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Le sociologue Abdellali Medaci s’en prend aux héritiers Feraoun 

Ali Feraoun
Ali Feraoun
Ali Feraoun.

Dans une contribution publiée dans le site algerie54dz, le sociologue Abdellali Merdaci a violemment critiqué Ali Feraoun et sa sœur accusés de s’être adonnés à une entreprise de falsification, un révisionnisme visant la glorification du parcours de leur père. Comme si Mouloud Feraoun avait besoin de ça ! 

En véritable procureur qui se prévaut du monopole des valeurs patriotiques, le sociologue constantinois a instruit un véritable procès pour délit de patriotisme contre l’écrivain Mouloud Feraoun. A coups de raccourcis et d’alignement de petites phrases, Merdaci développe une rhétorique à l’égard de l’écrivain dont il se réfère pernicieusement à plusieurs reprises à ses origines kabyles. Il pointe son prétendu déficit d’engagement, voire prétendument mou en faveur de la révolution.

« Depuis quelques années,  les descendants de l’écrivain Mouloud Feraoun ont entrepris de réécrire l’histoire de leur père, souvent une triste hagiographie, circonvenant les faits réels et vérifiables », écrit le sociologue Constantinois.

« Ali Feraoun est volontairement dans l’injure pour liquider de supposés conflits avec les Éditions du Seuil et les Centres sociaux éducatifs, que  ne lui a pas légués l’écrivain-instituteur. Et dans le mensonge absurde, faisant de son père un membre de la glorieuse ALN, pour racheter les scories d’attachements politiques condamnables », se lache le sociologue.

« Ali Feraoun et sa sœur Faïza font table rase du parcours dans la littérature et dans les Centres sociaux éducatifs (1) de l’écrivain et « Instituteur du Bled ». Leur fallait-il pour sortir de l’oubli leur père souiller, en 2014, la mémoire d’Emmanuel Roblès et de Paul Flamand, des éditions du Seuil, à Paris, et en 2021, de Max Marchand, Robert Eymard, Salah Ould Aoudia, Marcel Basset, Ali Hamoutène, animateurs des Centres sociaux éducatifs en Algérie ? »

Répondant aux  propos d’Ali Feraoun au « Forum » de la RTO (Radio Tizi-Ouzou), début mars 2021, sur  la tuerie de Château-Royal, le preux professeur Merdaci se lâche : « Pour lui, les autres victimes assassinées ce jour lors de l’attentat qui a coûté la vie à son père n’étaient que des ‘‘victimes collatérales destinées à maquiller son assassinat et à faire croire à un attentat quelconque’’. Déclaration abjecte, enlevant leur destin et leur martyr à des hommes de conviction.

L’auteur du « Fils du pauvre » (1950, 1954) avait-il besoin de ce déferlement de haine de ses enfants pour revenir dans l’actualité de son pays ? Chaque 15 mars, les Algériens se souviennent de l’écrivain Mouloud Feraoun, assassiné peu de temps avant la signature des Accords d’Évian par les représentants de la République française et du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).

(…) Cet homme était un écrivain prometteur de la jeune littérature algérienne de langue française. Mais aussi un acteur du champ politique de la colonie qui ne fut pas irréprochable : plus d’un demi-siècle après sa disparition, ses ayant-droit ne l’acceptent pas, quitte à se fourvoyer dans de désolants mensonges sur fond de haine et de règlement de compte », a fulminé encore A. Merdaci, reprochant  à Ali Feraoun de réécrire  » à   nouveaux frais, le passé politique de son père. En 2012, il annonçait un scoop à la journaliste d’El Watan,  se prévalant de documents qui attestent de l’intégration de son père à la Glorieuse Armée de libération nationale : «On reprochait à mon père de ne pas s’être engagé dans la Révolution. Or, aujourd’hui, je détiens la preuve qu’il était membre de l’ALN » (4).

Mais où sont ces documents qui en imposeraient à tous ? (…) Feraoun n’était ni un compagnon de route du FLN ni, encore, impliqué dans la marche de la glorieuse Armée de libération nationale. Aucune recherche historique, aucun témoignage de combattants n’en font état.

