Il n’y a pas de plus magnifique que les innovations technologiques. Le smartphone est de ceux qui ont apporté au monde un bond fantastique aux moyens de communication en même temps qu’Internet.
Mais à toute innovation ses inconvénients. Pour le smartphone j’emploierais plutôt le mot d’agacement. Certains disent que les gens parlent fort lorsqu’ils l’utilisent, d’autres vont jusqu’à dire qu’ils crient. Moi je ne vois aune conformité des deux mots avec l’intensité de la voix qui me fait dire plutôt qu’ils hurlent.
Bien qu’il n’y ait aucune différence en ce domaine, autant que dans tous les autres, je ferai intervenir un jeune homme dans mon court exemple par déférence aux jeunes filles et aux dames.
Le jeune garçon est sur le quai avec un smartphone à la main. On suppose qu’il l’avait à la porte de sa maison, dans l’escalier, dans la rue puis sur le quai. La rame s’arrête, il ouvre la porte d’une main sans regarder nulle part car l’autre est prise par son un smartphone par lequel il est en communication. Pourquoi voulez-vous qu’il l’éteigne après ce long périple avec son compagnon ?
Comme il ne l’avait pas arrêté, nous étions, comme à chaque fois dans cette circonstance, invités dans son salon privé. Comment décriveriez-vous autrement la situation lorsqu’une personne vous invite à ses conversations privées. Nous sommes assis et nous attendons que notre hôte daigne nous adresser la parole.
Pas du tout, il ne le fera pas. Et commence alors l’étalement de ses humeurs, de ses amours, des évènements auxquels il a pris part ou de ses projets. Il le fera jusquà la station de sa destination, continuant sa conversation sur le quai. On devine qu’elle se prolongera dans la rue et nous perdons finalement la trace de ce jeune homme dans notre esprit.
Ainsi nous sommes perpétuellement invités dans le salon privé des gens qui hurlent. Le jeune homme parti, vous en avez au moins cinq autres qui vous y invitent. C’est perpétuel car vous allez descendre sur le quai, gravir l’escalier et aller dans la rue sans que vous ayez un seul instant le droit de votre légitime isolement et repos.
Mais il y a pire, ceux qui ont acheté une autre innovation, les écouteurs et le casque. Et si vous croyez que cela va vous protéger du hurlement c’est que vous ne connaissez pas l’expression « crier comme un sourd ».
Le fait que l’oreille n’est en écoute seulement que par les vibrations de leur voix, ils ne peuvent entendre son intensité. Et dans ce cas ils font ce qu’il est naturel de faire, hausser le niveau de la voix et participer encore plus fortement au concert des hurleurs.
Mais comme en toutes choses il y a des originaux ou des adeptes d’une nouvelle mode, c’est maintenant l’apparition du smartphone pris horizontalement. De la question du pourquoi mes étudiants m’avaient dit que le but était de se rapprocher du micro.
Quoi ? Même au moment de sa naissance, le micro du smartphone vous permettait de parler avec votre interlocuteur depuis dix mètres en activant la fonction qui vous le fasse entendre.
Alors devant cette cacophonie continue qui fatigue l’esprit, j’ai projeté qu’un jour je rendrai la politesse à tous ceux qui m’invitaient dans leur salon en les invitant à mon tour dans le mien.
Ce jour-là, je me lèverai, je prendrai mon smartphone à l’horizontal pour faire chic et je hurlerai « Non, je ne viendrai pas au mariage de la fille de Tata H’lima ! ».
Je suis persuadé que des dizaines de regards se braqueront sur moi. Pas du tout pour le hurlement, c’est devenu naturel chez eux, mais par une envie folle de me demander :
« Pourquoi vous ne voulez pas aller au mariage de la fille de Tata H’lima ? ».
Boumediene Sid Lakhdar
