politique par son trait incisif.

Avec Le Seigneur des Rats, une part essentielle du patrimoine contestataire tunisien refait surface sous une forme accessible et contemporaine. Grâce à l’engagement d’Azza Ghanmi, cette œuvre bénéficie d’un écrin éditorial à la hauteur de son message. Un livre à lire, à partager et à méditer.

Djamal Guettala

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