Rappelons donc d’ineffaçables pages de l’histoire coloniale. Conseiller municipal de Fort-National (Larba Nath Irathen), Mouloud Feraoun a été l’un des rares écrivains, sinon l’unique écrivain de l’après-Seconde Guerre mondiale, à briguer un mandat électoral et à se projeter pleinement dans la politique locale. Il rendra son mandat vers la fin du mois de décembre 1955, craignant les représailles du FLN.

(…) Les engagements politiques de Feraoun pendant la guerre d’Indépendance le portent du côté de la collaboration avec les forces coloniales. (…) Il faudra bien sortir de la fiction, construite par ses héritiers, d’un compagnonnage de l’écrivain kabyle avec la Glorieuse Armée de libération nationale. Au plus fort de la guerre, l’avenir de l’Algérie auquel aspirait Feraoun réunissait, toujours sous la protection de la France, les modérés des deux camps : « Vive la France, telle que je l’ai toujours aimée. Vive l’Algérie, telle que je l’espère », «Journal », pp. 319-320).

L’écrivain n’a jamais été aussi ferme dans ses choix politiques. Cette Algérie rêvée n’était pas celle pour laquelle mouraient ses frères et ses sœurs derrières les ubacs, dans les maquis embrasés par le napalm français. Pourquoi en faire un révolutionnaire de la Glorieuse ALN, le fusil au pied ? Odieuse falsification des faits. il n’y a de héros qu’avec un fusil pour ce courageux universitaire habitué des polémiques pour exister.

Réfutant les accusations portées par Ali Feraoun contre Emmanuel Roblès et Paul, Abdellali Merdaci sonne la charge : « En 2014, Ali Feraoun vilipendait les éditeurs de son père, Roblès et Flamand, dans des propos offensants et insoutenables (9). En cause, le traitement de deux romans de Feraoun « Le Fils du pauvre » (1954) et « L’Anniversaire » (1959, inédit ; réédité par ses héritiers, en 2007, sous le titre « La Cité des roses », Alger, Yamcom). Il en ressort une mise en cause tonitruante prononcée lors d’une conférence à Haïzer (Bouira) au mois de janvier 2014 : « Si on parle de l’assassinat de Feraoun, son entrée dans les éditions le Seuil, ça a été déjà une trahison et un assassinat. Et c’est Roblès qui l’a fait »(10). Propos ignobles, qui ne correspondent pas au travail éditorial de Roblès et à l’accompagnement fraternel qu’il a toujours voué à Feraoun. En quoi l’entrée au Seuil de Mouloud Feraoun, qui le révèle comme écrivain, fût-elle un « assassinat» et une «trahison » ? Roblès a-t-il vraiment détourné les textes de Feraoun, et le tout premier d’entre eux « Le Fils du pauvre », pour être châtié par le fils ? »

Les « autorités coloniales». Au « Forum » de la RTO, Ali et Faïza Feraoun mettent en cause les «autorités coloniales » accusées d’avoir censuré « la pensée » de leur père. Mais qui donc, hors de la sphère privée, connaissait, en ces années de guerre, la « pensée » du « Fils du pauvre », qui a été divulguée post-mortem dans les pages de son « Journal ». Mais regardons-y de plus près : ces « autorités coloniales » ne sont qu’un épouvantail, un «bourourou » (2).

Abdellali Merdaci doit dormir maintenant avec le devoir accompli d’avoir une deuxième fois exécuté Mouloud Feraoun. En jetant un voile de doute sur ses convictions nationalistes, le sociologue enfonce le dernier clou dans le cercueil de l’immense Mouloud Feraoun.

Samia Naït Iqbal

Notes :

-(1,2,3) Journal Liberté du 18.09.2021. Lien pour lire l’article de Liberté: https://www.liberte-algerie.com/culture/tizi-hibel-se-souvient-du-fils-oublie-de-l-algerie-355581)

-(4) algerie54.dz

Pour lire la contribution de A. Merdaci : « 59ème anniversaire de la disparition du « fils du pauvre » : Les procès en sorcellerie d’Ali Feraoun – Algerie54, Abdellali Merdaci  cf, https://algerie54.dz/2021/03/19/memoire-17/

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