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Le spectre de Bocchus et les relations algéro-marocaines

Depuis l’existence des Etats nord-africains, les relations et plus particulièrement  entre deux nations rivales dont les frontières varient selon les situations historiques sont intensément animées par des querelles permanentes voire des accrochages armés.

Plus loin dans le temps historique, les rivalités entre les Numides et les Maures sont marquées par la trahison de Bocchus qui, d’après l’historien Salluste, a favorisé la capture de son gendre Jugurtha par les Romains.

Depuis, l’histoire semble se répéter au point qu’en leur temps les Mérinides assiègèrent la ville de Tlemcen, capitale des Zianides.

Hélas, l’histoire des rivalités ne s’arrêtent pas aux comptes rendus de Salluste et d’Ibn Khaldoun, a l’indépendance de l’Algérie une nouvelle guerre éclate à cause de la revendication territoriale du Maroc dont le tracé de la frontière coloniale ne correspondait pas du tout au dessein impérial du voisin de l’ouest.

Juste après la guerre de libération nationale, la guerre des sables a été considérée par les Algériens comme une agression caractérisée des frères de l’ouest.

Le tracé des frontières entre les deux pays hérité de la colonisation ne correspondait pas aux revendications  marocaines qui considèrent toujours  que quelques villes algériennes frontalières sont marocaines alors que la cartographique historique atteste que la limite des Etats nord-africains varie selon les périodes.

Alors que les Marocains évoquent l’expansionnisme du grand Maroc médiéval, les Algériens se contentent da la faveur postcoloniale sans pour autant légitimer l’écueil de la Moulouya comme limite d’un tracé hérité des Etats nord-africains antiques et médiévaux.

Plus près de nous, le problème de décolonisation du Sahara occidental accentue un peu plus les désaccords entre les deux Etats au point qu’une nouvelle guerre éclate et qui heureusement s’est terminée par quelques batailles épisodiques.

Depuis, une méfiance totale règne entre les deux pouvoirs sans pour autant qu’une guerre totale ne se déclenche. Cette situation délétère déteint sur les quotidiens des populations prises entre les tenailles des deux régimes.

La propagande par l’intermédiaire de médias fait le reste en entretenant la haine de l’autre. La frénésie des régimes ne s’arrête pas là au point que le football est instrumentalisé en outrance.

Or, l’expression citoyenne des deux peuples montre au moins une chose, c’est que le partage du plaisir que crée le football, la différencie de la haine entretenue par le discours politique. Hélas ! Les élites politiques savent bien comment manipuler la masse pour mieux contrôler l’appareil de l’Etat et tant pis pour la population qu’on prive de ces rares moments de réjouissance partagée.

Fatah Hamitouche, ethnologue

° Sur la complexité du problème en situation coloniale, nous renvoyons à l’article de P. Vidal de la Blache, la zone frontière de l’Algérie et du Maroc d’après de nouveaux documents, Annales de géographie, 1897/28.

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