Ce jour-là, le ciel de Biskra était calme, comme figé. Je sirotais un café, distrait, perdu dans le ballet tranquille des passants. Rien n’annonçait ce que j’allais voir. Rien, sauf peut-être ce sentiment étrange que parfois, le réel s’apprête à nous frapper là où l’on s’y attend le moins.
Mon regard s’arrêta sur une femme, seule, assise sur un banc. Un long drapeau — aux couleurs familières — glissait le long du bois comme une prière étendue. Et devant elle, une pancarte. Écrite à la main, simplement, douloureusement.
Au début, j’ai cru qu’elle quémandait de l’aide. Peut-être la pauvreté, peut-être la faim. Alors je me suis levé, le cœur ouvert, prêt à offrir ce que je pouvais. Mais lorsque mes yeux ont croisé les mots, tout s’est arrêté.
« لا لإبادة وقتل الفلسطينيين »
« Non à l’extermination et au meurtre des Palestiniens »
C’était une douleur qui ne demandait pas d’argent, mais de justice. Une femme qui ne tendait pas la main pour recevoir, mais pour réveiller.
Elle m’a regardé. Et dans ses yeux, j’ai vu Gaza. J’ai vu les enfants sous les décombres, les mères criant des noms effacés, les silences honteux des chancelleries, les cris étouffés des peuples.
Elle m’a dit, d’une voix étranglée par les larmes :
« Je ne supporte plus… Ce n’est pas juste. Je suis déprimée. Nous sommes faibles, des lâches… et les Arabes se taisent. »
Je n’ai pas su quoi dire. Je me suis senti minuscule. Inutile. Face à elle, face à cette dignité nue, sans micro, sans médias, juste un banc, un drapeau et une vérité.
À Biskra, sur un banc banal, une femme pleurait le monde. Et moi, je suis reparti avec son cri tatoué dans le silence de mon âme.
Djamal Guettala